21/10/05 (B321-A) Djibouti : pour un FRUD fort (Opposition armée) (Info lecteur)

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Il y a 13 ans naissait le FRUD, une organisation politico militaire issue elle-même de 3 mouvements politiques.

Que reste t il de l’épopée du FRUD ?

D’aucuns diront que le FRUD est dans le panier de l’Histoire tout juste utile pour le sujet de recherche en Science po ou en Histoire. D’autres expliqueront avec une grande humilité que le FRUD existe toujours et constitue même l’espoir pour une partie importante de la population.

Face à un éternel lamento sur une supposée incapacité à défaire ce que les humains ont fait, c’est-à-dire en l’espèce la dictature, le FRUD a démontré qu’il pouvait ébranler les murs des certitudes. A chaque étape, le FRUD a été au rendez vous : lorsque le parti unique a été lézardé donnant naissance à un quadripartisme de façade en 1992, lorsqu’il a fallu adopter un multipartisme intégral toujours de façade en 2002.

Le FRUD a pu pesé sur le cours de l’Histoire de Djibouti pour deux raisons essentielles. Il a brisé le monopole de la violence clanique en démontrant que le recours à la force n’était pas toujours frappé d’illégitimité. Le FRUD s’est posé comme un pôle de réflexion en rupture avec les pratiques claniques et prédatrices du régime.

Des facteurs exogènes ont sauvé ce régime d’une déroute militaire à deux reprises, lui permettant d’opérer une OPA sur une faction du FRUD qui deviendra l’allié du pouvoir en décembre 1994. Cette faction sera méconnaissable, elle sera tétanisée, n’aura pas d’existence autonome et n’aura aucune influence sur la politique du gouvernement. Une autre faction du FRUD va signer un deuxième accord de paix le 12 Mai 2001, se transforme en parti politique légalisé et pratique une opposition au pouvoir.

L’Alliance Républicaine pour le Développement (ARD) est limitée dans ses actions, et elle n’a pas obtenu l’application de l’accord du 12 mai 2001. Ses cadres subissent des pressions économiques, ses sympathisants sont pourchassés. La troisième tendance a maintenu la structure politico militaire de l’organisation, devenant l’héritière et la continuatrice des luttes du FRUD.

Les deux accords de paix signés par le gouvernement et les deux factions du FRUD censés mettre un terme à la guerre civile, n’ont pas été appliqués malgré leur contenu partiel démontrant une incapacité de ce régime à se reformer.

L’Histoire a conforté les positions de la troisième tendance du FRUD qui incarne et défend l’esprit, le programme de cette organisation. Non seulement le FRUD doit exister mais il doit se renforcer pour donner à l’ensemble de l’opposition une impulsion nouvelle :
– Parce que la révolution du FRUD reste inaboutie ;
– Parce que le FRUD a développé une réflexion et des pratiques qui introduisent un nouveau paradigme à Djibouti, et en corne d’Afrique :

Résolution des différends par voie pacifique, acceptation de compromis, respects des Droits Humains et des minorités.

Compte tenu de ces expériences, un FRUD fort peut imprimer à cette étape décisive de la lutte des pratiques efficaces et des valeurs nouvelles. Cet idéal du FRUD anime beaucoup de Djiboutiens, des montagnes du Goda, des Mablas, de Dakka où des combattants armés maintiennent les flammes de la résistance, en passant par Arhiba, Balbala, Nouvelle Zélande jusqu’à Vancouvert.

SIMULACRE D’ELECTION PRESIDENTIELLE A DJIBOUTI SOUS LE REGARD DES SOLDATS FRANÇAIS ET AMERICAINS

Ismael Omar Guelleh, qui était candidat à sa propre succession semble plutôt satisfait du boycott de l’opposition qui lui a permis d’être seul en lice. Il a dû avoir des informations de première main (n’oublions pas qu’il fut responsable de la sécurité avant de devenir Chef de l’Etat) relatives à son extrême impopularité pour qu’il accepte d’être la risée de ses pairs.

En plus de tous les opposants déclarés multiples et variés, il craignait aussi les groupes qui constituent sa soi-disante majorité. Il n’avait confiance ni aux nouveaux ralliés qu’il traite avec mépris, ni aux partisans de toujours du régime coupables de connaître trop bien le fonctionnement du système, qu’il pousse vers la sortie.

Malgré un boycott massif de l’électorat djiboutien, le ministre de l’intérieur a proclamé un résultat fantaisiste de 78 % de participation, et de 94 % des suffrages exprimés en faveur du candidat unique Guelleh.

L’opposition avait elle un autre choix que le boycott ?

Certainement pas. Il faut même saluer la maturité et l’unité de l’opposition y compris Mohamed Daoud Chehem qui avait annoncé sa candidature, et s’est retiré au dernier moment, laissant le roitelet de Haramous seul face à la mer et à ses turpitudes.

Même si la notion de boycott actif préconisée par les partis légalisés était une idée neuve dans la panoplie des expériences politiques du pays et sa traduction sur le terrain était d’autant plus difficile qu’il n’était pas bien défini par les dirigeants de l’opposition.

Les critiques portent plus sur l’inaction et l’immobilisme de l’opposition avant la date du scrutin. L’opposition légalisée, limitée dans ses actions à l’intérieur de Djibouti, aurait pu s’ouvrir à d’autres forces pour enclencher une dynamique susceptible d’embrasser tous les secteurs hostiles au pouvoir et en déployant des actions diplomatiques pour isoler ce régime.

Guelleh est il pour autant tiré d’affaire ?

Les problèmes ne font que commencer pour ce président dont la légitimité est sérieusement entamée. Le score de 94 % proclamé pour un candidat sans concurrent, loin de démontrer la force d’Ismael Omar Guelleh comme l’a si naïvement écrit le journaliste du Figaro sonne plutôt comme un aveu de faiblesse, un manque de confiance en soi, qui a plongé dans l’embarras et le silence la France et les Etats-Unis d’habitude si prolixes en matière de démocratie.

Le même journaliste laisse entendre que les deux puissances occidentales ont opté pour le silence pour préserver leurs présences militaires à Djibouti. En d’autres termes, les Etats-Unis et la France seraient tétanisés par un micro dictateur. Mais les chinois nous livrent une autre lecture de cette énigme en nous disant que ce n’est pas la queue qui remue le chien, mais c’est le chien qui remue la queue. De là à conclure que la démocratie est impossible là où il y a des bases militaires étrangères, il n’y a qu’un pas que les démocrates djiboutiens n’ont pas encore franchi.

Quelle alternative reste à la population pour se débarrasser du dictateur sans légitimité ?

C’est à l’ensemble de l’opposition de répondre à cette question. De véritables difficultés attendent aussi les différents courants de l’opposition.

L’assassinat par l’armée le 31 Mars 2005 de 3 membres du FRUD à Indaï sonne comme une provocation, rompant la trêve observée tacitement depuis 2000 par les deux parties, n’a fait qu’exacerber les tensions latentes dans les campagnes. Des rumeurs persistantes font état du départ de plusieurs dizaines des jeunes vers le maquis du FRUD. Selon d’autres sources, un officier de l’armée accompagné d’une dizaine de soldats auraient rejoint le FRUD le 10 Avril 2005 avec armes et bagages. Reste que l’assassinat du 31 Mars 2005 répond à 3 objectifs :
– Dissuader toute velléité de résistance ;
– Décourager les jeunes qui étaient en train de rejoindre le FRUD
– Et étouffer dans l’œuf toute tentative de réorganiser le FRUD

Le FRUD est il prêt à faire face à une autre provocation musclée de la part du régime ? Au-delà d’une stratégie de survie, le FRUD pourra t il véritablement renaître, devenir le moteur d’une nouvelle dynamique ?
– La radicalisation de l’opposition légalisée aura-t-elle un débouché politique ?
– Les partis légalisés resteront ils unis au sein de l’U.A.D dans cette nouvelle phase ?
– Le FRUD et l’UAD auront-ils une stratégie commune pour l’après 8 Avril 2005.

Au-delà des coordinations électorales, les mouvements de l’opposition ne pourront plus faire l’impasse sur l’approfondissement de leur plate forme politique. L’ensemble de la population djiboutienne attend des réponses claires à toutes ces questions dont beaucoup dépendent des forces démocratiques.

Source: Alwihda