22/04/07 (B392-A) REUTERS Mogadiscio renoue avec les combats et l’exode

MOGADISCIO
(Reuters) – Les bombardements se poursuivent à Mogadiscio, faisant
de nombreuses victimes et forçant des centaines de personnes à
fuir la capitale somalienne, confrontée à son plus grave exode
depuis la chute de Siad Barré en 1991.

« Il y a de nombreux morts. Moi-même,
je transporte dans ma voiture les corps de deux membres d’une même famille »,

a raconté à Reuters un habitant de la ville. Le bilan de la
journée s’élèverait à au moins 73 morts, selon
les témoignages.

La veille au soir, l’ONG somalienne Elman faisait état de 131 morts
depuis le début de cette nouvelle flambée de violence, mercredi.

A la fin mars, quatre jours de violents affrontements entre les forces gouvernementales
et leurs alliés éthiopiens d’un côté, insurgés
islamistes et miliciens claniques de l’autre, avaient fait un millier de morts.

Selon les Nations unies, 321.000 personnes – près du tiers de la population
de la capitale – ont fui la ville depuis février et les organisations
non gouvernementales évoquent une catastrophe humanitaire.

Mogadiscio, théâtre de bombardements incessants dont les détonations
se mêlaient à l’orage, a vécu une nuit de cauchemar. « Pendant
un moment, on ne faisait plus la différence. Mes vitres tremblaient »,
a rapporté un correspondant de Reuters sur place joint par téléphone,
alors que les déflagrations continuaient à retentir.

Plusieurs obus de mortiers, provenant – semble-t-il – de positions éthiopiennes,
se sont abattus samedi matin sur le siège de la chaîne de télévision
privée HornAfrik, faisant plusieurs blessés parmi les journalistes.

« Nous sommes en état de choc. Je ne vois pas quand ça va
s’achever », se désespère Ali Haji, un habitant qui a pris
soin d’évacuer sa famille, le mois dernier, pour revenir seul dans
la capitale veiller sur sa maison et ses biens.

« J’AI PERDU TOUT ESPOIR »

« J’en ai assez. J’abandonne la maison.
Je suis pris entre deux groupes: les Ethiopiens essayent de me tuer parce
que je suis somalien et les insurgés sont mécontents parce que
je n’ai pas pris les armes pour combattre avec eux.
J’ai perdu
tout espoir », se lamente-t-il.

« Nous sommes pris sous d’intenses bombardements. Quinze obus sont tombés
sur le voisinage dans la dernière heure », rapporte un autre habitant
de la capitale, dans le quartier de Towfiq.

Un cimetière a même été pris pour cible et de nombreuses
victimes sont inhumées en bord de route. Des secteurs entiers de la
capitale, portant les stigmates des affrontements, sont déserts.

L’hôpital Madina, seul centre de soins encore actif, fait face à
un énorme afflux de blessés dont les cris emplissent les couloirs.
S’y rendre suppose pourtant de braver explosions et balles perdues.

Barricadés derrière des sacs de sable ou parcourant les rues
à tombeau ouvert à bord de pick-up surmontés de mitrailleuses,
les insurgés font face aux assauts des troupes éthiopiennes,
dont les blindés tentent des incursions dans leurs bastions.

Les voies menant aux bases militaires ont été fermées
à la circulation après l’attentat suicide commis jeudi par un
activiste islamiste contre une ancienne prison désormais utilisée
par les forces éthiopiennes. Leur intervention a mis fin en décembre
au bref règne de l’Union des tribunaux islamiques sur la capitale somalienne.

Le président somalien Abdoullahi Youssouf a minimisé vendredi
cette nouvelle flambée de violence.

Le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, déclare
pour sa part dans un nouveau rapport remis au Conseil de sécurité
qu’une « coalition de bonne volonté » pourrait être nécessaire
pour imposer la paix en Somalie.

Il invite le Conseil de sécurité à examiner en juin l’envoi
d’une force conventionnelle de maintien de la paix. Le rapport, rendu public
vendredi, fera l’objet de discussions au Conseil de sécurité
mardi prochain.