29/06/02 Congo : l’action de la justice française va-t-elle être entravée par une mascarade qui pourrait-être sinon soutenue par la diplomatie française, mais au minimum tolérée ? (Communiqué FIDH, Survie, LDH, OCDH, FCD)

Collectif
des Parents des Disparus du Beach
Fédération des Congolais de la Diaspora

Congo Brazzaville
: une mascarade de procès imaginée pour tenter d’entraver
la justice française

Paris – Brazzaville,
le 28 juin 2002 : La FIDH, la LDH, l’OCDH, le Collectif des Parents
des Disparus du Beach, la Fédération des Congolais
de la Diaspora et Survie dénoncent avec la plus grande
vigueur les manœuvres des autorités congolaises visant
à entraver l’action de la justice française concernant
la plainte déposée contre le Général
Dabira et d’autres hauts représentants de l’Etat congolais
pour crimes de torture, disparitions forcées et crimes
contre l’humanité commis au Congo Brazzaville.

La plainte
a été déposée le 5 décembre
2001 auprès du Parquet du tribunal de grande instance de
Meaux, à l’initiative de deux victimes directes miraculeusement
rescapées de cet enfer, réfugiées en France,
ainsi que par la FIDH, l’OCDH et la LDH. Elle vise Monsieur Norbert
Dabira, Inspecteur général des Armées, qui
a une résidence en France, ainsi que Monsieur Denis Sassou
Nguesso, Président de la République du Congo, Monsieur
Pierre Oba, Général, Ministre de l’intérieur,
de la sécurité publique et de l’administration du
territoire, Monsieur Blaise Adoua, Général, Commandant
de la Garde républicaine dite garde présidentielle,
ainsi que tous autres responsables que l’information pourra révéler.

Nos organisations
viennent d’apprendre, depuis que cette procédure judiciaire
a été rendue publique, qu’une instruction aurait
été ouverte concernant les disparitions au Beach
de Brazzaville par le Doyen des juges d’instruction de Brazzaville.
L’OCDH, partie civile dans la plainte en France, a été
convoquée par un juge de Brazzaville le 26 juin 2002, pour
être entendue dans le cadre de cette instruction.

Nos organisations
ne peuvent qu’être surprises de la mise en œuvre hâtive
d’une telle procédure au lendemain de la convocation en
France en tant que témoin assisté du Général
Dabira. Celui-ci devait en effet comparaître devant les
juges d’instruction français le 19 juin 2002, mais il a
invoqué son incapacité à se déplacer
suite aux récents événements survenus au
Congo Brazzaville. L’audition a donc été reportée
au 8 juillet 2002.

Le risque
est évident de voir monter de toutes pièces une
mascarade de procès au Congo Brazzaville, qui viserait
à faire obstacle à la poursuite de la procédure
en France. Cette manœuvre est choquante car depuis les événements
du Beach en 1999, et en dépit des efforts inlassables des
parents des victimes et de l’OCDH, aucune plainte n’a été
suivie d’effets au Congo.

Les autorités
congolaises semblaient vouloir éviter à tout prix
que la lumière soit faite sur ces très graves violations
et que les responsabilités soient établies. En témoigne
également le fait que la Commission d’enquête parlementaire
établie en août 2001 pour faire la lumière
sur ces événements est parvenue au terme de son
mandat sans jamais rendre public son rapport, et sans avoir jamais
entendu les victimes et leurs familles. En témoigne également
le classement sans suite, en mai 2002 de la plainte introduite
par le Collectif des personnes déportées en décembre
1998 à Impfondo devant le Tribunal de grande instance de
Pointe Noire.

Alors que
l’indépendance du pouvoir judiciaire au Congo est un leurre,
la manœuvre de diversion entreprise par le recours à
une parodie de justice dans ce pays est une insulte aux victimes,
à leurs familles et aux organisations qui les soutiennent
dans leur quête de justice. Il s’agit manifestement d’une
mascarade politique visant à protéger les principaux
responsables des faits incriminés.

Afin
de faire le point sur cette affaire, nos organisations
invitent les journalistes à un point-presse
le jeudi 4 juillet
à 10h00 au siège de la FIDH
17, passage de la Main d’Or
75011 Paris

Rappel
des faits :

Mai 1999 : des milliers de Congolais qui avaient fui les combats
faisant rage à Brazzaville depuis 1998 décident
de retourner dans la Capitale congolaise, en profitant d’un couloir
humanitaire placé sous les auspices du Haut Commissariat
aux réfugiés (HCR).

De sources
concordantes, plus de trois cent cinquante cas de disparitions
auraient été recensées au cours de ce retour
d’exil. Pour la seule journée du 14 mai 1999, plus de 200
personnes auraient ainsi disparu.

Les plaintes
ont pour fondement juridique la compétence universelle
des juridictions françaises, pour les crimes de torture,
disparitions forcées et crimes contre l’humanité
(article 212-1 du Code Pénal, article 689-1 et 689-2 du
Code de Procédure Pénale et Convention contre la
torture de 1984 ratifiée par la France).
Lors du dépôt de la plainte, les parties civiles
avaient précisé que le Général Norbert
Dabira était localisé en France, où il dispose
d’une résidence. Les juridictions françaises sont
compétentes pour connaître des crimes de torture
commis à l’étranger par un étranger, dès
lors que l’auteur présumé est trouvé sur
le territoire français.

Nos organisations
se félicitent que dans ces affaires, une instruction ait
été rapidement ouverte. Elles restent néanmoins
vigilantes, voire préoccupées, quant à la
suite de la procédure judiciaire, au vu de la reprise des
conflits au Congo Brazzaville et de la sensibilité du dossier.

Cette affaire
représente, pour les ONG, mais avant tout pour les victimes,
une étape essentielle de la lutte contre l’impunité
des crimes les plus graves. Cette procédure pourrait mettre
fin à la spirale de l’impunité, qui engendre la
violence et perpétue les violations des droits humains.


Contacts presse :
LDH : 01 56 55 51 09
FIDH : 01 43 55 25 18
OCDH : 00 242 53 11 85
Fédération des Congolais de la Diaspora : 06 99
75 19 06
Survie : 01 43 27 03 25