06/10/04 (B266) AFFAIRE Borrel : UN FEUILLETON JUDICIAIRE. (Lecteur)

Aux yeux de tous les Djiboutiens,
l’affaire Borrel est devenue un feuilleton judiciaire où le personnage
principal essaye de ramener un dictateur africain non élu à
de meilleurs sentiments vis-à-vis de l’ancienne métropole. La
diplomatie Française semble emprunter plus volontiers les couloirs
des palais de justice de Paris que ceux du Quai d’Orsay afin de servir ses
propres intérets et non pour rendre justice à la famille du
juge martyre ou pour débarasser un Peuple ami d’un tyran arriviste.

Les Etats-Unis sont de
plus en plus ouvertement critiqués à Djibouti pour leur soutien
notamment financier à un régime dont les dérives sont
pourtant dénoncées fermement par leurs observatoires des Droits
de l’Homme ; il est classé, dans le peloton de tête des dictatures
qui subsistent dans le monde.

Cette politique « de
deux poids, deux mesures » qui consiste à vouloir débarasser
les peuples du Golfe Arabique de leurs dictateurs et à soutenir celui
de Djibouti contre sa population, ne peut que nuire à l’image des Etats-Unis
qui aimeraient se présenter en libérateurs des peuples et des
nations. Les Djiboutiens, à l’appel de l’opposition, manifesteront
prochainement contre la politique de George W. Bush à Djibouti. Ceux
de Bruxelles devraient en faire autant devant l’Ambassade des Etats-Unis.
Cela aura surement plus d’impact et des effets et un retentissement mondiale
et médiatique.

L’affaire Borrel constitue
la partie émergent d’un ensemble d’affaires judiciaires de plus grande
envergure telle que le Café de Paris ou l’Historil pour lequel de nombreuses
familles de victimes n’ont pas encore porté plainte.

Pour cette raison et pour
d’autres, l’affaire Borrel revét une importance déterminante.
Le témoignage d’Alhoumekani est corroboré par d’autres témoignages.
De plus aujourd’hui, les avocats de Guelleh et de ses cousins ne pourront
plus se contenter dans leur plaidoirie sans consistance de dire que leurs
clients ne pouvaient pas faire appel aux services de détenus de Gabode
car l’on peut apporter facilement la preuve que la prison de Gabode est une
passoire.

En effet , on aurait envie
de rire si on n’avait pas de compassion pour la famille de feu Bernard Borrel
, lorsque l’un des avocats de la défense explique que les présumés
assassins se trouvaient en prison au moment des faits et que pour cette raison
les déclarations de l’ancien officier de gendarmerie ne peuvent être
prise au sérieux.

Les tentatives flagrantes
de subornation de témoin, les défilés des courtisans
de Guelleh pour faire revenir ALHOUMEKANI sur ses déclarations sont
là pour nous rappeller avec force que la culpabilité de Guelleh
et de ses cousins ne ferait aucun doute. Mais notre devoir de démocrate
nous impose de considérer comme innocent Guelleh tant qu’il n’a pas
été condamné par une cour judiciaire.

Au regard du droit , la
subornation de témoin n’est-elle pas aussi grave que le crime lui méme
? C’est la crédibilité de la Justice qui est mise à l’épreuve
avec cette nouvelle affaire de tentatives de subornation de témoins.

Quant à l’assassinat
de Bernard Borrel (car on ne peut plus sérieusement parler de suicide
quand on connait les conditions de la mort du Juge et la position de la Justice
française au vue des expertises), la question principale est de savoir
s’il a réellement été tué par les deux célèbres
détenus mis en cause par Alhoumékani. Si tel était le
cas, alors la responsabilité d’Ismael Omar serait certainement facile
à établir. Le fait que Monsieur ALWANI (1), aprés la
dernière élection présidentielle, répètait
à des détenus qu’il « attendait l’élection d’Ismael
et que la victoire du candidat de l’opposition ne l’arrangeait pas » est-il
une preuve de plus ?

Sur le coup, les déténus
n’ont pas compris la signification de ses paroles ; ils ne les comprendront
que plus tard avec les révélations fracassantes d’Alhoumékani
et surtout en apprenant la Grace présidentielle dont il a bénéficié
à la surprise génèrale.

Mais avant d’obtenir cette
Grâce présidentielle, Alwani a beaucoup souffert du témoignage
d’Alhoumékani le mettant en cause dans l’assassinat du Juge Borrel
car les détenus à qui Alwani s’est confié ont remarqué
qu’il avait un comportement fébrile, plein à la fois d’inquiétude,
de tristesse et de peur, comme s’il craignait d’etre éliminé
physiquement dans la prison.

Avait-il de bonnes raisons
d’avoir peur à l’époque ? Mais heureusement pour lui , en le
libérant, Ismael a tenu sa parole. (Pour une fois ??)

Si Alwani était
innocent des accusations d’Alhoumékani, pourquoi aurait-il eu peur
? Il me paraît évident qu’il ait pu avoir été mélé
à cette affaire et que pour Ismael Omar, il pouvait devenir un témoin
à charge.

Par ailleurs peu de temps
avant la mort de Bernard Borrel, Monsieur Awaleh Guelleh (2) aurait été
aperçu au domicile d’Ismael Omar, au plateau du Serpent, par une personne
qui Khatait chez lui. Cette personne qui fait partie du cercle des courtisans
de Guelleh, n’est évidemment pas disposé pour l’instant à
apporter son témoignage et ce, surtoutpour des raisons de sécurité.

Mais il n’est pas exclu
qu’à l’avenir, ce courtisan se transforme en témoin à
charge.

On sait combien de Djiboutiens,
amis proche de la famille d’Ismael ont déjà pris (prudemment
?) le chemin de l’exil et se sont transformés en ennemis irréductibles
et farouches.

Un, deux ou trois témoins
de plus modifieront-ils le cour de cette affaire devenue un feuilleton judiciaire
?

Le doute est permis tant
les auteurs de cette tragédie bénèficieront d’une immunité
(impunité temporelle ?) qui leur permet méme de se payer le
luxe de tentatives de subornation de témoin dans la capitale de l’Union
Européenne. On voit que Monsieur Ismael Omar Guelleh, dans son arrogance
et sa suffisance, n’a pas pris de gants dans cette affaire de meurtre.

Si la Justice avait pris
la peine de faire son travail à fond et plus rapidement, de nombreuses
personnes de bonne volonté lui auraient apporté leurs témoignages
pour l’éclairer dans son instruction.