18/06/06 (B355_A) Djibouti – Quand un homme n’ose plus défendre la porte de sa maison et sa famille, il est mûr pour l’esclavage et fait ainsi le lit de la tyrannie qui s’y installe et s’y vautre à loisir. (Bouh Warsama)

Dans les rues de la capitale djiboutienne, une multitude de manifestants sont apparus depuis mai 1999. A ces mouvements de masses de justes revendications qui se sont succédés et se perpétuent avec de plus en plus d’ampleur, le pouvoir tyrannique a répondu non pas par un nécessaire dialogue ou par la concertation préalable mais par l’envoi des forces de police avec consignes de faire de la répression bestiale par l’usage du « bâton » puis des armes et des balles qui ont fait de nombreuses victimes dont des personnes âgées, des femmes et des enfants.

Loin est le temps où IOG – alors Directeur des SDS – distribuait certains matins quelques argents aux plus miséreux sur les marches du Palais de l’Escale alors que bien d’autres les ignoraient totalement. A cette époque, misère n’était pas vice !

Depuis, au nom de quel Dieu et de quel droit peut-il ordonner de frapper des personnes âgées venues réclamer le paiement de leur modeste retraite ?

Au nom de quel Dieu et de quel droit peut-il ordonner à la force publique de réprimer des femmes et de jeunes enfants qui sont dans la misère et qui réclament à manger ?

Au nom de quel Dieu et de quel droit peut-il ordonner à la force publique de faire usage de ses armes et d’ouvrir le feu sur la foule de manifestants désarmés ?

Ce sont des dizaines de morts et de blessés qui jonchent aujourd’hui le chemin ensanglanté du régime de l’autocratie imposée par son Excellentissime Ismaïl Omar Guelleh.

La situation que vit aujourd’hui Djibouti – avec les soulèvements dans le Nord et l’Est du pays, voire dans la capitale – est l’une des conséquences d’une guerre intentionnelle et tribaliste lancée contre les civils Afars et les Gadaboursis, décidée et déclenchée par quelques caciques en périphérie du pouvoir de l’époque. Pouvoir dirigé artificiellement par Hassan Gouled – mis en résidence surveillée depuis et qui se contentait alors de ses parties de cartes dans sa résidence d’Arta et de ses « Jet pippermint » en laissant quasiment tous les pouvoirs à son « dauphin » IOG – dont le seul but était et reste encore de garder le pouvoir quel qu’en soient les moyens utilisés pour ce faire et non de sauvegarder une quelconque république en marche – soit disant – vers le progrès économique, politique et surtout social.

République de façade qui n’a jamais vu le jour autrement qu’en apparence et avec des cautions externes prônant l’application d’une seule loi de gouvernance qui est celle du « bâton », dans un pays où la manipulation des masses, la corruption institutionnalisée à haut niveau de l’appareil d’État, le clientélisme et la fraude électorale sont des pratiques récurrentes. Où toutes les institutions élues sont des allégories guignolesques de démocratie (les Députés (es) étant désignés lors de mascarades d’élections législatives), où l’actuel président Ismaïl Omar Guelleh, de l’aveu même de quelques barons du régime et de membres des commissions désignées par le pouvoir (qui se taisent officiellement par peur de perdre leurs privilèges, de se retrouver ruinés et …à Gabode jusque mort s’ensuive ….), qu’avril 2005 fut la plus grande fraude électorale depuis l’indépendance du pays ?

Ismaïl Omar Guelleh avait-t-il promis à ses deux généraux de les mettre à l’abri à l’avenir des poursuites tant nationales qu’internationales sur les détournements de fonds publics, sur les « trafiquotages » à grande échelle avec revente des matériels et d’armes offertes par des pays étrangers, sur les crimes perpétrés sur leur ordre contre les populations Afars, s’ils ne s’opposaient pas mais bien au contraire participaient – une fois encore – par la fraude en milieu militaire (dont l’accaparation de milliers de délégations de votes…) à sa réélection ?

Auquel cas, s’est-il rendu complice lui même, en instrumentalisant la « volonté du peuple souverain », des crimes contre l’humanité perpétrés contre des milliers de civils dans le pays? Ne s’agirait il pas, dans ce cas de figure et en considérant que le deal passé avec ses « supposés alliés » ait eu pour but de les soustraire ensemble aux poursuites pénales futures, tant nationales qu’internationales, donc de les amnistier comme il en a le pouvoir ?

Les exactions commises contre les civils par des agents dits des « forces de l’ordre », par des « mercenaires » armés par l’État, conçues, préparées, ordonnées et perpétrées sur l’ordre du pouvoir et qui se sont traduites – en des temps pas si lointains – par des massacres massifs de populations civiles dans le Nord, par des assassinats ciblés de citoyens, de personnalités politiques de renom (Mohamed Djama Elabeh et bien d’autres) et d’étrangers (dont le Juge Bernard Borrel, car un peu trop « fouineur » selon IOG), par des enlèvements, par des séquestrations, par des exécutions sommaires, par des tortures instituées officiellement en méthode systématique d’interrogatoire, par des viols, par des attentats à l’explosif (notamment à la grenade) à Djibouti, sont-elles amnistiables au regard des principes universels du Droit, et sans même qu’il y ait eu confession et repentance publique des crimes par ceux qui les ont commises ou ordonnées?

Les termes de « Maintien de l’Ordre Public » définis par les textes législatifs et réglementaires, sont-ils applicables à ceux qui – sur ordre d’Ismaïl Omar Guelleh – ont perpétré des actes criminels contre les civils et classés comme tels par les lois même qui les investissent de la force publique?

L’indemnisation des familles de disparus, telle qu’elle est conçue et édictée, effectuée immédiatement après que soient perpétrés les « crimes pour raison d’État » car sur ordre du Palais de l’Escale, n’est-elle pas une atteinte supplémentaire à la dignité des Djiboutiens ? Est-il admis de se servir ouvertement de l’argent public pour acheter le silence des familles de citoyens empoisonnés sur ordre qui ont été arrachés aux leurs, exécutés froidement dans la rue par la « bande des quatre », ou détenus souvent longtemps sans aucun jugement pour être livrés à des monstres sadiques (formés à l’école de Syaad Barré ou de Mengistu – dont on nous affirme aujourd’hui (officieusement) que ce sont d' »honorables agents de l’État, artisans de la sauvegarde de la République » ?

De la République bananière !

Quelle est la signification de massacre collectif pour le législateur?

Est ce le fait d’assassiner plus de deux personnes en même temps ? Le fait d’assassiner plusieurs personnes l’une après l’autre, avec un intervalle plus ou moins long entre deux victimes, échappe-t-il à cette qualification ? Car ne nous trompons pas, c’est la méthode employée qui consiste à « effacer » ceux qui dérangent, un après l’autre afin de ne pas ameuter la presse et l’opinion internationales. Ceux qui ont donné de tels ordres tout comme ont ordonné des massacres collectifs en pays Afar, ne laissant aucun choix aux exécutants, et qui en deviennent, par logique, les premiers auteurs, échappent-ils également à cette catégorie ?

Entreprendre des travaux d’investigation et réunir des témoignages, déposer plainte et témoigner devant une justice étrangère de ce que l’on a vu ou entendu, effectuer des recherches scientifiques, historiques et sociologiques, afin de faire éclater la vérité sur les responsabilités des uns et des autres dans la tragédie qui a endeuillé – et endeuille encore de nos jours – le peuple djiboutien dans son ensemble et des familles étrangères, à titre journalistique ou universitaire, ceci constituerait-il, selon le pouvoir tyrannique et sanguinaire d’Ismaïl Omar Guelleh une « atteinte aux institutions de la République » ? Disons plutôt, atteintes à l’émergence de toutes ces vérités qui dérangent quelques « mauvaises consciences » – à Djibouti …comme ailleurs – et qui tentent de nous faire taire par l’emploi de TOUS les moyens.

En quoi révéler des faits devant une justice étrangère ou témoigner en vue de prouver qu’un agent des « Services Djiboutiens de la Sécurité » qui a enlevé des citoyens, qui les a séquestrés, torturés, violés et assassinés, peut-il ternir l’image de Djibouti ?

En quoi révéler des faits devant une justice étrangère et témoigner en vue de prouver qu’un officier des armées et un « honorable » commerçant étranger (plus assurément mafieux mais protégé par un nom respectable) aient participé à l’assassinat d’un Juge trop intègre, peut-il ternir l’image de Djibouti ? ou nuire à l’honorabilité de TOUS les autres fonctionnaires et militaires, gendarmes et policiers qui majoritairement ont dignement servi la République et réprouvent quasi ouvertement aujourd’hui ce qu’ils observent ?

Les tortionnaires et les criminels qui se sont servis des insignes, des emblèmes et des fonctions de l’État pour faire taire les « fouineurs », garder le pouvoir en commettant ou en faisant commettre des crimes, sont-ils la personnification de cet État ? N’est il pas autrement plus honorable pour un État digne de ce nom, de rechercher et de poursuivre sans relâche, tous les auteurs des crimes contre les citoyens, qu’ils soient djiboutiens ou étrangers ?

Dernière question :

Jusqu’où sera-t-il permis à des hommes sans honneur, opportunistes et de circonstances :

– qui ont confisqué l’indépendance du pays avec certaines cautions externes au pays, qui se sont autoproclamés,

– qui se sont servis d’un pouvoir dont ils se sont arrogés pour piller les biens de l’État et les aides internationales,

– qui ont mené le pays à la faillite sociale, économique et politique,

– qui sont à l’origine des conflits internes actuels par le non respect des accords « État/FRUD » car ayant provoqué une situation insurrectionnelle en réponse à leurs actes ; situation de rejet par la population et qui s’amplifie de jour en jour,

– qui ont ordonné contre les populations civiles un carnage épouvantable en des temps pas si lointain (notamment par des bombardements au napalm à Yoboki et ailleurs…), et qui sont venus nouer des alliances grassement financées avec quelques cupides et pleutres en pays Afar pour garder le pouvoir,

– qui manipulent le mensonge, la corruption, le clientélisme et la tromperie, le meurtre comme des instruments de haute politique,

– qui usent d’une manne financière dont les ressources ne sont pas dues à leur mérite mais pour partie au chantage,

d’altérer le jugement de tout un peuple,

Jusqu’à quand sera-t-il permis à ces monstrueux politicards de manipuler ce qu’ils ne considèrent comme rien d’autre qu’une masse imbécile…faite d’ignorants?

Leur donnera-t-on raison encore longtemps par la passivité ?

Opposition politique, quand sortiras-tu de tes sempiternelles palabres et atermoiements, de tes querelles internes et de tes incohérences ?

Quand oseras-tu mettre en avant un leader capable de rassembler, de « convaincre de faire » plutôt que de ne donner que des ordres !