17/04/02 Démocratie à la malienne, plus qu’un espoir … une réalité qui progresse (par Roger Picon)

Note
de l’ARDHD : Cela sera-t-il possible à Djibouti dans un
avenir proche ? Nous n’avons pas la réponse, mais il est
intéressant de faire un parallèle entre la situation
actuelle à Djibouti et celle du Mali. Grâce à
des hommes sages et engagés, le Mali a pu progresser à
grands pas dans la Démocratie. Pourquoi pas Djibouti ?

Le 22 mars
1991, de violentes manifestations d’étudiants et de jeunes
chômeurs ont lieu à Bamako. Les forces de l’ordre
tirent à la mitrailleuse sur la foule, faisant plusieurs
dizaines de morts.
L’état d’urgence et le couvre-feu sont instaurés
dans tout le pays. Le 24, le président Moussa Traoré,
au pouvoir depuis 1968, affirme qu’il ne démissionnera
pas.
Le 25, il est renversé et arrêté par des militaires.

Un Conseil de réconciliation nationale, dirigé par
le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré, est formé.

Il suspend la Constitution, dissout le Parlement et le parti unique,
l’Union démocratique du peuple malien.

Le Mali ne
souffre plus de tribalisme mais les Maliens sont des citoyens
méfiants.
Nul ne fait plus référence au régime despotique
de Moussa Traoré qui a maintenu le pays dans la misère
d’une factice " démocratie populaire " durant
plus de 23 ans tout en entretenant des clivages entre les ethnies
du Nord et celles du sud.
Fin 1991, 98 % des votants approuvaient par référendum
la nouvelle Constitution.
Quelques mois plus tard 26 % seulement de la population se déplaçait
pour participer aux législatives.
Le boycott frappait la Liste du parti Konaré ou figuraient
des ralliés, anciens députés de Moussa Traoré.
Le professeur Alpha Konaré , défenseur des Droits
de l’homme a compris le message de " Volonté de Démocratie
et d’ouverture, de respect d’une réelle pluralité
politique " que lui adressa alors le peuple malien ; il a
définitivement coupé avec la dictature sanglante
et pratique la " bonne gouvernance " remplaçant
une paix faite de subterfuges du pouvoir par une paix durable
avec les tribus touaregs du nord et stoppé toutes les violences
politiques dans la rue.

La délinquance
et la criminalité ont régressé d’année
en année au point qu’elles sont aujourd’hui parmi les
plus faibles en Afrique.
Par sa libéralisation de l’Economie, sous la pression
de la Banque mondiale, Alpha Konaré, a supprimé
des postes de fonctionnaires et bridé les salaires
durant quelques années alors que parallèlement
les investisseurs locaux et étrangers créaient
des entreprises et généraient des emplois aux
salaires bien supérieurs à ceux pratiqués
dans la fonction publique.

Le reclassement
des fonctionnaires fut géré et s’est étalé
dans le temps. Certains n’ont pas hésité à
démissionner spontanément pour occuper des postes
qui s’ouvraient dans le secteur civil ; ils ont amélioré
leurs conditions d’existence et celles de leurs familles.

Sur le plan
de l’économie, les progrès sont visibles au point
qu’ils surprennent les experts les plus optimistes.

Comme par
une volonté divine de contribuer à l’amélioration
de la situation, les grandes sécheresses épargnent
l’agriculture qui s’est réorganisée et produit davantage
au point qu’elle exporte depuis quelques années vers les
pays limitrophes.
Dans les régions les plus retirées du Mali, l’eau
était là, à quelques mètres sous terre
; il suffisait de creuser.
Les Maliens l’ont fait aidés en cela par des ONG françaises
qui se sont investies afin de répondre au mieux dans tous
les domaines dans lesquels les grandes réformes de l’état
malien ne pouvaient pas forcément répondre financièrement.
La population ne connaît plus de problèmes alimentaires.
Les conditions sanitaires de la population s’améliorent
d’année en année, des campagnes de vaccinations
sont organisées notamment en pays touareg où l’on
voit des motos tous terrains sillonnant les pistes et transportant
de petits containers réfrigérés préservant
vaccins et médicaments sensibles aux variations de températures.

Des projets
innovants, entre autres, de " Dispensaires médicaux
" démontables et transportés à dos de
chameaux sont en cours de concrétisation ; ils iront là
où peu sont allés, dans les régions les plus
inaccessibles du pays.

Les citadins
reviennent dans leur village d’origine qui revivent et s’étendent.

Une multitudes de petits commerces locaux émergent, parfois
tenus par des mères de famille, et contribuent au déploiement
d’une nouvelle dynamique locale dans l’arrière pays.

Le Mali ne
disposant d’aucune façade sur l’océan Atlantique,
le tourisme y est néanmoins en plein essor. La grande "
Fête des Touaregs " de janvier 2002 a confirmé
la capacité du Mali à s’ouvrir vers l’extérieur
tout en harmonisant, en l’espèce, l’une de ses opportunités
de développement d’un tourisme ciblé et limité
avec la préservation des pouvoirs traditionnels, de la
culture, de la langue et de la religion.

Les Conseils
des anciens, les Chefs de villages et les grandes familles restent
influents tout en accompagnant la montée en puissance de
la Démocratie et le respect des droits humains.
L’analphabétisme régresse lentement, la volonté
d’avancer est présente.
Là encore, les ONG interviennent dans l’équipement
des classes et la fourniture des matériels et des ouvrages
scolaires dans les villages de l’arrière pays.

Si nul ne
peut prétendre que le Mali a atteint " le parfait
" on ne peut contester les effets très positifs des
profonds bouleversements de la société malienne
dans son ensemble qui se sont opérés dans le pays,
notamment dans ces 5 dernières années.

Contrairement
à bien de ses voisins, le Mali se prépare à
des présidentielles transparentes, les 28 avril et 12 mai.
Conformément à la Constitution, après deux
quinquennats, Alpha Konaré quitte le pouvoir.
Il part sans désigner de dauphin et dans son parti, l’actuel
premier ministre, Mandé Sidibé, et l’ancien, Smaïla
Cissé, se concurrencent.
Dans l’opposition, le CNID aligne un solide candidat, Moutaga
Tall, super-diplômé à l’étranger et
grand expert en politique.

D’autres hommes
politiques brillants comme Choguel Maïga et Tiébélé
Dramé ont des atouts certains mais c’est un général
pré-retraité, l’homme qui déposa Moussa Traoré
puis qui lança la Réconciliation nationale de 1991,
Amadou Tumani Touré, qui semblerait être le mieux
placé dans cette ultime confrontation pour une présidentielle
à trois composantes.

Fils de parents
peul et bambara, le général surprend par sa modernité.
Considéré comme " Militaire courageux et démocrate
sincère " depuis l’action de ses parachutistes au
cœur des émeutes de Bamako au printemps 1991, au cours
de laquelle il avait mis un terme au régime de Moussa Traoré
en spécifiant alors que " L’Armée n’assurerait
qu’une transition de 9 mois avant le retour au régime civil
et aux élections.
Le militaire de courage a tenu parole et s’est retiré du
pouvoir pour laisser la parole à la Démocratie.
Il a soutenu et soutient encore des associations rurales, entre
autres, pour l’acquisition de moulins à farine, la lutte
contre le ver de Guinée, l’émancipation de la femme
malienne.
Il a crée une fondation pour la scolarisation des enfants.

Dans la perspective
des Elections présidentielles proches… avec une quinzaine
de candidats en lice, le mélange savant des accords entre
41 petits partis politiques est bien difficile à connaître
actuellement et laisse peser une nécessaire incertitude
; celle de la Démocratie et du libre choix des électeurs
maliens.

Roger
Picon