01/01/07 (B376) Journal l’Humanité / La Somalie menacée d’irakisation. (Info lectrice)

Mogadiscio
. La capitale est tombée entre les mains des « loyalistes »,
soutenus par l’Éthiopie. Les islamistes n’ont pas dit leur
dernier mot. Le syndrome irakien plane sur le pays.

Le
« repli tactique »

annoncé
en grande pompe par le chef de l’exécutif du conseil suprême
des Tribunaux islamiques, Cheikh Sharif Ahmed, a tourné à la
déroute après une semaine de combats. Lors de sa dernière
apparition, mardi soir, sur la chaîne qatarienne, Al Djazira, il a annoncé
avoir donné l’ordre d’évacuer Mogadiscio, qui était
à portée de canons depuis mardi soir. En effet, les forces de
l’Union des tribunaux islamistes (UTI) se sont retirées jeudi
matin de la capitale, préférant sans doute éviter un
combat frontal avec les forces loyalistes soutenues par l’armée
éthiopienne. Celles-ci encerclent Mogadiscio sur au moins trois fronts
après s’être assurées du contrôle de Balat
et d’Afgoye, derniers verrous sur la route de la capitale.

«
AVEC DES FLEURS »

Dans la
capitale somalienne, des miliciens fidèles au gouvernement de transition
affirment avoir pris le contrôle de plusieurs bâtiments publics
ainsi que le port et l’aéroport. Autrement dit, Mogadiscio, déserté
par les islamistes, est pratiquement tombé sans combats. « Nos
forces contrôlent déjà de fait Mogadiscio, car nous avons
pris les deux points de contrôle des principales routes desservant la
ville.

D’ici
deux à trois heures, nous nous emparerons de toute la ville »,
déclarait tôt dans la matinée d’hier, Abderahman
Dinari, porte-parole du gouvernement de transition. Et de fait, en fin de
matinée les forces loyalistes ont pénétré sans
résistance dans une capitale qui aurait, selon des témoins cités
par les agences, accueilli leurs libérateurs « avec des fleurs
».

«
Les chefs de l’Union des tribunaux islamistes, les Érythréens
et les djihadistes internationaux sont en train de fuir (…), mais nous continuerons
à les pourchasser, c’est notre plan », a déclaré
triomphalement le premier ministre éthiopien, Méles Zinawi.

Il a appelé
le gouvernement de transition à collaborer avec les chefs des milices
présents dans la capitale afin d’éviter qu’elle
ne sombre dans le chaos. « Le gouvernement fédéral ne
devrait pas tolérer l’influence des chefs de guerre »,
a ajouté le premier ministre éthiopien. « Nous sommes
déjà dans Mogadiscio, dans plusieurs secteurs », a déclaré
à la presse Ali Mohamed Gedi, premier ministre du gouvernement fédéral
de transition somalien, peu avant de rencontrer des chefs coutumiers à
Afgoye, avant d’ajouter : « Je veux organiser la coordination
des forces (gouvernementales) avec les responsables (locaux) pour contrôler
Mogadiscio. »

Cette
guerre éclair ressemble à s’y méprendre à
celle des forces américaines contre l’armée de Saddam.
Car tout le problème est là : la déroute des islamistes
ne signifie nullement qu’ils ont définitivement abandonné
la partie (voir l’Humanité du mardi 26 décembre). À
l’instar de l’Irak, le pire est à redouter. En effet, le
plus difficile est de tenir une capitale où les islamistes ont tout
de même réussi à rétablir la sécurité
et mis fin, sur fond de charia, aux divisions claniques et, partant, à
la terreur – assassinats, racket… – qu’exerçaient les seigneurs
de guerre sur la population.

Et, sans
attendre, pillages et vols commis par des miliciens pro-gouvernementaux ont
repris. En plus du retour redouté des chefs de guerre, le risque d’une
résurgence des divisions claniques n’est pas à exclure,
notamment entre les clans Hawiyé (20 % de la population et base sociale
des islamistes), Haber Gidir et autres clans plus ou moins liés aux
seigneurs de guerre, et cela bien que la Somalie soit ethniquement homogène
(de souche chamito-sémitique à plus de 80 %).

Pour l’heure,
si l’UTI, défait par les troupes loyalistes appuyées par
l’armée éthiopienne et contraint d’abandonner avec
armes et bagages la capitale somalienne, semble accuser le coup, chacun sait
que la situation est extrêmement fragile et que les islamistes ne tarderont
pas à revenir vers le devant de la scène. Le plus dur est à
venir.

Hassane
Zerrouky