02/05/07 (B393-B) LILLE (AFP) – Jugée en diffamation sur plainte de Mme Marie-Paule Moracchini, une ancienne présidente du Syndicat de la magistrature persiste.

Anne
Crenier, une ancienne présidente du Syndicat de la magistrature (SM),
a assumé mercredi au premier jour de son procès en diffamation
à Lille ses propos sur la « partialité » de la juge
Marie-Paule Moracchini dans deux affaires qu’elle a instruites, dont celle
de la mort du juge Borrel.

Dans un
entretien à la revue catholique Golias paru en septembre 2000 intitulé
« La présidente du syndicat de la magistrature dénonce la
partialité de la juge Moracchini », Mme Crenier reprochait à
la juge d’instruction en poste à Paris ses méthodes de travail
dans l’instruction sur la mort du juge Bernard Borrel en 1995 à Djibouti,
et dans une deuxième affaire visant un ancien substitut au parquet
de Toulon, Albert Levy.

Elle est
poursuivie au côté du journaliste de Golias Medhi Ba pour complicité
de diffamation, tandis que le directeur de la publication Luc Terras comparaît
pour diffamation.

A la barre,
Anne Crenier a assumé ses propos et justifié sa position, estimant
que Mme Moracchini était « sortie des clous » au cours de son
instruction dans l’affaire visant M. Levy.

Celui-ci,
poursuivi à partir de 1998 pour violation du secret de l’instruction
dans une affaire d’attribution du marché des cantines scolaires par
la ville de Toulon, alors dirigée par le Front national, a été
définitivement relaxé en novembre 2006 après huit ans
de procédure.

La juge
aurait ainsi cherché à « psychiatriser » M. Levy: « Il
y a une désignation d’un expert-psychiatre dès la garde à
vue alors qu’il n’a aucun antécédent de cet ordre », dénonce
Mme Crenier, estimant que par ce biais elle avait « aggravé la
déstabilisation d’Albert Levy » qui « a dérangé
le milieu, une partie de sa hiérarchie et le préfet » du
Var, à l’époque Jean-Charles Marchiani.

La prévenue
reproche également à Mme Moracchini l’utilisation de moyens
« disproportionnés » pour cette enquête, notamment le
recours à des filatures et des écoutes téléphoniques.

« Je
n’ai jamais eu de tels moyens à ma disposition pour traquer le grand
banditisme dans le Var », abonde Albert Levy, entendu comme témoin.
Le magistrat confie avoir eu le sentiment d’un « acharnement judiciaire »
à son encontre.

Dans l’enquête
sur les circonstances de la mort du juge Borrel, l’ancienne présidente
du SM -partie civile dans l’affaire- reproche à Mme Moracchini ses
« opinions péremptoires » en cherchant à « valider
la thèse du suicide » et en questionnant les experts en médecine
légale sur cette seule hypothèse.

Chargée
d’instruire ce dossier avec Roger Le Loire, Mme Moracchini avait été
dessaisie par la chambre de l’instruction en juin 2000.

« Vous
mettez clairement en cause l’impartialité des magistrats instructeurs,
cela vous paraît-il proportionné par rapport au but poursuivi »,
l’interroge la présidente du tribunal.

« Le
but, c’est quand même d’élucider le troisième assassinat
d’un juge sous la Ve République », répond Anne Crenier.
« Ce n’est pas un petit fait divers, c’est un sujet d’intérêt
public ».

Pour Elisabeth
Borrel, la veuve du juge, entendue comme témoin, « tous les actes
de Mme Moracchini démontrent que son seul souci était de ne
pas instruire sur l’assassinat (de son mari) » et « d’habiller »
le dossier pour aboutir « à un non lieu sur le suicide ».

Le procès
est prévu jusqu’à jeudi.