27/01/05 (B282) RFI : l’affaire Borrel met la diplomatie française dans l’embarras. Le syndicat de la magistrature déclare de son côté que le refus de coopérer avec la Justice ne pourrait que renforcer la thèse de l’assassinat du juge pour des raisons d’Etat.(Didier Samson)

de l’assassinat du juge pour des raisons d’Etat.(Didier Samson)

L’embarras
de la diplomatie française

Une
affaire de justice empoisonne les relations entre la France et Djibouti. Les autorités
djiboutiennes expulsent des coopérants français et ferment l’émetteur
de RFI, sans aucune riposte officielle de la France.

Depuis
le 14 janvier dernier l’émetteur de Radio France internationale (RFI)
à Djibouti, la capitale, a été fermé. Les responsables
de la radio ont lié cet événement à la diffusion d’un
reportage sur la mort du juge français Bernard Borrel, retrouvé
mort à quelque 80 km de la capitale, le 19 octobre 1995. La thèse
du suicide est aujourd’hui battue en brèche et l’enquête
s’oriente vers un assassinat du juge français.

La
chambre de l’instruction cour d’appel de Versailles, qui a réouvert
le dossier, avait ordonné le 10 janvier l’audition du chef des services
secrets djiboutiens, Hassan Saïd, pour subornation de témoins. Par
ailleurs, l’enquête se focalise de plus en plus sur l’entourage
proche du président Ismaël Omar Guelleh. « Le président
djiboutien est dans l’œil du cyclone », avait déclaré
l’avocat de la famille du juge français, Olivier Morice. La veuve
du juge français, Elisabeth Borrel, elle-même magistrat, avait réclamé
l’audition d’Ismaël Omar Guelleh, lors de son passage en France
en août 2004 à l’occasion de la commémoration du soixantième
anniversaire du débarquement de Provence.

Mais
les autorités politiques françaises ont dû s’interposer
pour rappeler l’immunité diplomatique dont jouit un président
de la République en visite en France. La persévérance de
la justice française à entendre certaines personnalités djiboutiennes
a visiblement agacé le pouvoir de Djibouti qui a pris la décision
d’expulser six coopérants français. Paris encaisse le coup
sans broncher, pris entre une enquête judiciaire et les intérêts
stratégiques français dans le pays et la région.

Djibouti
abrite la plus importante base militaire française en Afrique, qui a aussi
l’avantage de donner sur la Mer Rouge et le golfe d’Aden pour une ouverture
sur l’Océan indien. La base militaire française est forte de
2 700 hommes. La position stratégique de Djibouti intéresse aussi
les Etats-Unis pour les différentes opérations qu’ils mènent
dans la région. Depuis les attentats du 11 septembre, y ont positionné
1 500 soldats dans cadre de la lutte antiterroriste baptisée « Liberté
immuable ». L’Allemagne y a installé également 200 hommes.

Djibouti courtisé,
n’hésite pas à brandir l’arme du revirement des alliances
pour contraindre la France à abandonner les poursuites contre ses plus
hautes autorités. L’embarras est palpable au ministère français
des Affaires étrangères. Cécile Pozzo di Borgo, porte-parole
adjointe du ministère des Affaires étrangères a multiplié
les points de presse pour saluer la collaboration effective des autorités
djiboutiennes dans « l’affaire Borrel ». Les documents classés
secret-défense, déclassés et versés au dossier de
l’affaire ne permettent pas de « conclure à la mise en cause
des autorités djiboutiennes. Toute autre déclaration n’est
pas conforme à la réalité », a-t-elle insisté.
Elle s’est par ailleurs, refusée à commenter les décisions
de justice et souligne que « les autorités djiboutiennes, depuis
le début, ont coopéré de manière excellente avec la
justice française ».

L’appréciation
du Syndicat de la magistrature est tout autre. « Les autorités de
Djibouti marquent une nouvelle fois leur refus de coopérer à l’éclaircissement
des circonstances et des raisons de cette disparition (le juge Bernard Borrel)
», déclare le Syndicat de la magistrature qui ajoute que «
les réticences ne peuvent qu’accréditer l’idée
que l’assassinat de Bernard Borrel a été dicté par la
par la raison d’Etat ».


Didier
Samson
Article publié le 26/01/2005
Dernière
mise à jour le 26/01/2005 à 18:36 (heure de Paris)