16/11/06 (B 369) Le Temps (Suisse) NATIONS UNIES. Un rapport explosif sur la table du Conseil de sécurité. (Info lecteur)

Vous
avez aimé l’Irak, l’Afghanistan ? Vous adorerez la Somalie.

Ce
pays martyr et déchiqueté de la Corne de l’Afrique est livré
depuis quinze ans, avec plus ou moins d’intensité, aux clans armés.
Le foyer purulent, qui s’est développé depuis quelque temps
en conflit régional, devient maintenant un nouveau lieu d’affrontement
entre un agglomérat pro-occidental et des forces islamiques qui se
radicalisent.

Un rapport
soumis vendredi au Conseil de sécurité des Nations unies (mais
dont le contenu a été révélé par l’agence
Reuters) affirme que l’intervention d’Etats et de groupes extérieurs
pousse inexorablement à la guerre. Pour la première fois, le
groupe d’experts chargé de vérifier le respect – en fait le
viol permanent – de l’embargo sur les armes voté en 1992 met en cause
l’Iran, la Syrie et le Hezbollah. Il affirme que 720 Somaliens ont participé
avec le mouvement chiite libanais à la guerre de cet été
contre Israël, en échange d’armes et de soutiens pour l’Union
des tribunaux islamiques (UTI), qui contrôle Mogadiscio, la capitale,
et la plupart des ports, dont Kismaayo depuis la fin septembre.

Les experts
des Nations unies sont basés à Nairobi. Leur chef est un Belge,
Bruno Schiemsky, son adjoint est Américain, Melvin Holt; un Kényan
s’occupe des questions maritimes, un Colombien des finances. Leur rapport
est d’une extraordinaire précision. Comment font-ils? Ils reçoivent,
entre autres, leurs informations des services de renseignement des quinze
Etats membres du Conseil de sécurité, dont certains sont plus
puissants et mieux organisés que d’autres.

Les
Etats-Unis, impuissants et humiliés (Black Hawk Down), ont retiré
en 1995 de Somalie les dernières troupes qui étaient venues
avec l’ONU pour tenter de pacifier le pays déchiré depuis la
chute du dictateur Siyad Barre.

Après
2001, redoutant que la région n’accueille une nouvelle base d’Al-Qaida,
ils ont fait de Djibouti leur plaque tournante dans la région. Leur
effort, en Somalie, s’est soldé en juin dernier par une défaite.
Les chefs de clan auxquels la CIA versaient de gros paquets de dollars ont
été chassés de Mogadiscio par la milice islamique.

L’Union
des tribunaux, qui se présentait comme le pacificateur de la capitale,
est soupçonnée par les Américains d’héberger des
lieutenants d’Oussama ben Laden organisateurs d’attentats.
L’UTI
est aujourd’hui dirigée par Hassan Dahir Awyes, dont le nom figure
sur les listes de terroristes dressées par l’ONU et par les Américains.

Après
juin, les forces de l’Union ont conquis une bonne partie de la côte.
Le gouvernement fédéral intérimaire, que les Nations
unies ont tenté de mettre en place, est toujours replié à
Baidoa, une ville de l’intérieur, malgré l’appui (armes, hommes)
que lui fournissent l’Ethiopie, l’Ouganda, le Yémen, tous plus ou moins
alliés des Etats-Unis. Les islamistes, eux, reçoivent l’essentiel
de leur armement de l’Erythrée, l’adversaire d’Addis-Abeba dans la
Corne.

La nouveauté
du rapport, c’est la mise en cause de l’Iran, de la Syrie, et du Hezbollah.
Damas est accusé comme d’autres (Egypte, Arabie saoudite, Libye, Algérie)
d’avoir violé l’embargo, mais aussi d’avoir accueilli, le 27 juillet,
200 combattants de l’UTI pour les entraîner. Téhéran,
selon les experts et leurs informateurs, a livré trois cargaisons d’armes
et de médicaments, dont l’une, le 25 juillet, a été reçue
sur un aéroport près de Mogadiscio, par le chef de la sécurité
de l’Union.

Plus
grave et plus étonnant: le rapport affirme qu’à la mi-octobre
deux Iraniens discutaient à Dusa Mareb, fief d’Hassan Awyes, l’exploitation
d’un gisement d’uranium en échange d’armes. Interrogés par les
experts, tous les Etats mis en cause ont démenti ou refusé de
répondre.

La dernière
précision sur l’uranium rappelle un peu l’histoire fabriquée
du yellow cake que les Irakiens, avant 2002, auraient cherché à
se procurer au Niger. Le rapport venu de Nairobi arrive sur la table du Conseil
de sécurité juste au moment où les Quinze, et d’abord
les membres permanents, discutent de possibles sanctions contre Téhéran
pour son insoumission nucléaire.