01/01/07 (B376) Journal l’Humanité / L’islamisme a fait son nid dans les années soixante-dix. (Info lectrice)

Bien avant
la chute de Siad Barre en 1991, le mouvement, alors embryonnaire, a commencé
sa percée avant de donner naissance aux Tribunaux islamiques.

L’Union
des tribunaux islamiques, mouvance se revendiquant du salafisme, qui a dominé
la Somalie entre juin et décembre 2006, est la résultante d’une
islamisation antérieure à la guerre civile ayant ravagé
ce pays en 1991, année qui a vu la chute du régime de Siad Barre.
C’est durant les années 1970, après l’adhésion
de la Somalie à la Ligue des États arabes, que se créent
les premiers noyaux islamistes. En guerre pour le contrôle de l’Ogaden,
avec une Éthiopie dirigée par le dictateur Menguistu Haïlé
Mariam alors soutenu militairement par l’URSS et Cuba, le régime
« socialiste » de Siad Barre se tourne vers les pays du Golfe.

Grâce
à ces derniers, par le biais d’organisations caritatives liées
à la Ligue islamique mondiale – connue pour avoir financé les
Afghans arabes durant la guerre d’Afghanistan -, l’idéologie
salafiste pénètre dans un pays où l’islam soufi
était dominant. Regroupés au sein d’Al-Itihad al-islamiya
(l’union islamiste), les islamistes s’assurent pacifiquement le
contrôle de la plupart des ports somaliens, avant que le chef de guerre
Mohamed Ayyidid ne les en chasse. Défaits, les islamistes plongent
dans la clandestinité et choisissent, par le biais de l’organisation
Al-Islah, de réislamiser la société somalienne.

Et pendant
que le pays est livré à l’anarchie et aux seigneurs de
guerre, Al-Islah travaille la société somalienne. Se dotant
d’une banque, Al Baraka, financée par les pays du Golfe, et avec
l’appui du Soudan de Hassan Tourabi, alors idéologue en chef
de la mouvance islamiste transnationale, les islamistes somaliens se donnent
les moyens de leur politique. Bien que les avoirs d’Al Baraka aient
été gelés par Washington après septembre 2001,
elle a eu le temps de financer l’activisme salafiste en Somalie et ailleurs
(1).

Car entre-temps,
notamment entre 1993 et 1995 (période où Washington est intervenu
militairement en Somalie, mais aussi période de grande famine), les
aides apportées par les ONG islamistes, financées par les pays
du Golfe via Al Baraka, ont permis une avancée notable des islamistes
jusque-là confinés à l’université de Mogadiscio.
Et c’est durant cette période que les islamistes mettent sur
pied les premiers groupes de combattants (dont une partie ont fait le coup
de feu en Afghanistan contre les Soviétiques) ainsi que les premiers
tribunaux islamiques.

En accord
avec certains chefs de guerre somaliens et sous l’égide d’Al-Islah,
les tribunaux islamiques ont ainsi vu le jour en 1994 dans le sud de Mogadiscio
et l’arrière-pays somalien. À l’origine, ils étaient
dominés par des religieux conservateurs avant d’être pris
en main par les salafistes. Ces derniers, soutenus par les commerçants
de la capitale en butte au racket des seigneurs de guerre, s’apercevant
que sans police leur autorité ne pouvait s’exercer, ont mis sur
pied les premières milices armées, avant de tisser leur toile
et d’unifier leurs forces en les transformant en une redoutable armée,
l’Union des tribunaux islamiques, dirigée par un enseignant âgé
de quarante-six ans, Cheikh Ahmed Sharif.

(1)
Sur le financement des mouvements islamistes, lire la Nébuleuse islamiste
en France et en Algérie, de Hassane Zerrouky. Éditions Calmann-Lévy,
Paris 2002

H.
Z.