20/04/02 LE DROIT AU CHAPITRE : par AÏNACHÉ

LE BILAN

Une fois de
plus nos compatriotes viennent de subir la foudre lancée,
par le tenant du pouvoir, lors de la manifestation d’hier matin
(jeudi 18.04.02). Nous ne comprenons pas comment une manifestation
pacifique de citoyens, quelles que soient leurs motivations se
transforme systématiquement, chez nous, en un carnage.

Il y a à
peine une quinzaine de jours, nous déplorions la même
brutalité policière et l’emprisonnement de plus
d’une soixantaine d’adolescents inquiets de leur avenir. Nous
constatons que les mécontentements se multiplient, que
le pouvoir perd de plus en plus son sang-froid et que comme, toujours,
son mode de dialogue reste le gaz lacrymogène et les fusils
chargés de balles réelles délibérément
braqués sur les manifestants.

Nous présentons
nos plus sincères condoléances aux familles endeuillées
et nous souhaitons un bon rétablissement aux nombreux blessés.

Nous attirons
la vigilance de nos compatriotes et de la Communauté Internationale
devant les risques d’une réaction brutale et systématique
du pouvoir, contre toutes les manifestations et plus particulièrement,
lors du défilé du 1er mai prochain.

Cette journée
du 1er mai, fête du travail, les travailleurs djiboutiens
à l’instar de tous les travailleurs du monde entier, souhaitent
exprimer leurs doléances dans le cadre de la loi de la
République et dans la tranquillité.

Nous soutenons
à l’avance, tous les Travailleurs qui manifesteront pacifiquement
et dans la dignité. Nous mettons en garde le Pouvoir contre
des agissements irresponsables qui auraient pour conséquence
de transformer les manifestations citoyennes légitimes
en un affrontement sanglant avec les forces spéciales de
police.

Nous saisissons
cette douloureuse occasion pour attirer l’attention des hommes
et des femmes épris de liberté, sur le sort des
douze Officiers et Sous-Officiers en grève de la faim depuis
plus de deux mois dans la sinistre prison de Gabode.

Pendant que
la situation économique et sociale de tous les Djiboutiens
se détériore, les membres du Gouvernement fêtent
le troisième anniversaire de l’accession du président
de la République à leur manière, en se confondant
en remerciements et en féléicitations réciproques.

Dans le communiqué
rendu public à l’issu du Conseil des Ministres du mardi
09.04.02, on peut lire ceci.

" A l’occasion du début de la troisième
année du mandat du Président de la République
M. Ismaîl Omar Guelleh, les membres du Gouvernement se sont
félicités des nombreuses actions réalisées
durant ces trois dernières années et surtout la
consolidation de la paix dans notre pays. Les membres du Gouvernement
ont remercié le président de la République
de la confiance qu’il leur témoigne, l’ont félicité
de sa volonté à remettre en question l’action du
Gouvernement pour une meilleure appréciation de ses effets
et enfin les Membres du Conseil entendent poursuivre l’exécution
de la politique du Gouvernement conformément au message
politique et d’orientation du Président de la République
".

Contrairement
aux habitudes, ce qui saute aux yeux, c’est la sobriété
du message et l’absence d’un véritable bilan présentable
pour ces trois années du mandat. Cela n’a pas donné
lieu à l’organisation d’une grande festivité dont
le Président est très friand pour marquer l’évènement.
Il est vrai qu’il n’y a pas de quoi être fier, d’étaler
un bilan sans gloire.

Il est compréhensif
que les membres du Gouvernement remercient celui grâce à
qui ils occupent " en titre ", des postes dans le gouvernement
mais est moins habituelle, la modestie qu’a fait preuve le Président.
Je le cite : " Le Président de la République
M. Ismaîl Omar Guelleh souligne l’importance du travail
d’équipe au sein du gouvernement. Il rappelle que les qualités
qui doivent compter pour un homme politique sont l’impartialité,
l’intégrité, la justice et l’équité
et que les responsables pour être à la hauteur de
leur mission doivent être au service et à l’écoute
des sollicitudes permanentes de la population. Il exhorte les
membres du Gouvernement à doubler leur détermination
et leurs efforts pour le redressement économique du pays
"
. Vous mesurez bien sûr le décalage entre
le discours et la réalité.

Sans vouloir
être cruel, il n’est pas superflu de rappeler quelques aspects
de la réalité que vivent nos compatriotes.

– Lorsque
sa propre élection est empreinte de doutes étayés
ouvertement devant la justice par des hauts dignitaires de l’Etat.
– Lorsqu’il est pratiquement interdit dans les grandes capitales
démocratiques et que les dirigeants démocratiquement
élus évitent d’être vu en sa présence.

– Lorsqu’il a consacré sa première année,
sous l’impulsion de l’ONU et de l’OUA, sur un sujet noble, la
réconciliation de nos frères somaliens, mais transformé
par sa méthode, en un cirque tribal, malgré l’abnégation
des Djiboutiens qui avaient adhéré à la
cause comme le reste de la communauté internationale.

– La seconde année, avec l’appui de la France et de la
Communauté européenne, a été entièrement
ou presque consacrée à ce que les uns appelaient
la négociation et les autres la discussion, entre deux
belligérants, le FRUD-Armée et le gouvernement,
à l’abri des oreilles considérées indiscrètes
de la population Djiboutienne. Comme on pouvait s’en douter
la situation demeure figée !
– La troisième année, que nous venons de terminer
s’est transformée en une gigantesque kermesse. En énumérant
les principales festivités, il faut tout d’abord signaler
le Séminaire de Réflexion sur l’action du Gouvernement
qui s’est soldé par un gros gag et une frustration des
véritables acteurs de l’évènement, c’est
à dire les fonctionnaires qui ont été obligés
de préparer en lieu et place des politiques l’action
du gouvernement. A cette occasion, le président se transformait
en un " Monsieur Loyal " orchestrant la mise en scène
de ses ministres en ridiculisant certains publiquement. Suivi
de la tournée promotionnelle à l intérieur
du pays où la population se voyait obligée de
venir l’accueillir. Bien sûr avec compensation. D’ailleurs,
le district d’Ali-Sabieh vient de recevoir la récompense
promise. C’est à dire une télé !!!! Et
les autres ?
– Les membres du Gouvernement n’ont pas fait état dans
leurs remerciements, du coup d’Etat avorté, des violations
des Droits de l’Homme, de l’emprisonnement arbitraire des Officiers
et des Sous-Officiers qui se meurent dans la sinistre prison
de Gabode, pour avoir eu le tort d’obéir à leur
chef.
– Ils n’ont pas eu un mot, non plus sur l’angoisse de la jeunesse
matraquée et emprisonnée à la moindre manifestation
ect…ect….ect….

La
liste est longue et il serait fastidieux de continuer à l’énumérer.
L’heure est plus au recueillement devant la douleur des familles
endeuillées, à la solidarité aux blessés,
plutôt que de tomber dans la facilité de faire un bilan
que les principaux intéressés s’ingénient à
cacher.

AÏNACHÉ