10/04/05 (B293) Djibouti : le second hold-up électoral. Article à paraître en Italien dans le journal « Il Manifesto » de Rome, sous la signature d’Abdourahman Waberi.

A l’issue des
élections présidentielles de vendredi 8 avril 2005, aucune
surprise n’était au rendez-vous.

Le président
sortant, Mr Ismaël Omar Guelleh, élu pour la première
fois en 1999, au cours d’une élection déjà entachée
d’irrégularités, était le seul candidat en lice.

L’opposition, légalisée
récemment et réunie au sein de l’UAD (Union pour l’Alternance
démocratique) avait appelé au boycott, faute d’un minimum de
garanties. La seule inconnue était le taux de participation. En l’absence
d’adversaire et de quorum de participation requis, le président était
assuré d’enchaîner un second mandat de six ans. Ainsi va la vie
politique en République de Djibouti.

Ce petit pays de la Corne
de l’Afrique, dernière colonie française du Continent devenue
indépendante en 1977, abrite la plus grande base militaire française
à l’étranger, à l’heure où la crise ivoirienne
remet en question ce type de coopération.

Elle accueille également
une base militaire américaine, installée dans la foulée
des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. La position stratégique
est le principal atout de cette petite république dépourvue
de richesses naturelles.

Depuis des mois, le président
sortant multipliait les sorties dans les quartiers de la capitale Djibouti
et dans les cinq districts de l’intérieur, distribuant des subsides,
des aides en nature et du khat, la drogue euphorisante que les gens mâchent
dans toute la Corne de l’Afrique et au Yémen, tout en accusant les
partis de l’opposition de tous les maux. Mais malgré les harcèlements,
les fausses promesses et la mobilisation de tous les moyens de l’état
régalien (les médias, la police, la fonction publique), le taux
de participation est resté en réalité très bas.

A preuve, " cet observateur
occidental, basé à Djibouti et qui a requis l’anonymat, avait
estimé, peu avant le scrutin, s’attendre "à des chiffres
de participation mirobolants pour que Guelleh puisse légitimer sa réélection"
(Le Monde, " Guelleh réélu président de Djibouti
", 9/4/25). Ce témoignage montre combien le régime de Guelleh,
bâti sur la violence et l’arbitraire, inspire de la peur jusqu’en dans
la communauté expatriée, essentiellement française.

En effet, à peine
le scrutin dépouillé, le ministre de l’intérieur, M.
Abdoulkader Doualeh Waïs s’est empressé d’annoncer la bonne participation
devant les Djiboutiens incrédules : " Le taux de participation
est de 78,9 % grâce à la sensibilisation très forte du
gouvernement, aux enjeux très importants et à une campagne électorale
active " (idem). Alors que les observateurs et la presse étrangère,
absente à l’exception d’un journaliste du Figaro, contredisent les
déclarations du ministre : " Contrairement aux précédents
scrutins, les files d’attente vendredi devant les bureaux de vote étaient
extrêmement rares " (dépêche de l’AFP, 9/4/05).

L’opposition a rejeté les résultats du scrutin, dénoncé
les brutalités policières et donné sa version des faits
(" avec taux de participation autour de 10% à midi ", dit
un communiqué du 8/4/05). Elle exige pour l’heure la libération
de la centaine d’opposants et de journalistes emprisonnés.

L’avenir est plus en plus
sombre avec un président illégitime, une opposition muselée
et un pays qui s’enfonce encore plus dans la pauvreté malgré
les retombées des deux bases militaires et des financements venus de
Dubaï. Toute cette manne financière a été accaparée
par le président et son entourage. " A travers le pays, la grogne
monte avec l’augmentation de la misère. De 1996 à 2002, le nombre
de djiboutiens vivant avec 1,8 dollar par jour a augmenté de près
de 10% " a constate l’envoyé spécial du Figaro.

Abdourahman
A. WABERI,
Ecrivain.