09/04/03 (B192) Un parcours inédit : de victime à défenseur du régime autoritaire. (Lecteur)

Le procès contre
Daher Ahmed Farah s’inscrit dans une mascarade de justice dans ce pays. Ce
n’est plus ni moins une mise en forme d’une justice qui n’existe pas depuis
longtemps. Les Djiboutiens se rappellent de l’action de ce grand artiste qui,
déjà dès les années après l’indépendance,
avait allumé sa torche à piles dans le Palais Présidentiel.

L’acte avait une grande
signification et les autorités politiques l’avaient interrogé
et l’avaient écroué.

 

Que la justice n’existe
pas, ce n’est pas une nouveauté pour les citoyens de ce pays. Tout
le monde vit cette situation à sa manière. Au lieu d’appliquer
sérieusement la loi ou de façon humaine, tout accusé,
suivant ses ressources économiques et ethni-claniques, doit négocier
le résultat du procès, toujours inique, parce que les juges
ne sont pas indépendants.

Un jour quelqu’un écrivait
que la République de Djibouti est une prison à ciel ouvert.
Il n’avait pas tort si l’on juge à la lumière de la façon
que la justice est rendue.
Il n’y a pas de doute que la justice est sous la bote du pouvoir autoritaire
de la famille régnante, et donc il n’y a pas d’étonnement à
avoir quant aux jugements rendus par les tribunaux et autres cours de ce pays.
Par contre la surprise existe sur un autre : l’attitude des acteurs de celle-ci.

Bien sûr il y a
ceux qui épousent la thèse du régime, qui la défendent.
Ils constituent un des piliers du régime autoritaire. J’ose penser
qu’ils sont victimes d’une éventuelle répression du gouvernement.

Mais ce qui est surprenant
et incompréhensible, c’est l’attitude de ceux-là mêmes
qui ont été victimes à leur jour de la violence du régime.
Dans ce groupe de professionnels, on trouvait un avocat, M. Aref. Comme vous
écrivez dans votre note, il a été victime de la dictature
de ce régime, que ce soit sous Gouled ou sous IOG.

Personnellement, je l’ai
rencontré en juillet 1991, il y a plus de 10 ans, il était sous
surveillance étroite dans le camp militaire de Ali-Adé avec
son oncle Ali Aref. Il m’avait parlé des conditions d’hygiène
dans ce camp : absence des toilettes. Je me rappelle aussi qu’il m’avait parlé
de son mémoire de défense. Moi, je ne pourrai que manifester
l’injustice et l’ecoeurement que peut ressentir tout individu face à
une situation insupportable, parce que personne ne veut s’y retrouver.

Après une longue
compagne médiatique et de négociation entre le gouvernement
et le Frud de Ahmed Dini, Aref sort de la sinistre prison Gabode. Et puis
confondant liberté et soumission à la dictature qui écrase
les citoyens, il n’hésite pas dans ses entretiens une forme de réconciliation
avec le diable. Il avait parlé dans un entretien avec le journal Les
Nouvelles d’Addis, qu’il accepterait la nomination comme ministre de la Justice
par IOG.

Bien sûr celui-ci
ne le prend comme ministre, mais lui accorde une liberté surveillée
comme beaucoup d’autres personnes dans ce pays. Or au lieu de suivre l’action
démocratique, qu’il avait, à moins qu’elle a été
une couverture pour se faire un nom, il choisit la voie de l’obscurantisme,
de l’esclavitude, de la soumission, de l’abdication de la liberté.
Il vient au secours du pouvoir, qui hier encore l’a mis dans un trou.

Plus qu’autres personnes,
défenseurs et opposants politiques repentis, il est celui qui est allé
plus loin dans son allégeance à un diable autoritaire : le défendre
bec et oncle dans la presse et dans le spectacle de justice, qu’une dictature
offre au peuple soumis.

Pourquoi un tel virage
à 180º ?

Il se justifie de manière
égoïste, très personnelle qui frise le délire en
disant  » en tuant mon ex-bourreau, j’ai gagné pour moi l’immortalité
« . Quelle immortalité ?

On peut trouver une autre
explication dans le procès où il défend l’un des piliers
du système autoritaire, le Général Zakaria. Dans une
non-réponse face à une position digne d’un homme victime du
régime autoritaire, il parle  » des accords de paix signés
« , que lui,  » a tourné la page « . Traduisez que je me
suis soumis à quelque chose qui n’existe pas dans la réalité,
car comme vous l’écrivez justement ces accords sont inappliqués,
que ni la démocratie ni l’Etat de droit n’ont reçu une attention
du gouvernement.

C’est vraiment ecoeurant
de voir un homme, qui a souffert de l’autoritarisme d’un régime politique,
qu’il l’avait violemment critiqué dans les colonnes du journal Les
Nouvelles d’Addis, qui se met à service.

Ou bien tout cela a été
un tam tam ou une manière d’exister sans avoir une conviction dans
un régime étouffant comme d’autres hommes. Mais à la
différence de ces derniers cet avocat, avait conquit la sympathie au
moins d’une partie des citoyens et des amis étrangers, jusqu’à
ceux-ci aient créé un site web portant son nom, www.liberte-aref.com
(actuellement www.ardhd.org), passe pour plus royaliste que le roi. Moi, je
dirai que c’est un homme qui a trompé sur son principe à beaucoup
de gens, qui a gaspillé inutilement des énergies humaines et
financières pour sa cause. Sa position dans le procès de DAF
le met plus à nu. Sa stratégie est plus claire pour la majorité.

Quelle erreur monumentale
?

Comme écrit fort
justement Mohamed Qayaad dans Les Nouvelles d’Addis,  » faute de pouvoir
être, le paraître fait bien l’affaire « .

Elmi
Awaleh