09/05/03 (B197) Le Respect des Droits de l’Homme concerne aussi la France. Des militaires français ont servi à Djibouti et certains y ont perdu la vie dans l’indifférence. L’Armée française a-t-elle choisi de ne plus honorer la mémoire de ceux qui l’on servi et de ne pas respecter les droits de leur épouse et de leurs enfants, dans le besoin ?

________________________
L’ADEFDROMIL
http://www.adefdromil.com
L’association de défenses des droits des militaires (ADEFDROMIL)
nous fait savoir qu’elle assiste tous les militaires et toutes les familles
des militaires qui éprouvent des difficultés à faire
reconnaître leur droit.

E-mail :
michel.bavoil@adefdromil.com

_______________________
Le cas Vidot / extrait du site Adefdromil

(D’autres articles sur ce sujet et sur d’autres cas sont disponibles en ligne)
Lien avec l’article sur le site :

Le
Nouveau Détective n° 1056 – Mercredi 11 Décembre :

Après la mort
du maréchal des logis-chef Jean-Pierre VIDOT, l’armée a été condamnée
à verser 395000 francs à sa veuve.

Mais
un ministre en a décidé autrement…

Jamais Nadine Vidot n’oubliera
ces vacances de Pâques 1991.

Le 7 mai 1989, Jean-Pierre
Vidot, militaire de carrière, embarque à Roissy pour rejoindre
son poste à Djibouti.

Confiant, il
embrasse une dernière fois son épouse, enceinte à l’époque et ses enfants Amélie et Nathalie, qu’il ne reverra plus.

Aujourd’hui son
épouse et ses enfants sont dans le besoin, car l’Armée
ne veut pas leur verser les indemnités qu’elle leur doit et qui
ont été confirmées par la Justice française.

Un vrai scandale
!

A la veille de quitter
Nevers pour aller passer quinze jours chez ses beaux-parents, dans les Vosges,
avec ses trois filles, elle venait d’apprendre la meilleure des nouvelles
: son mari Jean-Pierre, sous-officier de carrière de 34 ans, allait enfin
rentrer en France, après deux ans d’affectation à Djibouti… Quand elle le
leur a dit, Amélie, 5 ans, et Nathalie, 11 ans, ont dansé de joie : « Papa
revient le 10 mai ! Papa revient le 10 mai ! ». Même la petite dernière, Laura,
qui n’avait pas encore deux ans, semblait toute bouleversée…

 » Votre mari est
en train de cuver ses calmants « 

Et puis voilà que
le 28 avril,au beau milieu des vacances, Nadine Vidot est demandée
au téléphone par le chef de corps de son mari, à Djibouti.
L’officier lui annonce que Jean-Pierre va faire l’objet d’un rapatriement
sanitaire.

– Mais qu’est-ce qu’il
a ? s’inquiète-t-elle. Il faut qu’il soit gravement malade, alors ?

– Non, non, ne vous en
faites pas. Il est hospitalisé mais il a juste besoin de petits examens
qu’on ne peut pratiquer qu’en France…

– Quand rentre-t-il ?

– On ne sait pas, madame…

Nadine Vidot est une jeune
femme résolue. Elle ne fait ni une ni deux, appelle l’hôpital
de Djibouti et demande à parler directement à son époux,
le maréchal-des-logis-chef Vidot.

– Je ne peux pas vous
le passer, on l’a placé en réanimation, lui répond une
infirmière.

Très inquiète,
Nadine exige qu’on lui passe un médecin.

– Je ne donne jamais de
nouvelles par téléphone, lui déclare ce dernier.

– Mais je suis la femme
de Jean-Pierre Vidot, je suis à 8000 kilomètres de distance.
Il faut absolument que je sache ce qui se passe…

Le toubib a alors cette
réponse incroyable : – Tout ce que je peux vous dire pour le moment,
madame, c’est qu’il est en train de cuver ses calmants…

Le malade dont parle ce
médecin – avec une si stupéfiante désinvolture – a en
fait sombré dans un coma dont il ne sortira plus jamais… Et Nadine
Vidot ne se doute pas alors que l’armée, loin de faire preuve de sollicitude,
va désormais s’acharner contre elle, en faisant tout pour l’humilier
et la conduire à la ruine !

 » On ne voulait le
garder nulle part « 

Pendant plus de dix ans,
Nadine et son mari ont pourtant vécu dans l’idée que les militaires
formaient une grande famille. Fille d’un légionnaire, la jeune femme
a rencontré Jean-Pierre à l’occasion d’un mariage, en 1978;
lui s’était engagé dans l’armée de terre trois ans plus
tôt, à l’âge de 17 ans. Ils se marient très vite,
alors qu’ils n’ont encore qu’une vingtaine d’années, et la jeune femme
suit dès lors son époux dans ses différentes affectations
en Allemagne, au service du matériel. En septembre 1981, Jean-Pierre
est muté au magasin central de Saint-Florentin, dans l’Yonne.

– Quand mon mari a été
affecté à Djibouti, le 10 mai 89, je l’aurais volontiers suivi
une fois encore, nous confie Nadine. Mais j’étais enceinte de notre
troisième fille, Laura, et je faisais de l’hypertension. Le médecin
m’a déconseillé d’aller dans cette région d’Afrique dont
le climat ne m’aurait pas convenu. Et j’ai certainement bien fait de rester
dans l’Yonne. Jean-Pierre m’a toujours dit que la chaleur excessive, jointe
à une humidité malsaine, étaient pénibles à
supporter, même pour lui. Les derniers temps, il ne se sentait pas bien,
d’autant que son travail l’obligeait à surveiller des débarquements
de caisses dans des soutes de navire. Peu avant la date prévue pour
son retour – le 10 mai 1991 – il m’a dit au téléphone qu’il
était allé consulter plusieurs fois à l’infirmerie, parce
qu’il souffrait de maux de tête…

Puis c’est le coup de
fil inquiétant du 28 avril. Nadine Vidot est avertie que son mari va
être rapatrié… Le 1er mai 1991, en effet, Jean-Pierre, inconscient,
entre à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce à
Paris. Il est placé en réanimation. Le médecin qui l’a
accompagné en avion depuis Djibouti repart sans avoir daigné
parler à Nadine, bien qu’elle ait demandé à le rencontrer.
Cinq heures plus tard, le chef de service annonce à la jeune femme
:

– Votre mari a le cerveau
plein de sang. Nous allons le garder en réanimation.

De fait, le malade va
rester quatre mois dans le service, sans aucune amélioration de son
état. Il est ensuite transféré au centre hélio-marin
de Berck, dans le Pas-de-Calais, où il va demeurer encore six mois.

– En mars 1992, nous explique
Nadine, on m’a fait savoir qu’on ne voulait plus le garder, parce qu’on ne
voyait aucune raison pour qu’il sorte un jour de son coma. J’ai alors appelé
tous les hôpitaux militaires de France, en précisant ce que l’on
m’avait recommandé à Berck : « Dites bien que votre mari
a une sonde gastrique permanente »… Tous les établissements ont
refusé de le prendre : ils trouvaient que c’était un cas trop
lourd. Quand je demandais : « Mais qu’est-ce que je vais faire de lui »,
la réponse était toujours la même : « Il faut que
vous le preniez chez vous « . Mais ça, je m’y refusais absolument
à cause de mes filles. Ça aurait été affreux pour
elles de voir leur père dans cet état.

 » La mauvaise foi des
médecins militaires a été scandaleuse ! « 

Finalement, Jean-Pierre
est accepté dans une maison privée, le Centre de Long séjour de Sens, dans
l’Yonne. Il y est très bien traité, mais les frais de séjour, qui tournent
autour de 10000 francs par mois, sont désormais à la charge de Nadine.

– Tout l’argent que mon
mari avait pu placer est passé dans le règlement des premières
factures. Ensuite, j’ai commencé à m’endetter en contractant
des emprunts. Pour finir, sur les conseils de la directrice du centre, le
docteur Rossignol, je me suis adressée au conseil général
de l’Yonne qui a pris en charge les frais de séjour de Jean-Pierre,
jusqu’à ce qu’il meure, le 11 juin 1993…

L’armée, elle, n’a
rien payé. Elle s’est déchargée de toute responsabilité dans l’accident survenu
au sous-officier.

– La mauvaise foi des
médecins militaires a été scandaleuse, s’indigne Nadine.
A l’infirmerie de Djibouti, ils avaient diagnostiqué à tort
une épilepsie dont mon mari n’a jamais souffert; on lui a donc administré
des médicaments contre-indiqués. Un toubib a même relevé
une prétendue « intempérance alcoolique reconnue » alors
que Jean-Pierre, qui était un grand sportif, ne buvait jamais. Au bout
de quelques jours, on s’est aperçu qu’il n’avait jamais eu de crise
d’épilepsie, mais une hémorragie méningée… Mais
comme on me l’a confirmé au Val-de-Grâce, il était alors
trop tard pour faire quoi que ce soit.

La jeune femme fouille
dans le volumineux dossier médical qu’elle a constitué et en
extrait un document.

– Voici la conclusion
officielle qui m’a été envoyée en mai 1992. Regardez
: il paraît que ce qui est arrivé est « non imputable »
à l’armée…

On lui saisit même
ses héritages !

Révoltée,
la jeune veuve décide de porter l’affaire devant la justice. C’est
le combat du pot de terre contre le pot de fer, mais Nadine rassemble inlassablement
des témoignages et des documents. Et après des années
de procès, le tribunal d’Auxerre lui donne enfin satisfaction, en août
1997 : le décès du Maréchal des Logis Chef Jean-Pierre
Vidot est déclaré imputable à l’armée ! Nadine
reçoit un arriéré de pension jusqu’en 1995, date à
laquelle elle se remarie. Elle et ses trois filles se partagent ainsi une
somme de 395.000 francs. Ce qui semble bien modeste eu égard au préjudice
subi. Hélas, le ministre de la Défense de l’époque, Alain
Richard, obtient l’annulation de cette décision devant la cour d’appel,
puis devant le conseil d’Etat, en mai 1999.

– Depuis cette date, je
rembourse 500 francs par mois au Trésor Public, se révolte Nadine,
qui est aujourd’hui employée au centre de gendarmerie de Nevers. Et
l’État ponctionne aussi les pensions d’orphelines de mes filles…
Mais le pire était encore à venir ! Le père de Jean-Pierre
est décédé le 25 mai 2002 et mon propre père est
mort le lendemain. Quinze jours plus tard, un huissier est venu me signifier
que le Trésor Public se rembourserait sur le montant des deux héritages,
pour une somme de 56.000 euros (367.000 francs) !

Mais Nadine Vidot est
bien décidée à ne pas se laisser faire. Aujourd’hui vigoureusement
soutenue par l’Association de Défense des Droits des Militaires, présidée
par Michel Bavoil, elle proclame :

– Je veux que l’Etat prenne
en charge ce qu’il appelle ma dette, que l’honneur de mon mari, qui a été
accusé d’alcoolisme, soit lavé et que mes filles aient le droit
de porter le titre de pupilles de la Nation !

Onze ans après
cette énorme bavure de l’armée, il serait temps, en effet, de
la réparer définitivement…

Voir aussi :

Affaire
VIDOT : Tribunal des pensions ou tribunal tout court ?

Calvaire.
Le sort et l’armée se sont acharnés sur un sergent-chef et sa
famille
La
veuve d’un sous-officier se bat contre l’Armée
Le
calvaire de la veuve du soldat VIDOT
Quand
l’armée fait du social

La
dernière demeure d’un soldat oublié par l’Armée française
et dont la famille connaît les pires difficultés, en proie
à l’ingratitude et à la mesquinerie des juristes du Ministère
de la Défense.