05/04/07 (B389) Nouvel Obs : Somalie / Mogadiscio, nouveau front des djihadistes… (Info lectrice)

Les
troupes éthiopiennes gagneront probablement la bataille de Mogadiscio,
mais celle-ci signe l’échec de leur intervention en Somalie.

Fin décembre 2006, les « anciens » des clans dominants
de la capitale avaient obtenu des milices des tribunaux islamiques qu’elles
s’inclinent face au blitzkrieg éthiopien pour épargner Mogadiscio.
Les miliciens s’étaient alors fondus dans la population. Addis-Abeba,
triomphant, annonçait son retrait «dans les deux semaines»
et l’implantation générale du gouvernement fédéral
transitoire, avec l’appui d’une force d’intervention de l’Union africaine.

Sans légitimité – hormis celle que la communauté internationale
lui accorde – et incapable d’administrer et de maintenir un semblant d’ordre,
que seuls les tribunaux avaient réussi à établir, le
gouvernement a pourtant ostracisé les chefs modérés des
tribunaux et surtout leur clan d’origine, dominant à Mogadiscio.

Il a ainsi fini par coaliser contre lui, autour des milices islamiques, celles
des clans et des anciens seigneurs de guerre, unies par le nationalisme somalien
dont l’Ethiopie est l’ennemi séculaire. Pour sauver le gouvernement
assailli, les troupes éthiopiennes ont dû mener l’assaut, d’autant
que le premier contingent de la force africaine, composé de 1 200 Ougandais,
restait l’arme au pied.

Résultat : en engageant ses forces l’armée éthiopienne
a commis à Mogadiscio le pire massacre de civils depuis quinze ans.
Aujourd’hui, la haine des «infidèles» – l’Ethiopie étant
perçue comme chrétienne – règne à Mogadiscio et
gagne bien au-delà.

«Les Ethiopiens, note un observateur, ont prétendu combattre
un monstre islamique» pour « vendre » leur intervention
à leur allié américain, alors qu’elle n’avait qu’un but
: priver leur opposition intérieure, plus ou moins armée, d’une
base arrière en Somalie. «Ils ont fini par créer ce monstre»:
après l’Afghanistan et l’Irak, l’extrémisme islamiste a maintenant
un boulevard pour ouvrir un troisième front en Somalie.

René
Lefort
Le Nouvel Observateur