20/04/07 (B392-A) NOUVELOBS.COM – Les syndicats de magistrats expliquent les perquisitions

La
perquisition vendredi à la Chancellerie après celle du Quai
d’Orsay jeudi est la preuve que les juges d’instruction veulent savoir qui
a fait obstacle à la manifestation de la vérité, estiment
les syndicats de magistrats.

La perquisition vendredi 20 avril à la Chancellerie après celle
du Quai d’Orsay jeudi, dans le dossier du juge Borrel, est la preuve que les
juges d’instruction veulent savoir qui a fait obstacle à la manifestation
de la vérité et travaillent indépendamment du calendrier
électoral, ont estimé les syndicats de magistrats.

Selon Natacha Rateau, vice-présidente du SM, l’objectif des
juges qui ont mené deux perquisitions aux ministères des Affaires
étrangères et de la Justice, en 48 heures était de « trouver
les documents qui les intéressaient pour savoir qui a bloqué
l’affaire Borrel (..) et de savoir qui a fait obstacle à la manifestation
de la vérité ».

Il s’agit de « savoir d’où viennent les fuites, d’où
vient le blocage », a-t-elle ajouté, alors que « dans cette
affaire il y a des versions totalement différentes entre le Quai d’Orsay
et l’ancienne Chancellerie », de l’époque où Dominique Perben
était garde des Sceaux.

Les juges enquêtent plus particulièrement sur le processus de
décision ayant mené début 2005 à une déclaration
officielle du Quai d’Orsay, assurant qu’une copie du dossier d’instruction
relatif au décès du juge Borrel mort en 1995 à Djibouti,
serait « prochainement transmise à la justice djiboutienne ».

Ministère
des affaires étrangères ou de la justice

La justice
djiboutienne avait conclu au suicide du magistrat, détaché comme
conseiller du ministre djiboutien de la Justice, retrouvé mort en 1995,
le corps à demi-calciné, au pied d’un ravin. De son côté,
l’enquête française privilégie la thèse d’un assassinat.
La responsabilité présumée du président djiboutien
et de membres de son entourage a été évoquée par
plusieurs témoins.

« Jusqu’à maintenant (…) on pensait
que la protection venait du Quai d’Orsay, et puis les dernières déclarations
de certains fonctionnaires font penser que le blocage venait plutôt
de la Place Vendôme », siège de la Chancellerie, a poursuivi
Natacha Rateau, vice-présidente du SM.

Selon elle, « ça serait à la rigueur encore
plus grave » que ce soit « la direction de l’administration de la
justice, le cabinet de l’ancien garde (des Sceaux) » qui ait fait obstacle
à la manifestation de la vérité.

« C’est une preuve d’indépendance de perquisitionner à la
Chancellerie, ça c’est clair », ajoute encore Natacha Rateau.

Indépendance
de la justice

En outre,
Natacha Rateau a jugé que ces perquisitions sont « la preuve de
l’indépendance de la justice ». « Que des magistrats indépendants
viennent investiguer dans une administration qui dépend de l’exécutif,
c’est tout à fait normal, ça prouve l’indépendance. Pourquoi
s’arrêteraient-ils au seuil de la Chancellerie s’il y a des documents
qu’on ne leur a pas fournis? », s’est interrogé Natacha Rateau.

« Juridiquement rien n’empêche une perquisition à la Chancellerie
qui est une administration comme les autres et les juges d’instruction ne
sont pas soumis au pouvoir hiérarchique du garde des Sceaux »,
a-t-elle ajouté.

Bruno Thouzellier président de l’Union syndicale des magistrats (USM,
majoritaire) a déclaré : « Ca n’est pas parce qu’on est
en pleine campagne présidentielle, à deux jours du premier tour,
que la justice devrait s’arrêter de fonctionner ». Il a ajouté
: « Le calendrier électoral, jusqu’à preuve du contraire,
dans une affaire pénale, n’a pas à interférer avec le
fonctionnement normal de la justice ».

« Ce qui serait un signe désastreux, ça serait que
les magistrats ne puissent même plus faire leur travail dès lors
qu’un ministère est en cause (..) ça voudrait dire que l’Etat
et ses plus hauts serviteurs sont au-dessus des lois, ça serait une
régression très inquiétante pour l’Etat de droit »,
a aussi déclaré Bruno Thouzellier.