08/06/06 (B353_B) Le Nouvel Obs : Vols secrets de la CIA : le rapport contesté par plusieurs pays.



NOUVELOBS.COM | 08.06.06 | 11:49



Des pays mis en cause par l’enquête du Conseil de l’Europe contestent leur implication dans l’affaire des vols secrets de la CIA.

A près la publication du rapport du Conseil de l’Europe sur les vols secrets de la CIA, démentis et critiques pleuvent. Selon le sénateur suisse Dick Marty, auteur du rapport rendu publique mercredi 7 juin, les pays incriminés -Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Suède, Bosnie, Macédoine, Turquie, Espagne, Chypre, Irlande, Grèce, Portugal, Roumanie et Pologne- se sont rendus complices de « transferts illégaux » de personnes soupçonnées de terrorisme par la CIA. (Pour accéder à la liste des pays européens cités et des aéroports utilisés,cliquer ici).

La Suisse a réfuté les reproches de Dick Marty qui l’accuse dans son étude de « formalisme » et de « servilité » envers les Etats-Unis. « Nous avons toujours été transparents et clairs sur les principes », a déclaré Lars Knuchel, porte-parole du ministère suisse des Affaires étrangères.



« C’est de la calomnie »

Et si la Suède et la Bosnie ont déjà reconnu un certain degré d’implication, les autorités roumaines et polonaises ont réfuté les accusations du texte. « C’est de la calomnie qui n’est basée sur aucun fait », a estimé le Premier ministre polonais Kazimierz Marcinkiewicz.

« Il n’y a pas de preuve qu’il y ait eu de tels centres de détention en Roumanie », a déclaré de son côté, Romeo Raicu, président d’une commission parlementaire roumaine sur les services secrets. En Grande-Bretagne, le Premier ministre Tony Blair a affirmé que le rapport ne contenait « absolument rien de nouveau ».

Les Etats-Unis ont également rejeté les conclusions de M. Marty évoquant un « réchauffé » ne contenant « aucun fait nouveau convaincant ». « Nous sommes déçus par la tonalité et le contenu (du rapport) », a précisé Sean McCormack, porte-parole du département d’Etat.

Pour son enquête, Dick Marty s’est appuyé sur des carnets de vol transmis par Eurocontrol (Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne), des témoignages de personnes affirmant avoir été enlevées par la CIA et des enquêtes judiciaires et parlementaires menées dans plusieurs pays.

Selon lui, des pays européens ont laissé les services secrets américains enlever des personnes résidant sur leur sol, et d’autres les ont autorisés à utiliser leur espace aérien ou ont simplement fermé les yeux sur leurs activités douteuses sur leur territoire. « Les gouvernements européens ont simplement décidé qu’ils ne voulaient pas voir », a déclaré Dick Marty à la presse.



72 minutes à Timisoara



Dick Marty estime que les aéroports de Timisoara en Roumanie et Szymany en Pologne ont servi de « points de transfert et de débarquement de détenus » avec huit autres aéroports hors d’Europe. Les deux pays faisaient, selon lui, partie d’un « circuit » mis en place par la CIA.

Dick Marty raconte par exemple qu’un avion est arrivé à Timisoara en provenance de Kaboul la nuit du 25 janvier 2004, avec à son bord Khaled El-Masri, un Allemand qui affirme avoir été enlevé à Skopje en Macédoine et transféré dans la capitale afghane. Selon le chef de l’enquête du Conseil de l’Europe, l’avion et l’équipage qui accompagnaient El-Masri sont restés 72 minutes à Timisoara avant de décoller pour l’Espagne.

« L’hypothèse la plus probable de l’objectif de ce vol était de transporter un ou plusieurs détenus de Kaboul vers la Roumanie », souligne le rapport. Une enquête parallèle lancée par le Parlement européen montre qu’un millier de vols clandestins de la CIA ont fait escale en Europe depuis les attentats du 11 septembre 2001. (avec AP)