12/06/07 (B399) L’HUMANITE : Affaire Borrel, l’État mis en cause

La France aurait promis
aux autorités de Djibouti, soupçonnées d’être
impliquées dans la mort du juge, la remise de documents de l’enquête.

Le ministère français de la Justice se serait secrètement
engagé, dès 2004, à transmettre des documents de
l’enquête sur la mort du juge Borrel aux autorités
de Djibouti, soupçonnées d’être impliquées
dans le décès du magistrat français, en 1995.

La remise du dossier avait été pourtant refusée,
en 2005, par la juge d’instruction chargée de l’affaire,
Sophie Clément. Cette demande, avait-elle estimé, avait
« pour unique but de prendre connaissance de pièces mettant
en cause le procureur de la République de Djibouti ».

Dans une note adressée à ses services le 30 juillet 2004
et rapportée ces jours-ci par l’AFP, Laurent Le Mesle, à
l’époque directeur de cabinet du garde des Sceaux Dominique
Perben, aurait écrit : « Je vous remercie de veiller à
ce qu’il soit apporté une réponse favorable à
la demande formulée par les autorités djiboutiennes. »
Cette note fait partie des documents saisis en avril dernier au Quai d’Orsay
et à la chancellerie.

Une saisie qui faisait suite à la plainte déposée
en 2005 par la veuve du magistrat, après que le Quai d’Orsay
a assuré qu’une copie du dossier serait « prochainement
transmise à la justice djiboutienne », qui en avait fait
la demande.

Or les conclusions de Djibouti et des juges français sur la mort
de Bernard Borrel divergent : après la découverte dans un
ravin du corps à demi calciné du magistrat, les autorités
djiboutiennes ont conclu à un suicide, tandis que l’enquête
française privilégie la thèse de l’assassinat.
Des témoignages mettent en effet en cause le président Ismaël
Omar Guelleh et son entourage.

Des notes saisies par l’instruction feraient état de la pression
exercée par Djibouti sur Paris. Un courrier, daté du 30
janvier 2005, de l’ambassadeur de France à Djibouti, où
est basé le principal contingent de militaires français
en Afrique, explique qu’un dessaisissement de l’affaire de
la juge Clément « rassurerait ici ».

Comble de la diplomatie hexagonale, la
France aurait invité les autorités djiboutiennes à
l’attaquer devant la Cour internationale de justice. Ce qu’a
fait Djibouti le 12 janvier 2006, accusant la France d’avoir manqué
à ses devoirs d’entraide judiciaire.

En attendant, le dossier ne leur a toujours pas été transmis.

Vincent
Defait