11/01/05 (B280) 3 – Les media français confirment l’information que nous avions publiée dès vendredi dernier. LE FIGARO : La cour d’appel de Versailles ordonne l’audition du chef des services secrets de ce pays

Mort
du juge Borrel : Djibouti mis en cause par la justice française

Angélique
Négroni
[11 janvier 2005]

L’étau se resserre
autour des autorités djiboutiennes dans l’affaire de l’assassinat présumé
du juge français Bernard Borrel en octobre 1995 à Djibouti.
Dans un arrêt du 7 janvier, la chambre d’instruction de la cour d’appel
de Versailles ordonne ainsi l’audition par la justice française de
Hassan Saïd, chef des services secrets de Djibouti.

Cette
personnalité proche du président djiboutien, Ismaël Omar
Guelleh, serait directement impliquée dans l’un des volets du dossier,
instruit à Versailles et qui porte sur d’éventuelles subornations
de témoins. Comme le rappellent les juges de la cour d’appel dans leur
arrêt, Hassan Saïd est accusé «de manière claire
et précise» d’avoir voulu discréditer le témoignage
clé de cette affaire. Il s’agit de celui de Mohammed Alhoumekani, membre
de la garde du président de la République. Celui-ci a déclaré
avoir entendu, dans le jardin présidentiel de Djibouti, une conversation
entre Ismaël Omar Guelleh, alors chef de cabinet du président,
et plusieurs hautes personnalités, dont Hassan Saïd, au cours
de laquelle il avait été dit que Bernard Borrel avait été
assassiné. Des propos entendus le 19 octobre 1995, le jour même
de la découverte du corps sans vie du magistrat français.

Dans ce dossier, où
la thèse du suicide avait longtemps prévalu, le témoignage
de M. Alhoumekani est capital. Il indique formellement que, dès le
début, on savait au plus haut niveau de l’État djiboutien que
Bernard Borrel avait été exécuté. Mais par qui
et pour le compte de qui ? Ces questions intéressent directement le
juge parisien Sophie Clément, chargé d’instruire le dossier
portant sur l’assassinat de son confrère.

De son côté,
la justice versaillaise attend de savoir pourquoi Hassan Saïd aurait
voulu faire pression sur un témoin clé et s’il s’agissait notamment
de protéger l’actuel président de la République. Divers
témoins affirment, en effet, que le mobile de l’assassinat pourrait
être la découverte par le magistrat français de l’implication
du chef d’État dans un trafic d’armes ou dans un attentat perpétré
en 1990 contre le Café de Paris à Djibouti. Dans son arrêt,
la cour d’appel n’exclut pas, d’ailleurs, l’audition d’Ismaël Omar Guelleh
comme témoin. Mais compte tenu de son statut de chef d’État,
il ne pourra être entendu que s’il se présente spontanément.

Pour Me Olivier Morice,
avocat de la veuve Borrel, cette décision marque «une avancée
considérable dans cette affaire». Conforme à ses attentes,
elle infirme l’ordonnance du juge versaillais Pascale Belin, qui avait refusé
d’entendre le chef des services secrets. Mais à l’instar du procureur
de la République de Djibouti, Djama Souleiman, soupçonné
lui aussi de pression sur Mohammed Alhoumekani et également convoqué
par la justice française, il pourrait ne pas se présenter. Dans
ce cas, un mandat d’arrêt international pourrait être lancé
contre eux.