13/01/03 (B180) AFP : Djibouti: l’opposition crie à la fraude mais refuse que « le sang coule »

DJIBOUTI, 13 jan (AFP)
– L’opposition djiboutienne a réuni lundi plusieurs milliers de manifestants
contre des fraudes présumées lors des législatives du
10 janvier, remportées par le pouvoir, mais a assuré vouloir
« faire éclater la vérité » dans le cadre légal.

Dans le même temps,
les observateurs internationaux délivraient un bilan contrasté
de ce scrutin, la première élection vraiment multipartite depuis
1977, date de l’indépendance de l’ancienne colonie française
de la Corne de l’Afrique.

Les « opérations
électorales ont été régulières, au moins
dans le district de Djibouti », ont-ils constaté, tout en relevant
« diverses difficultés » et l’impossibilité de « procéder
clairement au contrôle des opérations électorales »
hors de la capitale.

Selon les résultats
du ministère de l’Intérieur, les partisans du président
Ismaël Omar Guelleh ont raflé les 65 sièges de l’Assemblée
nationale, obtenant 62,7% des voix. L’opposition, avec plus d’un tiers des
suffrages, n’est donc pas représentée.

Menée par l’ancien
chef de la rébellion Afar, Ahmed Dini, 70 ans, l’opposition conteste
les résultats officiels et affirme, d’après ses propres calculs,
avoir remporté au moins 22 sièges.

D’abord interdit par les
autorités, le rassemblement de l’opposition lundi en fin d’après-midi
a finalement été autorisé, les opposants s’engageant
au préalable à ne pas troubler l’ordre public.

« Les autorités
ont dit ce qu’elles voulaient. Le résultat ne correspond pas au comptage,
on a des preuves irréfutables », a-t-il affirmé, en langues
afar et somali, devant plusieurs milliers de sympathisants rassemblés
dans un quartier populaire de la capitale.

« Mais pour arriver
au pouvoir, il y a une voie normale. On passera par la voie légale.
Nous irons devant le Conseil constitutionnel, même si cette institution
leur est soumise », a-t-il ajouté, drapé dans son traditionnel
boubou blanc.

« N’attendez pas de
nous qu’on vous donne des consignes de violence. On fait un combat pacifique,
on ne veut pas que le sang coule. Il faut être un peuple responsable »,
a-t-il poursuivi dans un discours régulièrement interrompu par
des applaudissements nourris.

« Suivez l’opposition,
il faut se mobiliser, s’inscrire sur les listes électorales pour se
préparer à d’éventuelles annulations, payer des cotisations.
Nous ferons éclater la vérité », a-t-il lancé.

Les manifestants, dont
de nombreux jeunes, se sont dispersés dans le calme, a constaté
un journaliste de l’AFP.

Des forces de l’ordre
avaient été postées juste devant le rassemblement, mais
on n’a constaté ni provocation ni incident.

Les dirigeants de l’opposition
s’exprimaient du haut d’une estrade sur laquelle était accrochée
une banderole géante où on pouvait lire « Non à la
mascarade. Manifestez votre indignation avec l’UAD » (Union pour l’alternance
démocratique, UAD, coalition de l’opposition).

Dans un communiqué
conjoint, les sept observateurs de l’Organisation internationale de la francophonie
(OIF) et leurs deux homologues de la Ligue arabe ont souligné « le
manque d’adéquation entre le corps électoral, tel qu’il existe
réellement en janvier 2003 et les listes électorales utilisée
pour ce scrutin ».

« Il en résulte
diverses difficultés, en ce qui concerne, notamment, la publication
des listes électorales, la distribution des cartes d’électeurs
et le recours aux votes par ordonnances », ont-ils poursuivi.

Ils ont également
souligné « que le mode de scrutin actuel (liste majoritaire à
un tour) n’autorise pas une représentation équilibrée
des forces politiques en rapport avec les suffrages recueillis ».