15/04/07 (B391) TUNIS HEBDO : 13 ANS APRÈS / Les Américains de retour en Somalie

Une responsable
du département d’Etat s’est rendue samedi en Somalie afin d’engager
le gouvernement intérimaire à établir un cessez-le-feu
durable pour ouvrir la voie à une conférence de réconciliation
menacée par les violences à Mogadiscio.

Jendayi Frazer, secrétaire d’Etat adjointe chargée des affaires
africaines, est le plus haut diplomate américain à effectuer
une visite en Somalie depuis 1994.

Elle a rencontré le chef de l’Etat somalien, Abdullahi Yusuf, et le
Premier ministre Ali Mohamed Gedi avant de s’adresser au Parlement.

La visite de Frazer intervient au sixième jour d’une trêve fragile
dont la conclusion a mis fin à certains des combats les plus violents
qu’ait connus Mogadiscio depuis quinze ans.

Les affrontements avaient éclaté à l’occasion d’une offensive
lancée par les troupes gouvernementales et leurs alliés éthiopiens
pour mettre fin à une insurrection persistante avant la tenue d’une
conférence de réconciliation nationale fixée au 16 avril.

Frazer a déclaré aux journalistes à Baidoa qu’elle venait
demander à toutes les parties de « mettre fin aux violences dès
maintenant et de mettre en place un mécanisme de cessez-le-feu permanent.

Entre le 29 mars et le 1er avril, l’offensive somalo-éthiopienne a
entraîné la démolition de quartiers entiers visés
par les tirs de chars et d’artillerie parce qu’ils servaient de refuge aux
éléments insurrectionnels. Les combats ont fait au moins 400
morts et un millier de blessés.

Le gouvernement intérimaire doit mettre en route le processus de réconciliation
pour qu’un gouvernement d’union nationale, une Constitution et des forces
de sécurité soient mis en place d’ici aux élections prévues
en 2009, année où s’achèvera le mandat de l’administration
actuelle, a dit Frazer.

Bien que la semaine écoulée n’ait connu que des tirs sporadiques
– ce qui constitue la norme à Mogadiscio -, rares sont ceux qui s’attendent
à voir s’améliorer la situation d’ici à l’ouverture de
la conférence. Celle-ci est censée permettre de rassembler tous
les secteurs de la société somalienne.

Les diplomates voient dans cette réunion l’unique chance du gouvernement
d’acquérir la légitimité et la représentativité
nécessaires pour diriger un pays livré à l’anarchie depuis
l’éviction du président Mohamed Siad Barré en 1991.

Frazer a également dit que Washington soupçonnait toujours la
présence en Somalie de trois membres importants d’Al Qaïda et
de trois de leurs collaborateurs somaliens. « Malheureusement, la Somalie
est devenue un havre pour les terroristes, et la milice al Shabaab a participé
aux derniers combats à Mogadiscio », a-t-elle dit avant de repartir
pour Nairobi, la capitale kenyane.

La milice Shabaab est un groupe de combat redouté qui a pour commandant
Adan Hashi Ayro, chef du mouvement islamiste mis en déroute par les
troupes somalo-éthiopiennes en deux semaines de guerre au tournant
de l’année, avec un appui aérien limité des Etats-Unis.

Les attaques lancées par les islamistes et des combattants affiliés
au clan Hawiye, le plus important de la ville, ainsi que les ripostes gouvernementales,
ont fait fuir 124.000 habitants – le dixième de la population de Mogadiscio
– depuis février.

Crimes de guerre à Mogadiscio

Les bombardements tous azimuts de la semaine dernière ont amené
l’Union européenne à enquêter sur d’éventuels crimes
de guerre imputables aux soldats éthiopiens et somaliens, voire aux
soldats ougandais de l’Union africaine qui ne s’y sont pas opposés.

Les forces somaliennes et éthiopiennes auraient commis des crimes de
guerre pendant leur récente offensive à Mogadiscio, a mis en
garde un haut responsable de la sécurité de l’Union européenne
dans un courriel au responsable de l’UE pour le Kenya et la Somalie.

Ce message, adressé à Eric van der Linden et dont l’authenticité
a été confirmée par ces responsables, provient d’un auteur
digne de foi et occupant un poste important, dont l’identité n’a pas
été révélée.

Il écrit avoir « de fortes raisons de penser que le gouvernement
éthiopiens, le gouvernement fédéral de transition somalien
et le commandant de la force de l’Union africaine (…) ont par commission
ou omission violé le statut de Rome de la Cour pénale internationale
(CPI) », chargée de juger les crimes de guerre et crimes contre
l’humanité.

Selon l’auteur de ce courrier, ces violations présumées comprennent
des attaques dirigées intentionnellement contre des civils ainsi que
des déplacements de population. Elle posent la question de la « responsabilité
et complicité potentielle » de la Commission européenne,
un des principaux financiers du gouvernement somalien de transition ainsi
que l’actuelle mission africaine de maintien de la paix déployée
en Somalie.

T.H