13/11/02 (B171) Trois dictateurs africains renoncent à leur pourvoi en cassation. Reconnaissent-ils de façon implicite que les dossiers publiés par F.X. Verschave dans ‘Noir Silence’ sont conformes à la réalité ? Communiqué de Survie.

Communiqué de Survie

Procès
pour offenses à chefs d’État contre Noir silence

MM. Sassou Nguesso, Déby et Bongo se désistent
de leur pourvoi en cassation. Ils s’inclinent devant le jugement de la Cour
d’appel, qui a validé
le  » sérieux  » d’un ouvrage dénonçant leur
criminalité multiforme.

Denis Sassou Nguesso, Idriss
Déby et Omar Bongo avaient intenté en 2000 un procès
pour offenses à chefs d’État contre l’auteur et l’éditeur
du livre Noir Silence (François-Xavier Verschave, président
de l’association Survie, et Laurent Beccaria, gérant des éditions
des Arènes). En 2001, ils avaient perdu en première instance.
Sur la forme : le Tribunal avait estimé que le délit invoqué
était contraire à la Convention européenne des Droits
de l’Homme. Les plaignants et le parquet avaient fait appel.

La 11e Chambre de la Cour
d’Appel de Paris s’est prononcée le 3 juillet 2002. Sur le délit
d’offense, elle n’a pas admis l’argument du Tribunal – validé pourtant
par un arrêt récent de la Cour européenne des Droits de
l’Homme. Mais elle a relaxé les accusés sur le fond ( »
la bonne foi « ) – un jugement sans précédent à ce
niveau. Une déroute pour les plaignants, qui se sont pourvus en cassation.

Mesurant finalement l’effet-boomerang
de ces procès à répétition, désastreux
pour une « image » si chèrement acquise, ils se sont discrètement
désistés de ce pourvoi auprès de Bruno Cotte, président
de la chambre criminelle de la Cour de Cassation. Le jugement de la Cour d’Appel
est donc définitif. Et aussi la victoire sur le déni, le mensonge,
la désinformation, que subissent quotidiennement les peuples congolais,
tchadien et gabonais, les démocrates de ces pays, les victimes de ces
régimes. Les témoignages de ces démocrates et des parents
des victimes ont d’ailleurs été décisifs.

Il est désormais
possible de qualifier Denis Sassou Nguesso de  » dictateur « , auteur
de  » crimes contre l’humanité « , et d’évoquer sa  »
complicité  » dans l’attentat contre le DC10 d’UTA.
L’on peut dire qu’Idriss Déby  » entretient soigneusement sa réputation
de tueur, par des carnages réguliers « , signaler son  » irrésistible
attirance  » vers  » le pillage de l’État, la mise à
sac des populations averses et leur « terrorisation » « , écrire
qu’il est  » goulu de transactions illégales « .
L’on peut qualifier Omar Bongo de  » parrain régional « , son
régime de  » démocrature prédatrice « , perpétuée
par la fraude électorale. Sans parler de toutes les accusations précises
que ces trois potentats ont préféré ne pas relever dans
leu assignation initiale.

Rappelons les attendus
du jugement déclarant les accusés  » non coupables du délit
d’offense à chefs d’Etat étrangers  » :  » les documents
versés et les témoignages recueillis au cours de la procédure
[…] établissent non seulement l’importance et l’actualité
des sujets évoqués mais aussi le sérieux des investigations
effectuées. […] Si l’ouvrage se veut résolument militant,
il ne trahit cependant pas son objectif de critique des systèmes politiques
des Etats africains évoqués et du fonctionnement des relations
internationales, spécialement avec la France. A ce titre, […] il
n’apparaît pas que la démarche de François-Xavier Verschave
soit critiquable « .

De nombreux témoins
ont, selon l’expression de la Cour,  » apporté leur crédit
à l’ouvrage querellé « . Quatre avocats, William Bourdon,
Antoine Comte, Francis N’Thepe et Vincent Toledano, ont apporté leur
conviction et leur talent. Trois mille personnes avaient défilé
en février 2000 en faveur des accusés, qui ont reçu le
soutien écrit de quinze mille citoyens français et étrangers,
et de nombreuses associations. La renonciation des plaignants est aussi leur
victoire.

Désormais définitif,
le jugement de la Cour d’Appel concourt à démontrer l’illégitimité
de trois régimes claniques, à exposer le large éventail
des méthodes d’oppression et de pillage qu’ils déploient – un
condensé de cette  » Françafrique  » dont on prétend,
à Paris, qu’elle est passée de mode.

Apprenant cette victoire
judiciaire, nous pensons tout particulièrement aux habitants de la
région du Pool, près de Brazzaville, victimes depuis quatre
ans d’un  » nettoyage ethnique  » à répétition,
dans un silence médiatique assourdissant : puisse-t-elle contribuer
à discréditer ce projet mortifère !