17/12/02 (B176/2) UNE INDIFFÉRENCE QUI TUE. (FREEMAN)

Le temps qui passe n’arrange
pas trop le cours de notre destin national. Notre pays continue avec persévérance
et assiduité cette lente descente aux enfers. J’ai même l’impression
que c’est la seule tâche à laquelle nos gouvernants s’attèlent
avec constance et non sans une certaine dextérité. Devrions-nous
les en féliciter ? C’est ce qu’ils s’apprêtent à nous
demander puisqu’ils ont le culot de solliciter notre suffrage.

Bien entendu, cette entreprise
n’a pu réussir que grâce à notre légendaire passivité.
Certains esprits malins ont su très vite tirer avantage de cet état
de fait et ont ainsi transformé notre plus grande faiblesse en une
force au service de leurs desseins les plus abjects.

Quant à nos vieux
maux (tribalisme, fatalisme, clientélisme, "Khatisme" : "philosophie"
et "art de vivre" très répandus à Djibouti
), j’ai le sentiment qu’ils se muent en une sorte de maladie chronique qui
nous rongent jusqu’à la moelle. Chacun d’entre nous se comportant tel
un malade arrivé au stade terminal, refusant de se soigner et attendant
stoïquement que cette "mort providentielle" vienne abréger
ses souffrances.

J’ai une révélation
à vous faire. Cette mort libératrice ne viendra pas. Cette souffrance
perdurera et s’aggravera au fils des jours. Elle nous poursuivra. Elle poursuivra
nos enfants et nos arrières petits enfants et peut être les générations
suivantes. Ce triste sort est le lot commun de tous les pleutres, les frileux
et les irresponsables qui préfèrent noyer leur impuissance pour
certains dans l’alcool et pour beaucoup d’entre nous dans le Khat et ce de
peur d’affronter cette honteuse et triste réalité qu’est la
notre.

Oui une sinistre réalité
d’un pays fantôme, d’un pays sans âme et forcément sans
avenir tant que chacun d’entre nous refuse de payer le prix. Nous préférons
une mort lente – mais certaine – pour tout le monde que de faire face à
nos responsabilités de citoyens, d’hommes libres et dignes. Notre indifférence
à notre propre sort et l’indifférence des autres à notre
égard nous mènent tout droit vers le chaos.

Nous préférons
les arrangements, les plaisirs faciles et les jouissances de courte durée
aux choix ambitieux et audacieux porteurs d’espérance, de vie et de
dignité pour toute la Nation. Nous baignons dans une culture de la
soumission et de la compromission au nom de petits intérêts matériels
ou alors au nom de " l’intérêt suprême de la tribu".

Le pays est en lambeaux.
Il est la proie de prédateurs sans foi et sans loi. Ils volent, usurpent,
falsifient, rackettent et bradent le patrimoine nationale (Port, aéroport,
usines…). Ils violent nos libertés fondamentales reconnues par des
textes nationaux et internationaux (arrestations arbitraires, procès
politiques, régime de violence et de terreur). Ils hypothèquent
l’avenir des générations futures (économie en faillite,
santé publique et éducation nationale en déliquescence
avancée). Ils souillent notre patrimoine naturel (enfouissement de
déchets chimiques et radioactifs …). Et j’en passe, tellement la
liste des forfaitures et crimes en tout genre est longue.

Le plus surprenant est
que nous sommes là, sans oser dire stop ou même lever la tête
pour les regarder droit dans les yeux et leur dire tout le mal qu’ils ont
pu nous faire; leur dire tout le mal que nous pensons d’eux, leur vomir notre
colère et les traîner dans cette boue qu’ils affectionnent tant
!

Notre colère est
tellement grande et puissante qu’elle serait en mesure de briser des montagnes
et encore plus de balayer ce ramassis de parasites, de rebus du genre humain,
ces fils du Docteur Frankenstein.

Quel que soit la méthode
utilisée pour se débarrasser de cette peste, elle sera légitime
et reconnue en tant que tel par toute la communauté internationale.
La résistance est légitime et la protection de l’avenir de nos
enfants est une obligation pour tout bon père de famille.

La situation est limpide.
Le mal porte un nom et a un visage. Il s’agit dès lors de le désigner.
De lui monter la voie de sortie. Et s’il s’agrippent bec et ongle, il faudra
les aider à partir et les aider à trouver la voie de la rédemption.
Cette rédemption, ils ne la trouveront qu’en passant préalablement
par le tamis de la justice. Ils ne pourront trouver tranquillité et
paix que lorsqu’ils auront rendu à César ce qui lui appartient
et lorsqu’ils se seront délestés des biens indûment acquis.

Ne prenez surtout pas
modèles sur nos opposants d’opérette. Je parle bien entendu
de Aden Robleh, de Moumin Bahdon, de Guedi Hared et consorts …. Au lieu
de faire front commun dans un grand parti de l’opposition pour faire face
à la machine du RPP, chacun à préférer faire bande
à part pour affaiblir le petit copain et mieux négocier avec
l’Ogre.

Il es vrai que les bougres
traversent une longue période de disette. Ils ont tellement faim que
les quelques miettes, jetées au sol par l’Ogre, suffisent pour assouvir
leur incommensurable appétit pour les belles berlines, villas, chauffeurs
et autres gadgets du pouvoirs. Dans leur petite cervelle ils doivent penser
" qu’Il n’y a pas mieux qu’un petit poste de député ou
de Ministre pour se refaire une nouvelle santé financière".
Après tout, ils savent faire aussi bien que l’Ogre. Ils ont une certaine
expérience en la matière!

Le culot et la cupidité
de notre personnel politique a atteint un tel niveau de bassesse que Moumin
Bahdon et consorts ne se déclarent plus aujourd’hui comme des opposants
au RPP mais des alliés avec qui, il compte sceller une alliance qui
après tout n’a rien de contre nature. C’est une alliance entre un dictateur
moribond et une flopée d’ anciens apparatchiks sur le déclin.
Aujourd’hui, tous ces chameaux égarés ont rejoint le bercail
du Grand Chamelier ("Guelleh" en langue Somali).

Personnellement, je ne
suis nullement déçu par de tels agissements car cette volte-face,
je l’avais annoncée il y a déjà belle lurette. Ma peine
et ma compassion va à l’endroit du peuple djiboutien qui a hérité
d ‘un Président indigne de lui et pour finir, d’une opposition et d’une
classe politique dont les convictions et la moralité sont irrévocablement
douteuses.

J’ai cette profonde conviction
que la solution à tous nos problèmes sont entre les mains des
seuls djiboutiens. C’est à nous de nous réveiller, d’ouvrir
très grand nos yeux, de retrousser nos manches pour extirper à
jamais ces métastases maffieuses. Si rien n’est fait très rapidement,
ces cellules cancéreuses vont finir par entamer à jamais le
peu de dignité et de liberté qui nous restent.

Quant à ma deuxième
mise en garde, elle concerne cette énième mascarade électorale
organisée par un régime incapable de comprendre les vertus d’une
démocratie et forcément incapable de d’appliquer. C’est comme
si l’on demandait à un néophyte intégrale de la musique
de jouer une partition et en plus avec un Stradivarius. Je vous laisse imaginer
le spectacle !

Quant à la communauté
internationale, elle doit assumer sa part de responsabilité et ne plus
accepter de soutenir un régime véreux et en décomposition
plus qu’avancée. La France, pays ami et allié, est directement
visée. Pour parodier le titre d’un film, je dirai "la France,
cet ami qui nous veut du bien" doit vraiment s’efforcer d’œuvrer
dans ce sens. Malheureusement l’histoire et toute l’actualité récente
prouve le contraire. Dans cette région de l’Afrique, elle a toujours
pris des options politiquement, moralement et historiquement condamnables.

Que chacun prenne ses
responsabilités : le citoyen en revendiquant pleinement ses droits
à vivre dignement, les opposants à s’opposer réellement
sans aucune compromission, la communauté internationale en se rangeant
non pas selon leurs intérêts du moment, mais dans le sens des
aspirations et des revendications légitimes du peuple souverain.

Je jette ces quelques
mots comme une bouteille à la mer dans l’espoir que cette supplique
puisse trouver échos auprès de quelques êtres sensés.

A force de trop espérer
ou de ne plus espérer du tout, on finit par rencontrer la mort ! C’est
ce qui est entrain de nous arriver. On compte trop sur la providence ou le
hasard pour retrouver le chemin de la guérison. Et pour finir, nous
risquons tous un jour de comparaître devant le tribunal de l’Histoire
pour "crime d’indifférence".

FREEMAN