11/10/06 (B364) Comme nous l’avions souligné dès hier matin, la décision du Parquet de Paris, qui « coupe » les ailes de la Juge Clément, en la privant d’audition de témoins importants, est dénoncée par de nombreux protagonistes et observateurs, dont le syndicat de la magistrature. Décision politique d’un Procureur aux ordres du Gouvernement français, qui se met en quatre pour se faire « pardonner » par Guelleh ? (Revue de Presse)

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Nouvel Obs : Panique au plus haut niveau

NOUVELOBS.COM
| 11.10.06 | 15:22

AFFAIRE BORREL

"Une forme de panique au plus haut niveau"
Interview de Bernard Nicolas,
journaliste,
co-auteur d’"Un juge assassiné" avec Elisabeth Borrel (Flammarion)

Comment
expliquez-vous que le parquet ait refusé de délivrer des mandats
d’arrêt contre les personnes suspectées dans l’affaire Borrel
?

Je
crois qu’on est face à une forme de panique au plus haut niveau,
alors qu’un coup d’accélérateur judiciaire a été
donné par le tribunal de Versailles, qui la semaine dernière
a délivré des mandats contre un procureur djiboutien dans
l’affaire des subordinations de témoins. Là, la juge d’instruction
voulait effectuer des comparaisons entre l’ADN des suspects et celui trouvé
sur le short du juge Borrel. Et l’argument du Parquet est de dire que c’est
"prématuré" ! Après 11 ans !

On ressent
une gêne dans ce dossier, et c’est un euphémisme. Les piliers
de notre démocratie semblent avoir été ébranlés,
peut-être pour préserver nos rapports avec Djibouti. De toutes
les façons, la juge d’instruction a demandé l’avis du Parquet
parce qu’elle devait le faire, mais elle n’est pas liée par sa décision.

Il ne
faut pas oublier les liens qui existent entre la France et Djibouti. Nous
avons 3.000 soldats basés là-bas. Nous avons aussi, ce qui
n’est pas assez souligné, beaucoup investi dans un centre d’écoute
basé à Arta: des "grandes oreilles" à la
française, à quelques encablures des foyers islamistes. Sachant
que les Etats-Unis prennent du poids dans le pays (le nombre de soldats
américains en poste à Djibouti a doublé en 4 ans),
la France essaie de conserver son leadership. Les relations entre les deux
Etats se tendent quelque peu: le loyer que paye l’armée française
sur le territoire djiboutien a par exemple été augmenté
à 36 millions d’euros, sur décision du président Ismaïl
Omar Guelleh.

Il y
a clairement une tradition franco-djiboutienne depuis l’indépendance
en 1977. Et en marge de ces relations officielles, il y a ce qu’on appelle
les réseaux françafrique, ces coopérants influents
qui tiennent à conserver une mainmise sur les flux financiers dans
nos anciennes colonies.

L’affaire
Borrel revient sur le devant de la scène médiatique. Pensiez-vous
que c’était le seul moyen de faire avancer les choses ?

Ce
retour sous les projecteurs n’est pas de notre fait. Nous écrivions,
Elisabeth Borrel et moi, ce livre depuis plusieurs mois. Le fait que la
justice s’intéresse à nouveau à l’affaire ne trouve
pas son origine dans la parution du livre. Les échéances du
tribunal de Versailles dans le dossier de la subordination de témoins
sont tombées d’un côté, la juge Clément continuait
son instruction de l’autre. Il s’agit d’une simple concomitance. La justice
et l’édition ont chacun leurs propres rythmes.

Les
choses ne sont par ailleurs pas finies. On a voulu enterrer cette affaire,
mais ce n’est aujourd’hui plus possible. L’Etat français validait
l’hypothèse du suicide, ce qu’il ne peut plus faire aujourd’hui.
C’est la justice qui a fait évoluer le dossier. J’entends parfois
dire qu’il s’agit d’une affaire complexe. Mais ce n’est pas le cas: c’est
un assassinat déguisé en suicide couvert par la France et
par Djibouti.

Dans
votre livre, "Un juge assassiné", paru le 10 octobre, quelle
est la thèse que vous défendez quant à la vérité
sur la mort du juge Borrel ?

On sait
déjà que c’est un assassinat, et non un suicide. La question
qui se pose est celle du mobile de cet assassinat. Pour Elisabeth Borrel,
il est très difficile de privilégier une thèse. C’est
ce qui a été fait quand tout le monde s’est contenté
de conclure à un suicide. Elle ne veut pas répéter
cette erreur.

Le problème
est la multiplicité des hypothèses, des raisons qui auraient
pu conduire au meurtre de Bernard Borrel. Tout ce que l’on peut dire avec
certitude est qu’Ismaïl Omar Guelleh est impliqué à un
niveau ou à un autre.

Cela
m’a été confirmé par l’ancien chef de la garde présidentielle,
Ali Iftin, qui est d’autant plus crédible qu’il est le cousin du
président et ne peut en conséquence pas être soupçonné
de lui être un opposant farouche. L’image qu’il a employée
est à mon sens très juste: "Guelleh est au centre de
tous les trafics. Il est l’araignée au centre de la toile. Touche
un fil, et l’araignée s’inquiète."

Alors
on ne sait pas quelle piste privilégier. L’enquête sur l’attentat
au Café de Paris en 1990 ? L’enquête sur le trafic d’armes
(on sait que quelqu’un a tenté de soudoyer le juge Borrel en lui
proposant de l’uranium !) ? Quoiqu’il en soit il devenait gênant.
Ses enquêtes étaient compromettantes pour le pouvoir.

Peut-être
connaîtra-t-on un jour le véritable dossier qui a mené
à cet assassinat.

Le plus
évident est celui du Café de Paris, mais ce n’est pas le seul.

Le dénominateur
commun de toutes ces affaires est donc le président Guelleh.

Or,
pour pouvoir profiter de ces trafics en toute impunité, il avait
besoin de l’aval, voire de la complicité de la France. On peut à
mon sens parler de trafics franco-djiboutiens. On le sent tout de suite
en allant sur place. En privé, les gens vous disent que Ismaïl
Omar Guelleh est derrière l’assassinat du juge Borrel. La justice
française ne peut évidemment pas se contenter de micro-trottoirs.
Mais tout ce qu’on avance dans le livre, au-delà du combat et du
ressenti d’Elisabeth Borrel, est étayé par des documents.

Propos
recueillis par David Caviglioli
(le mercredi 11 octobre 2006)

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Reuters : les magistrats critiquent le Parque

Affaire
Borrel : les magistrats critiquent le parquet de Paris

PARIS
(Reuters) – Le Syndicat de la magistrature (SM) a critiqué mercredi
l’avis défavorable du parquet de Paris concernant l’éventuelle
émission de mandats d’arrêts contre deux citoyens de Djibouti
dans l’enquête sur la mort du magistrat Bernard Borrel.

"Le
Syndicat de la magistrature dénonce ce nouvel obstacle mis par les
autorités françaises à la manifestation de la vérité
dans cette affaire", déclare le SM dans un communiqué.

Selon
ce syndicat, partie civile au dossier d’enquête judiciaire, Paris cherche
à bloquer l’enquête pour protéger ses intérêts
diplomatiques et militaires à Djibouti, qui abrite la plus grande base
française d’Afrique.

Elisabeth
Borrel, veuve du magistrat, a aussi protesté contre cet avis du parquet.
Son avocat Olivier Morice juge "honteuse" la position du procureur.

La juge
d’instruction Sophie Clément a demandé l’avis du parquet sur
d’éventuels mandats d’arrêt contre Awalleh Guelleh Assoweh et
Hamouda Hassan Adouani, mis en cause par un témoin du dossier.

Le procureur
de Paris a estimé que cette démarche serait prématurée,
explique-t-on au bureau du procureur. La juge Clément peut passer outre
et délivrer quand même les mandats d’arrêts qui seront
diffusés par Interpol.

Le corps
de Bernard Borrel, coopérant français et conseiller technique
auprès du ministère de la Justice djiboutien, a été
retrouvé carbonisé en octobre 1995.
L’hypothèse du suicide avait été initialement retenue
mais après plusieurs changements de magistrats et des expertises, notamment
médico-légales, c’est la piste criminelle qui est désormais
suivie.

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AP : Le SM dénonce les obstacles mis en place par la France

Affaire
Borrel : le SM dénonce les obstacles mis par la France

PARIS (AP) – Le Syndicat de la magistrature a dénoncé mercredi
les réquisitions négatives du parquet de Paris qui a jugé
"prématuré en l’état" de délivrer des
mandats d’arrêt contre deux citoyens djiboutiens soupçonnés
d’être impliqués dans l’assassinat du juge français Bernard
Borrel en 1995.

Ces réquisitions
du parquet, sollicitées la semaine dernière par la juge d’instruction
Sophie Clément, ne lient pas la magistrate. Elle peut donc décider
de lancer les mandats d’arrêt sans tenir compte de l’avis du parquet.

"Alors
que cette affaire est en cours depuis près de 11 années, le
parquet considère la délivrance de ces mandats d’arrêt
comme prématurée", a ironisé le SM, partie civile
aux côtés de la veuve de Bernard Borrel, dans un communiqué.
Le syndicat "dénonce ce nouvel obstacle mis par les autorités
françaises à la manifestation de la vérité dans
cette affaire".

Le parquet
de Paris a émis la semaine dernière des réquisitions
négatives sur la délivrance de mandats d’arrêt à
l’encontre d’Awalleh Guelleh Assoweh, dit "Mireh", et Hamouda Hassan
Adouani, deux repris de justice djiboutiens, actuellement en fuite.

La juge
d’instruction souhaite notamment recueillir les ADN des deux hommes pour les
comparer aux traces découvertes récemment sur le short que portait
Bernard Borrel le jour de sa mort.

Le parquet
a notamment estimé qu’il fallait d’aborder entendre des militaires
français qui s’étaient manifestés auprès de la
justice indiquant qu’ils avaient manipulé le short et pouvaient donc
être les auteurs des ADN.

Des recherches
en ce sens ont été lancés par la juge d’instruction,
mais les résultats ne sont pas encore connus. En attendant le parquet
a jugé prématuré de lancer des mandats d’arrêts
contre d’autres personnes, a-t-on indiqué de sources judiciaires.

Bernard
Borrel, magistrat français détaché à Djibouti,
a été retrouvé mort et brûlé le 19 octobre
1995 à 80km de la capitale djiboutienne. Ce dossier empoisonne les
relations entre Paris et Djibouti qui accueille une importante base militaire
française.

Sa veuve,
Elisabeth Borrel, soutient que son mari a été assassiné
et accuse le président Ismaël Omar Guelleh d’être le commanditaire
du crime. Une version contestée par Djibouti.

AP

_____________________AFP
: Le Parquet ne sort pas grandi !

PARIS
(AFP) – Affaire Borrel : "Le parquet ne sort pas grandi de ce dossier",
selon Mme Borrel

La
veuve du juge Bernard Borrel, assassiné en 1995 à Djibouti,
a estimé mercredi que "les magistrats du parquet" ne sortaient
"pas vraiment grandis de ce dossier" n’hésitant pas à
parler d’une "reprise en main".

Le parquet
de Paris a requis qu’il n’y avait pas lieu, en l’état du dossier, de
délivrer des mandats d’arrêt à l’encontre des deux principaux
suspects de l’assassinat du juge Bernard Borrel.

"Dans
ce dossier, j’ai connu un parquet qui était contre moi pendant très
longtemps, un parquet d’une bienveillante neutralité avec Yves Bot
(ancien procureur général, ndlr) et je constate aujourd’hui
que la reprise en main est faite", a réagi .

Pour sa
part, le Syndicat de la Magistrature (SM, gauche) a "dénoncé"
mercredi la décision du parquet de Paris de ne pas délivrer
de mandats d’arrêt contre les deux principaux suspects de l’assassinat
du juge Bernard Borrel en 1995 à Djibouti.

Dans un
communiqué, le SM "dénonce ce nouvel obstacle mis par les
autorités françaises à la manifestation de la vérité
dans cette affaire".
"Alors que cette affaire est en cours depuis près de 11 années,
le parquet considère la délivrance de ces mandats d’arrêt
comme prématurée", ironise le syndicat.

La juge
d’instruction parisienne Sophie Clément avait transmis jeudi dernier
au procureur de la République une demande de réquisition concernant
la délivrance de deux mandats d’arrêt visant Awalleh Guelleh
et Hamouda Hassan Adouani, deux repris de justice suspectés d’être
impliqués dans l’assassinat du juge.

La magistrate
souhaite notamment pouvoir comparer les empreintes génétiques
des deux suspects à celles, jusqu’alors inconnues, retrouvées
sur le short du magistrat assassiné. Mais les deux hommes sont actuellement
en fuite.
Mais pour le parquet de Paris, la délivrance des deux mandats d’arrêt
serait prématurée.

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Libération : Une promo Juge Bernard Borrel

Une histoire : une promo «Bernard-Borrel»
chez les élèves magistrats

QUOTIDIEN : Mercredi 27 septembre 2006 – 06:00

Les nouvelles recrues de l’Ecole nationale de la magistrature (ENM)
de Bordeaux ont choisi de baptiser leur promotion Bernard-Borrel, en hommage
à ce magistrat en poste à Djibouti et dont le cadavre a été
découvert, en partie carbonisé dans un ravin, en 1995. Longtemps,
c’est la thèse du suicide ­ défendue par les autorités
locales et confortée par la France ­ qui a prévalu.

Mais la
juge parisienne Sophie Clément a récemment prouvé qu’il
s’agit d’un assassinat, et son enquête se resserre autour des tueurs
et de leurs commanditaires. Aux derniers tours du scrutin lancé à
l’ENM, Bernard Borrel était en concurrence avec Raymond Depardon (pour
ses films sur la justice) et Pierre Desproges (avocat général
du Tribunal des flagrants délires). Les dernières promotions
s’appelaient Shirin Ebadi (avocate iranienne, prix Nobel de la paix) et Alfred
Dreyfus.

©
Libération

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Libération : Le Parquet opposé aux mandats

NOUVELOBS.COM
| 11.10.06 | 09:13

DJIBOUTI

Borrel : le parquet opposé aux mandats

Le parquet de Paris estime qu’il est prématuré de délivrer
des mandats d’arrêt contre les suspects de l’assassinat du juge.

Le parquet
de Paris estime qu’il n’y a pas lieu, en l’état du dossier, de délivrer
des mandats d’arrêt à l’encontre des deux principaux suspects
de l’assassinat du juge Bernard Borrel en 1995 à Djibouti, a annoncé
mardi 10 octobre le parquet de Paris.

La juge
d’instruction parisienne Sophie Clément, avait transmis jeudi 5 octobre
au procureur de la République une demande de réquisition concernant
la délivrance de deux mandats d’arrêt visant Awalleh Guelleh
et Hamouda Hassan Adouani, deux repris de justice suspectés d’être
impliqués dans l’assassinat du juge.

Le parquet
a pris ses réquisitions le 4 octobre et les a aussitôt transmises
à la magistrate qui est libre de les suivre ou non.

Me Olivier
Morice, avocat de la famille du juge Bernard Borrel a dénoncé
mardi "une obstruction systématique du parquet dans la recherche
de la vérité".

"Charges
accablantes"

"Le
parquet général de Versailles s’était déjà
opposé à la délivrance de mandats d’arrêt à
l’encontre du procureur et du chef des services secrets de Djibouti. Pourtant,
la cour d’appel a délivré ses mandats d’arrêt (pour une
éventuelle "subornation de témoins, ndlr)", rappelle
l’avocat.

"Il
y a dans ce dossier des charges accablantes contre les deux personnes mises
en cause par le juge d’instruction (deux repris de justice: Awalleh Guelleh
et Hamouda Hassan Adouani, ndlr) et Mme Borrel est confiante sur la décision
que prendra la juge Sophie Clément, magistrate indépendante
qui n’est pas tenue par les réquisitions du parquet", a-t-il conclu.

Pour l’heure,
la juge Clément n’a pas encore fait connaître sa décision
au parquet, a précisé une source judiciaire.

La magistrate
souhaite notamment pouvoir comparer les empreintes génétiques
des deux suspects à celles, jusqu’alors inconnues, retrouvées
sur le short du magistrat assassiné. Mais les deux hommes sont actuellement
en fuite.

Décision
prématurée

Pour le
parquet de Paris, la délivrance des deux mandats d’arrêt serait
prématurée.

Dans ses
réquisitions, il note que la juge Clément a mandaté en
juillet la gendarmerie pour effectuer des recherches afin d’obtenir l’ADN
des deux suspects.

Or, ces
investigations sont toujours en cours, note le parquet, pour qui il apparaît
souhaitable d’attendre le résultat des recherches et la confirmation
que l’ADN retrouvé sur le short du juge est bien celui des suspects,
avant de délivrer des mandats d’arrêt à leur encontre.

Le parquet
de Paris fait également valoir que des enquêteurs et militaires,
qui étaient en 1995 en poste à Djibouti et ont participé
aux premières constatations sur le lieux du crime et à la mise
en bière du corps, se sont récemment manifestés pour
dire que les empreintes génétiques retrouvées sur le
short du juge pourraient être les leurs.

Il apparaît
donc nécessaire de vérifier cela avant de délivrer des
mandats d’arrêt, explique le parquet de Paris qui a pris pour cela des
réquisitions supplétives pour permettre à la juge Clément
d’effectuer ces vérifications.