18/10/02 CONGRES SYNDICAL : CINQ COLONNES POUR UN CLONE ? (Transmission LDDH)

Les téléspectateurs
ont pu suivre sur les ondes de la RTD ce qui a été présenté
comme le déroulement du second Congrès de la centrale syndicale
UDT tenu à l’hôtel Sheraton samedi dernier. On y a appris que
près de deux cents délégués issus d’une vingtaine
de syndicats de base affiliés ont adopté d’importantes résolutions
réaffirmant la nécessité d’un syndicalisme libre, la
défense des intérêts des travailleurs ainsi que la sauvegarde
des droits sociaux.

De même qu’ils ont
procédé à l’élection d’un Bureau Exécutif,
reconduisant d’anciens dirigeants syndicaux abusivement licenciés par
le régime pour fait de grève. Les démocrates sincères
ne pouvaient que se féliciter de voir le syndicalisme indépendant
enfin retrouver ses droits dans notre pays. C’est mal connaître notre
pays.

Les conditions cacophoniques
qui ont accompagné ce Congrès, avec notamment quelques frictions
entre le ministre de l’Intérieur et celui de l’Emploi, étaient
en fait les prémisses d’une remise en cause annoncée. Ainsi,
dans son édition du lundi 30 septembre, le journal gouvernemental "
La Nation " ne consacre pas une seule ligne à la tenue de ce Congrès
dont la RTD avait pourtant assuré une couverture médiatique
honnête.

Au lieu de cela, le lecteur
a droit à pas moins de cinq textes contestant la légalité
de cette réunion syndicale ainsi que la légitimité des
dirigeants élus.

Contre toute attente donc,
on apprend dans un texte intitulé " UDT : les poursuites judiciaires
" dont l’auteur se présente en qualité de Secrétaire
Général de l’UDT que des individus " dépourvus d’autorité
et de représentativité ont tenté d’organiser la tenue
clandestine et illégale d’un soi-disant congrès au Sheraton
Hôtel le 28 septembre dernier ". Une clandestinité télévisée,
voilà du nouveau !

Il ne nous appartient
pas d’apprécier la représentativité de ces dirigeants
syndicaux : nous estimons que les travailleurs sont parfaitement conscients
de leurs intérêts et suffisamment mûrs pour désigner
leurs dirigeants en toute indépendance. Rappelons juste que ce Congrès
était approuvé par le ministère de l’Intérieur
qui en avait été préalablement informé, et qu’un
cordon de policiers dûment mis à la disposition de l’UDT était
chargé d’en assurer le bon déroulement.

La question que l’on est
en droit de se poser est la suivante : comment les pouvoirs publics ont-ils
pu laisser se dérouler une réunion illégale au regard
des statuts de la centrale syndicale et dont les responsables sont frappés
d’illégitimité ?

Par contre, il nous incombe
de réagir lorsque dans ce qu’il présente comme une mise au point,
celui qui se présente comme le Secrétaire Général
légitime, parle d’un " soi-disant congrès de l’UDT qui
s’est tenu le samedi 28 septembre et organisé par Monsieur Aden Mohamed
Abdou et ses amis politiques nationaux ou étrangers (qui) participe
de cette stratégie d’un certain milieu politique sectaire et en perte
de vitesse qui pratique l’entrisme à outrance et cherche à instrumentaliser
la société civile en général et le mouvement syndical
en particulier à des fins personnels ou politiques ".

Notre journal Réalité
ayant été nommément cité au nombre de ces "
amis politiques " et comptant très peu sur une hypothétique
tribune que nous offrirait " La Nation " pour rectifier ces propos
déplacés, les lignes qui suivent doivent donc être lues
en tant que réponse à ce qui nous semble constituer un exercice
de ventriloquie par lequel le régime parle par la bouche (ou ici sous
la plume) d’un personnage se prétendant syndicaliste.

Qui est le véritable
auteur-commanditaire de tous ces textes généreusement publiés
?

Question légitime
lorsque l’on lit sous la plume de quelqu’un se prétendant syndicaliste
qu’ " aujourd’hui nous venons d’instituer le multipartisme intégral,
ce qui constitue une grand pas sans précédent pour notre jeune
démocratie. N’est-il pas plus indiqué pour Monsieur Aden Mohamed
Abdou (responsable du FRUD) et ses amis politiques de descendre dans l’arène
politique et afficher publiquement leur programme politique – si tant est
qu’ils en aient un – et laisser l’opinion nationale apprécier et faire
librement son choix le moment échu ".

Il ne nous semble pas
que la tâche principale d’un véritable syndicaliste soit d’ "
instituer le multipartisme ", cela relève plutôt du Législatif.
Ni de supputer quant à savoir si notre Parti a un programme politique.
Le véritable syndicaliste doit uniquement défendre les intérêts
des travailleurs : c’est en cette qualité, et non pour son appartenance
à notre Parti, que les délégués ont unanimement
reconduit Adan Mohamed Abdou dans ses fonctions.

En effet, tout nous donne
à penser que la chasse aux sorcières dont il est victime dans
la presse gouvernementale est également motivée par ses positions
et son engagement de vrai syndicaliste. Les travailleurs djiboutiens savent
bien que c’est du fait de son action syndicale, et non une quelconque guérilla
urbaine, que le régime a arbitrairement licencié M. Aden Mohamed
Abdou. A l’heure où un nouveau Code du Travail réactionnaire
est préparé, le gouvernement n’a certainement pas envie d’avoir
pour partenaires sociaux des dirigeants syndicaux défendant réellement
les travailleurs.

D’autre part, l’action
d’un véritable syndicaliste s’inscrit dans un projet de société
clairement établi : défendre les travailleurs contre tous les
abus politiques et patronaux, surtout lorsque le politique est un patron !

Par exemple, et sans pour
autant nous immiscer dans les affaires strictement syndicales, le véritable
dirigeant syndical, qui se respecte et qui respecte sa base, doit condamner
les atteintes aux droits des travailleurs que constituent la " loi Daach
" et autres dispositions spoliant les retraités.

A ce titre, nous invitons
ce syndicaliste à (se) mobiliser contre toutes ces lois pour cause
de dispositions illégales, voire fondamentalement anticonstitutionnelles
: il a de fortes chances d’obtenir gain de cause dans un véritable
Etat de droit. Mais le problème est que, dans un véritable Etat
de droit, de telles lois n’auraient même pas été adoptées.

Les retirer de la circulation,
et mettre un terme au mépris dans lequel le régime tient travailleurs
et retraités constitue un point de notre programme politique car, quoi
qu’en pense ce pseudo-syndicaliste, nous en avons un, solide !

Enfin, la prose de ce
" syndicaliste " atteint des sommets lorsqu’il ose écrire
: " Nous nous interrogeons fortement pourquoi ces hommes usent et abusent
de toutes sortes de subterfuges et stratagèmes stériles et s’évertuent
à arriver au pouvoir leur objectif final par la fenêtre ou une
porte entrebâillée alors qu’ils peuvent emprunter ce grand boulevard
ouvert depuis le 4 septembre dernier dans le cadre de la nouvelle donne politique
– multipartisme intégral – et entrer par la grande porte à condition
bien sûr que le peuple djiboutien adhère à leurs idées,
ce qui est loin d’être le cas pour l’instant ".

Tout étant confus
et rien n’étant impossible à Djibouti, voilà aujourd’hui
un prétendu syndicaliste s’érigeant en institut de sondage d’opinion
! Même s’il est vrai que nous sommes en période préélectorale,
ce Secrétaire Général de syndicat pousse un peu trop
loin l’allégeance au régime.

En niant lundi à
travers les colonnes de " La Nation " ce qu’il a reconnu samedi
sur les ondes de la RTD, le régime, par futur clone interposé,
n’est-il pas tout simplement en train d’essayer de confisquer de la main gauche
ce qu’il a donné de la main droite ? La collaboration honnête,
à en croire les syndicalistes, du ministère de l’Intérieur,
tranche en tout cas avec l’animosité de son collègue de l’Emploi
: deux mains aux actions désordonnées et contradictoires, il
y a comme de l’incohérence au sein de ce régime.

Mais, en fin de compte,
ne serait-ce pas le but de toute cette manœuvre ?

L’exercice d’un syndicalisme
libre et indépendant constitue une dimension fondamentale de la démocratie
: c’est la preuve la plus évidente qu’il existe effectivement une société
civile digne de ce nom, défendant des intérêts particuliers
contre les abus du pouvoir politique ou économique. Ainsi, seul un
syndicalisme libre peut par exemple protéger les travailleurs contre
les licenciements abusifs, monnaie courante dans une pseudo-démocratie
comme la notre où le chantage  »vote contre travail » menace chacune
et chacun.

L’émancipation
du monde syndical représente, après l’Indépendance et
le multipartisme intégral, la troisième victoire du Peuple djiboutien
! Il faut la consolider à tout prix.