04/11/04 (B270) Dans l’œil du cyclone : lu dans Nouvel Afrique-Asie sous la signature H.B. (Info lecteur)

Dans l’œil
du cyclone

(Nouvel Afrique-asie Novembre 2004)

La France est présente
à Djibouti avec trois mille soldats mais elle n’a plus le monopole
de la présence militaire depuis le 11 septembre, avec l’installation
de mille cinq cents soldats américains de la force d’intervention
rapide. Djibouti est devenu une pièce importante du dispositif américain
de lutte antiterroriste en Afrique de l’Est. Les Djiboutiens sont en
grande partie hostiles aux Américains à cause de l’invasion
de l’Irak, de leur soutien inconditionnel à Sharon et du couvre-feu
qu’ils instaurent sur les côtes du Nord, paralysant ainsi toute
l’activité de pêche. Le pouvoir en place à Djibouti
ne dispose d’aucun soutien dans la région, lâché
par son puissant voisin, l’Ethiopie.

Le gouvernement de Meles
Zenawi lui reproche entre autres sa politique interventionniste en Somalie,
son soutien aux opposants oromos en Ethiopie, son intervention armée
dans la partie afar de l’Ethiopie et son rapprochement avec l’Erythrée.

L’homme fort de Djibouti
est dans l’œil du cyclone de la justice française depuis
que la thèse de l’assassinat a été privilégiée
dans l’affaire du juge Borel – découvert calciné le
19 octobre 1995 au pied d’une falaise à 80 km de la capitale.
L’enquête met en cause l’actuel président Guelleh (chef
de cabinet à la présidence et responsable de la sécurité
à l’époque), qui avait accusé la France de vouloir
déstabiliser Djibouti. Le “bouclier” français de Guelleh
semble voler en éclats.

Dès le mois
d’août 2004, le président a demandé à ses
deux plus proches collaborateurs cités dans l’affaire Borel

– Hassan Said
(directeur de la sécurité nationale)
– Mahdi Ahmed Cheik (chef de la gendarmerie)

de ne plus se rendre en
France.

Le procureur de la
République de Djibouti, Djama Souleiman, a refusé de se rendre
à la convocation du juge Bellin au palais de justice de Versailles
le 30 septembre 2004, à titre de témoin assisté dans
le cadre de l’affaire Borel pour subornation de témoin.

Ces trois personnages
épinglés par la justice française constituent des pièces
maîtresses du système répressif de Guelleh.

Les 8 et 9 juin 2004,
une manifestation de taille à Arhiba, quartier important de la capitale,
a paralysé pendant deux jours une grande partie de la ville, dénonçant
le pouvoir corrompu et réclamant la justice et la démocratie.
Un facteur alimente cette désaffection de la population à l’égard
du pouvoir : le refus de la part de ce dernier de résorber les causes
qui avaient engendré la guerre civile.

Les loyers de la base
française ont été réévalués de 18
à 30 millions d’euros tandis que l’aide américaine
est estimée à 30 millions de dollars. Ces retombées économiques
de la présence militaire sont accaparées par le chef de l’Etat
et son entourage. A Djibouti, toute la question maintenant est de savoir si
l’opposition dans sa diversité sera capable de s’unir et
de présenter une alternative crédible.

H.
B.