01/01/03 (B183) Lettre envoyée au Président George W. Bush par le Cardinal Archevêque de Boston, Bernard Law.

Monsieur
le Président,

Dire la vérité
au peuple, Monsieur le Président, au sujet du terrorisme. Si les illusions
au sujet du terrorisme ne sont pas détruites, alors la menace continuera
jusqu’à notre destruction complète. La vérité
est qu’aucune de nos nombreuses armes nucléaires ne peut nous protéger
de ces menaces. Aucun système « Guerre des Étoiles »
(peu importe la technique de pointe, ni combien de milliards de dollars seront
gaspillés dans ces projets) ne pourra nous protéger d’une arme
nucléaire transportée dans un bateau, un avion ou une voiture
louée.

Aucune arme, ni de votre
arsenal, ni un centime des 270 milliards de dollars gaspillés chaque
année dans le dénommé « système de défense »
ne peut éviter une bombe terroriste. C’est un fait militaire.

En tant que lieutenant-colonel
à la retraite et dans de fréquentes conférences au sujet
de la sécurité nationale, j’ai toujours cité le Psaume
33 : « Un roi n’est pas sauvé par son armée puissante, comme
un guerrier n’est pas sauvé par sa vigueur ». La réaction
évidente est : « Alors que pouvons-nous faire ? N’existe-t-il rien,
que nous puissions fairepour garantir la sécurité de notre peuple
? Si ! Mais pour entendre cela, il faut savoir la vérité sur
la menace.

Monsieur le Président,
vous n’avez pas dit la vérité sur le « pourquoi » nous
sommes la cible du terrorisme, quand vous avez expliqué pourquoi nous
bombarderions l’Afghanistan et le Soudan. Vous avez dit que nous étions
la cible du terrorisme, parce que nous défendions la démocratie,
la liberté et les droits humains dans le monde. C’est absurde, Monsieur
le Président. Nous sommes la cible des terroristes, parce que, dans
la plus grande partie du monde, notre gouvernement a défendu la dictature,
l’esclavage et l’exploitation humaine. Nous sommes cible des terroristes,
parce que nous sommes haïs, et nous sommes haïs, parce que nous
avons fait des choses odieuses. En combien de pays des agents de notre gouvernement
ont-ils chassé des leaders par leurs peuples, en les remplaçant
par des dictateurs militaires, des marionnettes désireuses de vendre
leur propre peuple à des groupes américains multinationaux ?
Nous avons fait cela en Iran, quand les Marines et la CIA ont déposé
Mossadegh, parce qu’il avait l’intention de nationaliser l’industrie pétrolière.
Nous l’avons remplacé par le Shah Reza Pahlevi et nous avons armé,
entraîné sa garde nationale haïe, la SAVAK, qui a réduit
à l’esclavage, brutalisé le peuple iranien, pour protéger
les intérêts financiers de nos compagnies pétrolières.

Depuis cela, est-il difficile
d’imaginer qu’il existe, en Iran, des personnes qui nous haïssent ? Nous
l’avons fait au Chili, nous l’avons fait au Viet Nam. Plus récemment
nous avons tenté de le faire en Irak. C’est clair ! Combien de fois
l’avons-nous fait au Nicaragua et dans d’autres républiques en Amérique
Latine ? Une fois après l’autre, nous avons destitué des leaders
populaires, qui voulaient répartir les richesses de leur terre pour
que le peuple les gère. Nous les avons remplacés par des tyrans
assassins, qui vendaient leur propre peuple pour que -moyennant le paiement
de sommes énormes pour engraisser leur compte bancaire privé
– la richesse de leur propre terre puisse être accaparée par
des sociétés telles que Domino Sugar, United Fruit Company,
Folgers et d’autres semblables. De pays en pays notre gouvernement a obstrué
la démocratie, a étouffé la liberté et a piétiné
les droits humains. C’est pour cela que nous sommes haïs dans le monde
et c’est pour cela que nous sommes la cible des terroristes.

Le peuple du Canada jouit
de la liberté et des droits humains, ainsi que le peuple de Norvège
et de Suède. Avez-vous entendu dire que des Ambassades canadiennes,
norvégiennes ou suédoises aient été bombardées
? Nous ne sommes pas haïs parce que nous pratiquons la démocratie,
la liberté et les droits humains. Nous sommes haïs parce que notre
gouvernement refuse ces choses aux peuples du Tiers-monde, dont les ressources
sont convoitées par nos groupes multinationaux. Cette haine que nous
avons semée, se retourne contre nous en nous effrayant par le terrorisme,
et, dans l’avenir, par le terrorisme nucléaire. Une fois que la vérité
a été dite sur les raisons de cette menace et une fois qu’elle
a été entendue, la solution devient évidente. Nous devons
changer nos pratiques.

Nous libérer de
nos armes nucléaires (même unilatéralement s’il le faut),
améliorera notre sécurité. Changer drastiquement notre
politique extérieure, la consolidera. Au lieu d’envoyer nos fils et
nos filles de par le monde, pour tuer des Arabes, en vue de prendre possession
du pétrole, qui existe sous leur sable, nous devrions les envoyer pour
reconstruire leurs infrastructures, fournir de l’eau potable et nourrir les
enfants affamés. Au lieu de continuer à tuer des milliers d’enfants
irakiens tous les jours par nos sanctions économiques, nous devrions
aider les Irakiens à reconstruire leurs centrales électriques,
leurs stations de traitement des eaux, leurs hôpitaux, tout ce que nous
avons détruit et ce que nous empêchons de reconstruire avec nos
sanctions économiques… Au lieu d’entraîner des terroristes
et des escadrons de la mort, nous devrions fermer l’École des Amériques.
Au lieu de soutenir la révolte, la déstabilisation, l’assassinat
et la terreur dans le monde, nous devrions abolir la CIA et donner l’argent
dépensé pour elle aux organismes humanitaires.

En résumé,
nous devrions être bons au lieu d’être mauvais. Qui alors essaierait
de nous arrêter ? Qui nous haïrait ? Qui voudrait nous bombarder
? C’est cela, Monsieur le Président. C’est cela que le peuple américain
a besoin d’entendre.

Bernard
LAW,
Cardinal-Archevêque de Boston

Cette
lettre provient du site : ‘y_pense.htm