09/06/06 (B354_A) Djibouti sous Ismaïl Omar Guelleh : une certaine logique d’insécurité entretenue afin de protéger un trône qui vacille. (Justicia)


Roger Picon

Par l’entremise de sa propagande, Ismaïl Omar Guelleh a toujours tout fait pour soigner son image de marque. Image de marque certes mais image tapageuse parce qu’il sait que seuls le ridicule de ses facéties, le tape-à-l’oeil, le clinquant et le mauvais goût pourraient séduire et plus assurément tromper l’opinion internationale.

Mais ce pouvoir de la mascarade serait-il fondé à penser qu’il aurait converti une population djiboutienne parce qu’il utilise tous les moyens que donne le pouvoir d’État – et bien au-delà – pour la réduire au silence ?.

IOG a l’aplomb de parler de respect de l’humain et de ses supposées préoccupations prioritaires dans l’intérêt des familles djiboutiennes, mais une fois encore des questions se posent :

Que vaut un tel silence indécent face aux conséquences humaines de l’attentat à la grenade de ces derniers jours perpétré à l’Avenue 13 qui a fait – malheureusement -1 mort et 4 blessés ?.

Ce silence du pouvoir d’IOG est-il un fait isolé ou une démonstration des mauvaises habitudes de ceux qui se disent diriger l’État mais se murent hors des souffrances d’autrui, hors des conditions désastreuses dans lesquelles ces victimes innocentes furent accueillies à l’hôpital Peltier ?

Ces personnes n’auraient-elles pas droit – elles aussi – à des soins d’urgence gratuits et – globalement – à une prise en charge par les Services de l’État de l’ensemble des préjudices subis ?

Cette « ignorance » – dont s’est entouré le pouvoir en place à Djibouti dans les heures qui ont suivi ledit attentat – est « l’apanage» des sots.

D’une part, stupidité du pouvoir car si Ismaïl Omar Guelleh fut le « donneur d’ordres » dudit attentat, l’information filtrera forcément d’ici quelques jours ; d’autre part, ce serait une nouvelle grosse bévue d’IOG si ce délit était à imputer à un tiers inconnu opposé au pouvoir en place car le tyran djiboutien vient une nouvelle fois de confirmer à la face de l’opinion – tant locale qu’internationale – le peu d’intérêt qu’il porte au « petit peuple » et aux victimes de tels actes odieux.

A la réflexion, nous sommes enclins à penser que le silence de la propagande d’IOG et de ses supports médiatiques (tels que l’ADI, la RTD et le journal la Nation) dans cette « affaire » est à considérer comme une forme d’aveu car l’État actuel pourrait fort bien avoir quelque chose à taire, à cacher. Ceci entrant dans une stratégie établie de longue date et qui a montré son efficacité, quand bien même serait-elle perverse et condamnable.

Curieusement, une relation peut être établie entre ledit attentat de ces derniers jours et bien d’autres qui l’ont précédé.

L’histoire est là pour le confirmer, les gouvernements Gouled puis Guelleh ont exploité et exploitent toujours à merveilles tous les attentats accomplis dans le pays pour demander illico presto l’octroi d’aides internationales importantes afin de – parait-il – mieux « protéger » les communautés occidentales présentes à Djibouti.

L’aggravation du conflit qui sévit en Somalie ne fait qu’augmenter le climat d’insécurité perçu comme tel par les familles occidentales qui vivent à Djibouti. Ismaïl Omar Guelleh met à profit cette problématique pour entretenir ponctuellement cette « psychose » et lui donner une complexité sans limite, avec des interactions entre de multiples protagonistes se mentant les uns aux autres.

Il est à noter qu’en des temps pas si lointains et comme Directeur des Services Djiboutiens de Sécurité, IOG a toujours exploité magistralement les faiblesses du président Hassan Gouled pour lui faire croire que c’était sa propre famille qui était visée lors de paraît-il complots d’alcôves ayant avorté ou de supposés attentats organisés par de jeunes intellectuels Afars ou Gadaboursis.

D’autre part et au fil du temps il a parfaitement compris les « failles » (le terme est faible) du système de coopération française à Djibouti.

Soyons explicites, ce fut et sera toujours une sorte de « chantage » du genre « Si vous voulez que l’on protège efficacement vos ressortissants, alors…posez l’argent nécessaire sur la table ! »

Cette méthode comme le discours n’ont pas varié depuis les années 80 alors que pour « preuve » de sa supposée bonne foi Ismaïl Omar Guelleh faisait procéder (et fait procéder encore) après ces attentats à de grands ratissages de police dans des quartiers ciblés de la capitale.

Peu importe les faux coupables qu’il a créés pour la circonstance, le but est de travestir le fond de sa démarche vis-à-vis de l’opinion publique internationale en mettant officieusement en accusation l’opposition politique, réfractaire à sa tyrannie.

Chacun sait que selon les considérations du tyran djiboutien, un opposant politique ne peut être qu’un brigand voire un meurtrier.

Qui pourrait réfuter cela dans le pays ? Personne car TOUS les pouvoirs sont dans une seule et même main ; celle d’Ismaïl Omar Guelleh.

Qui pourrait dénoncer cela publiquement ? Personne car TOUS les députés sont désignés par le Palais de l’Escale et non point élus lors d’élections fantoches.

Qui pourrait s’opposer à cela et démissionner ? Personne car chacun/chacune a en mémoire ce qu’il advint d’un courageux Mohamed Djama Elabeh (AMIN) alors que 10 ans après sa mort l’État fait saisir des biens appartenant à sa famille.

Constat est fait que toutes les interpellations de supposés coupables d’attentats – qui sont comme par hasard des opposants politiques bien connus – se font dans les 24 heures qui suivent les délits. La méthode est identique : à toute heure de la journée comme de la nuit, les hommes de la Police politique (SDS) font irruption en brisant la porte du domicile de tel ou de tel opposant politique (sans Commission rogatoire le plus souvent). S’ensuivent des bastonnades devant la famille apeurée, des saccages d’appartement ou de maison. Pour donner plus de crédibilité au supposées opérations de « Maintien de l’Ordre public » la surveillance des quartiers est renforcée, avec flicage à tous les coins de rue.

Flicage dont le but est d’évidence de rassurer la communauté occidentale présente à Djibouti ; l’Ordre règne et bien cela l’essentiel !

Un motif d’attentat ne serait rien sans son (ses) suspect (s).

Ismaïl Omar Guelleh est passé maître dans le domaine des manipulations.

Il faut dire qu’il dispose d’un large panel d’opposants politiques très actifs, présents dans le pays et qui – quant à eux – ont l’honnêteté de ne pas manger à la « gamelle de la tyrannie » ce qui – forcément – dérange ses plans.

A partir des fiches de renseignements établies et fournies par sa Police politique – dirigée par l’homme de l’ombre, Hassan Saïd – il lui suffit donc de choisir quelques opposants politiques parmi les plus virulents et influents pour en faire des « coupables désignés » avant chaque attentat qu’il fait organiser par les SDS.

S’ensuivent de grandes rafles policières dans tous les quartiers sensibles de la capitale, perquisitions et exactions diverses couvertes par les supposées opérations de « Maintien de l’ordre public », incarcérations de dizaines de personnes dans d’ignobles conditions suivies de tortures. Séances de tortures au cours desquelles aucun être humain normalement constitué ne pourrait résister et avouera alors tout ce que les tortionnaires de la Police Politique veulent lui faire dire ; surtout ce qu’il ignore.

Si l’on peut raisonnablement douter de « l’identité officielle » des auteurs des attentats, une chose est certaine : Ismaïl Omar Guelleh s’inscrit dans une logique de guerre contre l’opposition politique en utilisant les moyens les plus odieux pour tenter de masquer la situation de catastrophe économique, sociale et politique qui sévit dans le pays et dont il est pleinement responsable.

Régner par la terreur, organiser des attentats et les faire suivre d’opérations policières et de tortures – tout ceci étant fondé sur la notion de tribalisme primaire – constituent selon nos considérations un crime contre l’humanité.

Crime dont le « donneur d’ordres », les « exécutants zélés » et les « tortionnaires », auront forcément à répondre un jour devant les tribunaux de la république