04/09/03 (B210) Chassés de Djibouti, réfugiés dans un camp, ils espèrent… (AFP)

– par Khaled AIDAR

AOUR-AOUSSA (Djibouti)
– L’un possède la précieuse attestation de demandeur d’asile
délivrée par le bureau du HCR à Djibouti, l’autre se
sent « apatride », un troisième a été confié
à des caravaniers par ses parents poursuivis comme rebelles: expulsés
de Djibouti, ils s’entassent dans un camp de réfugiés à
Aour-Aoussa, à cent kilomètres de Djibouti-ville, en espérant
que leur vie change.

Corps sec et vigoureux,
crâne blanchi, Alemayehu Govfe, 44 ans, était à Djibouti
depuis 1992. Commandant dans l’armée, il avait quitté son Ethiopie
natale un an après la chute du régime du colonel Mengistu Hailé
Mariam.

Marié, sans enfant,
Alemayehu enseignait l’anglais à Djibouti dans une école privée,
pour un salaire mensuel d’un peu plus de 200 dollars. Trop peu, explique-t-il,
compte tenu du niveau de vie très élevé.

« Je suis d’abord
à la recherche d’une reconnaissance de ma dignité d’homme »,
murmure-t-il.

Il a reçu l’attestation
de demandeur d’asile au bureau du HCR à Djibouti, et voudrait « vivre
à Djibouti ou ailleurs, dignement et pacifiquement, sans être
exploité ».

Il lui est impossible
de retourner à Addis-Abeba, où ses proches, selon lui, « continuent
d’être persécutés ».

Kibrom Bayru, 41 ans,
de mère d’origine tigrée et de père érythréen,
se déclare « apatride », et victime du conflit éthio-érythréen,
qu’il juge « insensé ».

Chassé d’Addis-Abeba
en mars 1999, il avait trouvé refuge à Djibouti.

« J’ai vécu
toute ma vie en Ethiopie et je peux aller en Erythrée », précise-t-il.
Il a « travaillé dans le bâtiment et géré un
garage privé », ajoute-t-il.

Depuis cinq ans, il assistait
pour 200 dollars par mois le propriétaire d’un petit restaurant, près
du port de Djibouti, dont les routiers éthiopiens fournissent la principale
clientèle.

Ahmed Yacin, 21 ans, est
arrivé à Djibouti en provenance d’Ethiopie à l’âge
de dix ans. Sa mère l’avait confié à des caravaniers
pour le conduire chez une tante.

Ce jour-là, la
police éthiopienne avait fait irruption au domicile de ses parents.
« J’étais un gamin, mais j’ai su plus tard que mon père
était militant du Front Oromo de Libération (OLF) », mouvement
d’opposition décrété hors-la-loi, raconte-t-il.

« Je ne sais pas où
est ma famille, mon espoir est de rejoindre un cousin à Melbourne,
en Australie, qui m’a écrit et va m’aider », explique-t-il.

Il vivait depuis quelque
temps de petits boulots journaliers rémunérés à
la tâche, entre 3 et 6 dollars, et rédige pour ses concitoyens
des lettres en anglais ou en amharic.

Ahmed Yahya Abdallah,
43 ans, possède la nationalité érythréenne, et
se présente comme un opposant déclaré au régime
d’Asmara.

« J’ai fui l’oppression
qui existe dans mon pays, où ils sont des centaines d’anciens ministres,
d’étudiants ou de journalistes à souffrir dans les geôles »,
proclame-t-il.

Ancien militaire, Ahmed
cite nominativement des personnes portées disparues et qui auraient
été enlevées et tuées par le régime, selon
lui.

Abdullahi Aden Hassan,
29 ans, Somali, né à Baïdoa, a fui la guerre civile qui
sévit dans son pays. A Djibouti depuis cinq ans, il a dormi les six
premiers mois sur une plage de la capitale, puis s’est mis à donner
des cours d’anglais à domicile.

La chance lui a souri
avec l’installation de la base américaine à Djibouti, fin 2002.
« J’ai réussi à convaincre un officier américain
de me donner un job de magasinier, pour 300 dollars par mois ».

Abdullahi s’est marié
il y a un an, et est papa d’un garçon de cinq mois.

Mais, quand le ministre
djiboutien de l’Intérieur a annoncé l’expulsion des immigrés
en situation irrégulière, son patron lui a dit qu’il ne pouvait
plus le garder.

Il souhaite « rester
à Djibouti en étant reconnu comme réfugié »,
et ajoute: « si possible, je voudrais bien partir ailleurs pour poursuivre
des études ».