28/12/06 (B375) Journal l’Humanité : risque d’embrasement de la Corne de l’Afrique.

Somalie
. En bombardant deux aéroports somaliens, dont celui de Mogadiscio,
l’Éthiopie, soutenue par Washington, est officiellement en guerre
contre les islamistes somaliens.

Le conflit
qui oppose depuis plusieurs jours l’Éthiopie à l’Union
des tribunaux islamiques est entré dans une nouvelle phase. Hier, l’aviation
éthiopienne a bombardé deux aéroports, dont celui de
la capitale, Mogadiscio. Addis-Abeba a d’ailleurs reconnu être
entré en guerre contre les islamistes.

En fait,
c’est la crainte de voir Baïdoa, capitale du gouvernement fédéral
de transition assiégée depuis plusieurs jours par les forces
de l’Union des tribunaux islamistes (UTI), tomber entre les mains des
islamistes, qui a poussé l’Éthiopie à entrer en
guerre. L’UTI, en effet, contrôle 10 régions sur 11.

Addis-Abeba
n’a, en outre, jamais fait mystère de son soutien au gouvernement
fédéral de transition somalien, seule institution reconnue internationalement,
mais dont l’autorité se limite à Baïdoa et sa région.
Le 30 novembre, le parlement éthiopien votait une motion donnant le
feu vert au gouvernement pour prendre des mesures afin de « contrer
toute forme d’attaque et d’incursion en Éthiopie ».

Qui
plus est, l’entrée en guerre de l’Éthiopie bénéficie
du soutien américain.

Le 29
novembre, Washington avait tenté de faire adopter une résolution
par le Conseil de sécurité de l’ONU permettant une levée
partielle de l’embargo sur les armes en faveur du gouvernement fédéral
de transition somalien en lutte contre les islamistes. Et depuis, les États-Unis
ont donné leur aval à l’Éthiopie pour déployer
des moyens aériens à la frontière entre les deux pays.

Car, pour
Washington, qui avait en vain soutenu et armé des seigneurs de guerre
somaliens contre les Tribunaux islamiques, ces derniers ne sont qu’un
prolongement d’al Qaeda en Somalie. Et ce, en raison des relations qu’avait
eues, par le passé, le chef de l’UTI, Cheikh Hassan Dahit Aweys,
un salafiste djihadiste, avec Oussama Ben Laden lorsque ce dernier s’était
réfugié au Soudan.

TENSION
dans toute la région

Pour
l’heure, la question est de savoir si l’intervention militaire
éthiopienne ne fait pas l’affaire des djihadistes somaliens avec,
toutefois, ce risque d’embrasement de toute la Corne de l’Afrique.

S’estimant
en guerre sainte contre l’Éthiopie, bénéficiant
de surcroît du soutien de larges pans de la population pour le simple
fait d’avoir mis fin à la terreur sur fond de racket, que faisaient
régner les seigneurs de guerre à Mogadiscio et dans le reste
du pays, les islamistes somaliens ne manquent pas d’atouts.

Contre
l’ennemi « héréditaire » éthiopien,
ils bénéficient de l’appui de l’Érythrée
dont les relations avec son voisin éthiopien sont extrêmement
tendues malgré l’accord d’Alger de 1999.

Embarrassée,
la Ligue arabe – la Somalie en fait partie, tandis que l’Érythrée
est sur le point d’y adhérer – n’a rien trouvé de
mieux que d’appeler à la retenue.

Bien qu’officiellement
ils soutiennent le gouvernement fédéral transitoire somalien,
certains États de la Ligue arabe, en lutte avec leurs propres islamistes
et avec une opinion publique favorable aux Tribunaux islamiques, voient d’un
mauvais oeil l’intrusion de l’Éthiopie en Somalie. Égyptiens
et Saoudiens tentent de ramener les islamistes à la raison et de les
pousser vers un compromis avec le gouvernement transitoire soutenu par l’Éthiopie
et les États-Unis. Une issue à laquelle l’UTI n’est
pas opposée.

DES
MILLIERS DE VOLONTAIRES

Les tribunaux
islamiques, qui ont lancé un ultimatum à l’Éthiopie
pour retirer ses troupes, se disent prêts à négocier.
Mais depuis les raids de l’aviation éthiopienne, les islamistes
battent le rappel des troupes : plusieurs milliers de volontaires, hativement
entraînés, se dirigent vers Baïdoa, siège du gouvernement
transitoire somalien soutenu par Addis-Abeba. Alors que l’Érythrée,
qu’un différend frontalier oppose à l’Éthiopie,
se dit prête à toute éventualité.

Hassane
Zerrouky