25/01/05 (B282) Libération : crise entre Djibouti et Paris (Liberation 24/01/2005)

Les autorités de
Djibouti ont décidé d’expulser six coopérants français
et l’émetteur de Radio France Internationale (RFI) sur place a été
coupé, a-t-on appris samedi 22 janvier auprès du quai d’Orsay
et de la radio publique française.

Ces faits interviennent
dans un contexte de tension entre les deux pays provoqué par la décision
de la justice française de demander l’audition du chef des services
secrets djiboutiens dans l’affaire de l’assassinat en 1995 d’un juge français.

« Les autorités
de Djibouti ont pris la décision d’expulser six assistants techniques
français », a déclaré, la porte-parole adjointe du
ministère français des Affaires étrangères, Cécile
Pozzo di Borgo.

Emetteur coupé

De son côté,
RFI a indiqué samedi que son émetteur à Djibouti avait
été coupé.
La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles a ordonné
le 10 janvier dernier l’audition du chef des services secrets djiboutiens,
Hassan Saïd, sur une éventuelle subornation de témoins
dans l’affaire du décès, en 1995, du juge français Bernard
Borrel. Publicité

Ali Iftin, un ancien officier
djiboutien aujourd’hui réfugié à Bruxelles, affirme que
Hassan l’avait obligé à mentir dans l’enquête sur la mort
du juge Borrel.

Elisabeth Borrel, veuve
du juge Borrel dont le corps avait été découvert le 19
octobre 1995 à 80 kilomètres de Djibouti, aspergé d’essence
et à moitié brûlé, a porté plainte en novembre
2002.

Si l’enquête djiboutienne
avait conclu à un suicide par le feu, celle menée en France
privilégie la thèse de l’assassinat.

Djibouti abrite la principale
base militaire française en Afrique, avec quelque 2.700 hommes.

Les Etats-Unis et l’Allemagne
y ont également déployé des contingents militaires depuis
2002 (1.500 Américains, 200 Allemands) dans le cadre de l’opération
de lutte antiterroriste « Liberté Immuable ».

Les amis de Paris en Afrique
ont toujours autant de mal à admettre l’indépendance de la justice
française. Dernier exemple en date : les autorités de Djibouti,
qui ont très mal réagi à la décision de la cour
d’appel de Versailles du 7 janvier d’autoriser une audition du chef des services
secrets, Hassan Saïd, dans le cadre de l’affaire Borrel (Libération
du 11 janvier). Le corps de ce magistrat français, détaché
à Djibouti, a été retrouvé carbonisé, il
y a neuf ans, au pied d’une falaise. Après avoir penché pour
la thèse du suicide, la justice française enquête désormais
sur son assassinat. Furieux, le régime du président Ismaël
Omar Guelleh n’a pas tardé à riposter. Six coopérants
techniques détachés dans les principaux ministères locaux
ont été désignés persona non grata et s’apprêtent
à quitter le pays. Par ailleurs, l’émetteur de RFI a été
coupé. Paris est très préoccupé: Djibouti abrite
l’une des principales bases militaires françaises sur le continent
africain.