24/09/04 (B265) Affaire Borrel : Le Monde annonce la convocation de Grandes oreilles, Djama Souleiman le procureur, devant la Justice française, pour le 30 septembre 2004 et de Me Martinet (Avocat et Consul honoraire de Grande-Bretagne) pour le lendemain. (Extrait Le Monde)

Le procureur de la
République de Djibouti est convoqué par un juge d’instruction
français

Le procureur de la République de Djibouti, Djama Souleiman, est convoqué,
jeudi 30 septembre, au tribunal de grande instance de Versailles. La juge
d’instruction Pascale Belin souhaite l’entendre comme témoin assisté,
dans le cadre de l’enquête sur la mort du magistrat français
Bernard Borrel, dont le corps avait été découvert le
19 octobre 1995, à Djibouti, au pied d’une falaise, aspergé
d’essence et à moitié brûlé. La thèse du
suicide avait d’abord prévalu, avant que deux nouvelles autopsies ne
viennent étayer l’hypothèse d’un assassinat.

Le 8 novembre 2002, le
rapport des experts Patrice Mangin, Eric Baccino et Daniel Malicier concluait
que « l’hypothèse de l’intervention d’un ou de plusieurs tiers
peut être envisagée ». Le 30 juillet 2003, ils estimaient
leur opinion renforcée par des « éléments étayant
l’hypothèse de la survenue d’un traumatisme crânien, notamment
à la suite d’un coup porté par un instrument vulnérant ».

M. Souleiman devrait être
entendu dans l’autre volet de l’affaire Borrel. Il est suspecté par
la veuve du magistrat, qui s’est portée partie civile, d’avoir tenté
d’obstruer l’enquête judiciaire française. Le 31 janvier 2000,
à Bruxelles, un témoin, Mohamed Saleh Alhoumekani, ancien membre
du service de sécurité djiboutien, avait indiqué qu’il
avait assisté, le 19 octobre 1995, à une conversation tenue
dans le jardin présidentiel, juste après la découverte
du corps de M. Borrel. Le chef du cabinet présidentiel de l’époque,
Ismaël Omar Guelleh – actuel président de Djibouti – aurait notamment
demandé, à propos du décès de M. Borrel, si le
travail avait été « parfaitement et correctement fait ».
Ce témoignage n’avait pu être confirmé.

SUBORNATION DE TÉMOINS

Puis, à la suite
de son audition, M. Alhoumekani avait déclaré avoir fait l’objet
de pressions, notamment de la part de la juge d’instruction française
d’alors, Marie-Paule Moracchini. Cette dernière avait été
dessaisie du dossier le 21 juin 2000. Un deuxième témoin, le
capitaine de la garde présidentielle Ali Iftin, avait ensuite discrédité
M. Alhoumekani, avant de reconnaître que son propre « témoignage »
avait été orienté par le chef des services secrets djiboutiens,
Hassan Saïd, et le bâtonnier des avocats de Djibouti, Me Alain
Martinet. M. Alhoumekani avait également déclaré que
le procureur de la République de Djibouti avait fait le déplacement
à Bruxelles en vue d’obtenir la rétractation de ses déclarations.

Sur cette base, une plainte
pour subornation de témoins avait donc été déposée
en novembre 2002 par les avocats de la famille Borrel, Me Laurent de Caunes
et Me Olivier Morice. Instruite à Versailles, elle devrait aussi déboucher
sur l’audition, le 1er octobre, de Me Martinet. C’est la chambre de l’instruction
de la cour d’appel de Versailles qui a permis ces convocations, dans un arrêt
daté du 2 juillet, infirmant la première décision rendue
par la juge Belin, qui estimait inadéquates ces auditions, réclamées
par Me de Caunes et Me Morice. « La connaissance des positions de MM.
Souleiman et Martinet est d’autant plus essentielle, a indiqué la chambre
de l’instruction, qu’elles pourront ainsi être confrontées aux
accusations formulées à leur encontre. »

Par ailleurs, le 13 septembre,
la juge Sophie Clément, chargée de l’instruction sur les circonstances
du décès du juge Borrel, a estimé « inopportune »
la transmission de la procédure aux autorités djiboutiennes.
Dans un courrier daté du 22 juin, M. Souleiman avait ainsi demandé
à Yves Bot, son homologue parisien, que le dossier d’instruction lui
soit communiqué, au motif que « la partie civile et certains médias
français essayaient d’orienter l’information judiciaire actuellement
en cours à Paris ».

Les avocats des parties
civiles s’étaient opposés à cette requête. « A
moins d’admettre que l’Etat français ne veuille permettre à
des personnes mises en cause d’étayer par avance leur défense,
a indiqué Me Morice, une réponse positive à une telle
demande était inconcevable. »

Gérard Davet

• ARTICLE PARU DANS
L’EDITION DU 25.09.04