07/04/07 (B390) RFI : Mogadiscio entre guerre et paix. (Info lectrice)

Dans
les rues de Mogadiscio, des volontaires du Croissant-Rouge recueillent les
corps des victimes des derniers affrontements.

Après quatre jours de violents combats, un calme fragile semble être
revenu à Mogadiscio. Alors que le gouvernement de transition se prépare
à une prochaine conférence de réconciliation, prévue
pour la mi-avril, les organisations internationales s’interrogent sur les
méthodes employées par Addis-Abeba, en charge de l’improbable
mission de stabilisation du pays et de sa capitale.

«De quelque côté que partiront les balles, nous répliquerons
par des bombardements». Le président de transition somalien,
Abdullahi Youssouf Ahmed, ne mâche pas ses mots au micro de la radio
Hornafrik, à Mogadiscio.

Trois
mois après avoir mis en déroute les troupes de l’Union
des tribunaux islamiques, avec le soutien de l’armée éthiopienne,
Abdullahi Youssouf Ahmed a conservé tout son aplomb lorsqu’il
évoque sa stratégie de pacification de la capitale. Ne parvenant
pas à des solutions négociées avec les miliciens, présentés
comme les «restes» de l’Union des tribunaux islamiques,
chassée en décembre dernier, c’est à l’artillerie
lourde qu’il fait appel.

Après
quatre jours de violents combats où l’aviation éthiopienne
est intervenue, la communauté internationale s’interroge, aujourd’hui,
sur la méthode choisie par le président somalien et ses alliés
pour préparer la conférence de réconciliation nationale,
prévue pour le 16 avril.

Offensive
ou carnage ?

Plusieurs
témoignages sont parvenus à Nairobi, accusant les troupes éthiopiennes
et somaliennes d’avoir attaqué massivement des quartiers populaires
et reprochant aux soldats ougandais de l’Union africaine, arrivés
il y a un mois, de ne pas être intervenus.

L’armée
éthiopienne, qui menait une offensive dans le quartier du stade principal
de Mogadiscio, aurait paniqué après que ses soldats eurent été
cernés par des miliciens. Elle aurait répliqué par le
bombardement de toute la zone. Un hôpital aurait été également
touché.

Le chef
de la délégation de l’Union européenne à
Nairobi a annoncé la création d’une commission d’enquête
sur les derniers événements à Mogadiscio, en précisant
que les faits «seraient examinés avec prudence».

Pour l’armée
éthiopienne, le bilan s’établirait à 200 rebelles
tués. Il y a 1 mort et 5 blessés dans les rangs des Ougandais
de l’Union africaine.

Les
habitants de Mogadiscio parlent de «carnage», avec près
de 300 civils tués et plusieurs centaines de blessés.

Bien qu’un
cessez-le-feu tacite semble s’être installé depuis le 1er
avril entre les miliciens et l’armée éthiopienne, la population
n’est pas pour autant rassurée sur la capacité du gouvernement
de transition à contrôler la situation.

Les troupes
burundaises de l’Union africaine, annoncées pour le mois d’avril,
ne semblent toujours pas prêtes à prendre le relais. L’Éthiopie
a envoyé des renforts.

Des
prisonniers au secret à Addis-Abeba

Une
autre affaire est venue entacher, ces derniers jours, le rôle des Éthiopiens
en Somalie et l’utilisation qu’en fait Washington dans sa lutte
contre le terrorisme dans la Corne de l’Afrique.

Les soldats
éthiopiens auraient arrêté plusieurs personnes en Somalie
et les auraient conduites à Addis-Abeba où elles sont détenues
au secret.

Par ailleurs,
les autorités kenyanes auraient également remis plusieurs dizaines
de Somaliens, soupçonnés d’être des alliés
des Tribunaux islamiques. Interceptés à la frontière
avec le Kenya, certains ont été envoyés directement à
Addis-Abeba, et d’autres, d’abord à Mogadiscio, où
un vol militaire les auraient ensuite conduits en Éthiopie.

L’association
Human Rights Watch, qui rappelle que l’Éthiopie est loin d’être
un modèle en ce qui concerne les droits de l’homme et le traitement
des prisonniers, parle de 85 à 150 personnes. Elles seraient actuellement
détenues dans trois prisons des environs d’Addis-Abeba.

Parmi
ces prisonniers, il y aurait des ressortissants de 18 nationalités
différentes (l’Etat somalien n’existant plus depuis le
31 janvier 1991, les Somaliens n’ont plus de papiers d’identité
ou de passeport nationaux). Ils ont tous été soumis à
des interrogatoires par des agents américains.

La question
de la légalité de ces transferts a été aussitôt
soulevée, mais il semble que la communauté internationale ait
atteint un certain consensus sur la façon de lutter contre le terrorisme
dans cette région de l’Afrique, comme l’exprimait, ce jeudi,
la secrétaire d’État adjointe américaine, Jendayi
Frazer, spécialiste des affaires de sécurité internationale
: «Il est clair qu’il y avait des jihadistes internationaux opérant
à Mogadiscio, je pense que tous les acteurs régionaux ont compris
le signal d’alarme et sont prêts à isoler les extrémistes
et intensifier les efforts pour la paix». La diplomate participait à
une réunion du groupe de contact international sur la Somalie au Caire.

Pour l’instant, un seul terroriste somalien, Abdul Malik, qui aurait reconnu
sa participation dans l’attentat contre un hôtel de la côte kenyane,
lequel avait fait 16 morts et 80 blessés, et dans la tentative d’attentat
contre un avion d’une compagnie de charter israélienne -des faits remontant
à novembre 2002- a été transféré de Nairobi
à la prison de Guantanamo, sur l’île de Cuba.