23/01/07 (B379) LIBERATION / Somalie : le numéro 2 des Tribunaux se rend (Info lectrice)

Traqué
depuis fin décembre, le cheikh Chérif Ahmed s’est livré
aux autorités kényanes.

Par Christophe AYAD

Sa dernière apparition publique remontait à la toute fin décembre,
juste avant la chute de Kismayo. Depuis la chute du grand port du sud de la
Somalie, personne n’avait revu le cheikh Chérif Ahmed, le numéro
2 des Tribunaux islamiques, fuyant les troupes éthiopiennes et somaliennes
lancées à ses trousses. La traque s’était poursuivie
jusqu’à la frontière somalo-kényane, où l’aviation
de guerre américaine a même bombardé les combattants islamistes,
les accusant d’abriter des membres d’Al-Qaeda, impliqués dans les attentats
de Nairobi et Dar es-Salaam en 1998 et de Mombasa en 2002.

Cheikh
Chérif Ahmed est réapparu hier à Nairobi, où il
s’est rendu aux autorités kenyanes. Selon des diplomates, il est en
garde à vue, sous la protection des forces de sécurité
dans un hôtel de Nairobi. Il a été arrêté,
avec trois autres Somaliens, au poste frontière de Hulugho.

Céder.

Le cheikh
Chérif Ahmed, qui occupait le poste de chef du conseil exécutif
de l’Union des tribunaux islamiques, est un ancien professeur de géographie,
modéré et issu du soufisme. Jusqu’à la prise de Mogadiscio
en juin dernier, il a été la principale figure publique du mouvement,
avant de céder la place à Hassan Dahir Aweys, vieux routier
de l’islamisme somalien, nettement plus politisé et radical. Mais,
lorsqu’il s’agissait d’appeler au jihad contre «l’envahisseur éthiopien»
, kalachnikov à la main, le cheikh Chérif n’était pas
en reste.

Sa reddition
va relancer les pressions en faveur d’un dialogue national en Somalie, dont
le gouvernement fédéral de transition semble ne pas vouloir.
Jusqu’à présent, c’est plutôt une attitude revancharde
qui l’a emporté, avec notamment la destitution expéditive du
président du Parlement, Chérif Hassan Adan, qui avait eu la
mauvaise idée de rejoindre les islamistes à Mogadiscio, au plus
fort de la confrontation avec le gouvernement basé à Baidoa.

Pourtant,
le lendemain de la prise de Mogadiscio, les clans et la société
civile de la capitale avaient insisté auprès du président
Abdallah Yusuf pour qu’il n’y ait pas de chasse aux sorcières contre
les islamistes, du moins les modérés. Les habitants de Mogadiscio
savent gré aux islamistes d’avoir rétabli la sécurité
et un embryon d’Etat, pendant les sept mois de leur règne. Leur relative
sympathie envers les Tribunaux islamiques s’explique aussi par les affiliations
claniques : les dirigeants islamistes comptaient nombre de membres du puissant
sous-clan Habr Gedir Aer, particulièrement mal représenté
au sein du gouvernement fédéral de transition, considéré
par une partie des habitants de Mogadiscio, surtout ceux du sud de la ville,
comme «étranger».

Embuscades.

Ces réticences
s’expriment de plus en plus, notamment par la multiplication d’embuscades
contre les troupes éthiopiennes. Hier, au moins quatre civils ont été
tués lors d’échanges de tirs entre soldats somaliens éthiopiens
et assaillants non identifiés, après une opération de
ratissage visant à trouver des armes.

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