02/05/07 (B393-B) CYBERPRESSE AVEC AFP : Affaire Borrel: les juges tentent une perquisition à la présidence française

Benjamin
Sportouch
Agence France-Presse

Deux magistrates françaises ont requis
mercredi l’autorité militaire pour pouvoir perquisitionner au palais
présidentiel de l’Elysée, dont elle se sont vu refuser l’accès
dans le cadre d’une enquête liée à la mort suspecte en
1995 d’un juge français, Bernard Borrel, à Djibouti.

Les deux magistrates souhaitaient perquisitionner la «cellule Afrique»
à la présidence française qui regroupe des collaborateurs
du chef de l’État chargés de veiller sur les intérêts
de la France en Afrique.

Elles instruisent une plainte avec constitution de partie civile d’Elisabeth
Borrel, la veuve du juge, dénonçant «des pressions sur
la justice» dans l’enquête sur le décès de son mari.

Le juge Borrel avait été retrouvé mort en 1995 à
Djibouti, le corps à demi-calciné, au pied d’un ravin. L’enquête
locale a conclu à un suicide mais celle menée par la justice
française, au cours de laquelle des mandats d’arrêt ont été
délivrés en 2006 contre le procureur et le chef des services
secrets de Djibouti pour une présumée «subornation de
témoins», privilégie la thèse d’un assassinat.

Bloquées dans un sas d’entrée à l’Elysée,
les juges ont requis l’autorité du gouverneur militaire de Paris, estimant
qu’il pouvait les autoriser à mener leur perquisition. Selon une source
militaire, il n’a cependant pas cette compétence.

L’Elysée est une enceinte militaire protégée par la Garde
Républicaine. Le code de procédure pénale stipule qu’«un
juge d’instruction» doit adresser préalablement «à
l’autorité militaire des réquisitions» motivées.

Peu avant midi, la présidence a annoncé avoir refusé
la perquisition, invoquant un article de la Constitution sur le statut juridique
du chef de l’État, selon lequel «le Président de la République
n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité».

La tentative de perquisition, à quatre jours du second tour de la présidentielle,
apparaît comme une manifestation d’indépendance des juges dans
un dossier sensible.

«Il est inadmissible que, dans une démocratie comme la nôtre,
on tente d’empêcher une perquisition à l’Elysée et qu’il
faille requérir le gouverneur militaire, c’est à ma connaissance
du jamais vu», a déclaré l’avocat de la veuve du juge
Borrel, Me Olivier Morice.

Les syndicats de magistrats ont dénoncé le refus opposé
à leur tentative de perquisition. Le ministère de la Justice
n’a pas souhaité commenter ce refus.

Des perquisitions dans deux ministères ont déjà eu lieu
dans cette affaire: au ministère des affaires étrangères
le 19 avril puis au ministère de de la Justice le lendemain.

La plainte de Mme Borrel sur de présumées pressions politiques
vise une déclaration de l’ancien porte-parole du quai d’Orsay, Hervé
Ladsous, qui avait assuré le 29 janvier 2005 qu’une copie du dossier
d’instruction relatif au décès du juge Borrel serait «prochainement
transmise à la justice djiboutienne», qui en avait fait la demande.

Cette déclaration intervenait avant que la juge Sophie Clément,
en charge de l’enquête et donc seule habilitée à transmettre
son dossier, ne se prononce. Elle refusera d’ailleurs cette transmission,
estimant qu’elle avait «pour unique but de prendre connaissance (…)
de pièces mettant en cause le procureur de Djibouti».

La responsabilité présumée du président
djiboutien et de membres de son entourage a été évoquée
par des témoins lors de l’enquête sur la mort du juge.

Cette affaire a tendu les relations entre Paris et son ancienne colonie, qui
abrite la principale base militaire française à l’étranger.