13/06/07 (B399) Le Monde / M. Chirac serait intervenu pour aider Djibouti dans l’affaire Borrel

Jacques Chirac
a-t-il suggéré, en 2005, au président djiboutien
Ismaël Omar Guelleh de saisir la Cour internationale de justice (CIJ),
dans le cadre de l’affaire Borrel, ce magistrat français mort en
1995 à Djibouti ?
Plusieurs notes saisies lors des perquisitions
en avril aux ministères des affaires étrangères et
de la justice, dans le cadre de l’affaire Borrel montrent que le sujet
a été abordé entre les deux chefs d’Etat.

L’idée était de permettre à Djibouti d’avoir accès
au dossier judiciaire français, qui met en cause dans cette affaire
l’entourage du chef de l’Etat djiboutien. Dans une note destinée
à préparer cette rencontre entre M. Chirac et M. Guelleh,
le 17 mai 2005, le Quai d’Orsay propose ces éléments de
langage : « Je vous suggère que nous unissions nos efforts
pour une gestion conjointe de cette affaire. »

Le 25 juin, l’ambassadeur de France à Djibouti résume dans
un télégramme diplomatique sa rencontre avec le ministre
des affaires étrangères : « Il a ajouté que les
autorités djiboutiennes réfléchissaient à
notre idée de recours à la CIJ et aussi à la possibilité
d’explorer d’autres voies. Nous serions sans doute bientôt approchés
à propos de cette idée de recours à la CIJ ayant
noté que la France n’y verrait pas d’obstacle . »

« ASSURANCES FORMELLES »

Le 28 juillet, Dominique de Villepin reçoit
son homologue djiboutien, Mohamed Dileita. Dans les notes préparatoires,
saisies lors des perquisitions, le Quai d’Orsay suggère : « Nos
présidents ont évoqué la possibilité d’une
action devant la CIJ, nous n’y sommes pas opposés. »

Les notes précisent : « Il s’agit d’une procédure lourde,
complexe juridiquement et publique. » Le 29 juillet, une note de la
direction d’Afrique et de l’océan Indien revient sur la rencontre
en précisant : « Cela s’est très bien passé,
mais M. de Villepin, interrogé sur la procédure CIJ, n’a
rien dit… »

La même note évoque cette procédure : « En sortant
de son entretien avec le PR [président de la République],
IOG avait quasiment compris que cette histoire de CIJ était une
simple formalité et qu’après un échange de courrier
ils auraient le dossier dans les quinze jours… » Le 28 juillet,
une réunion juridique a lieu au ministère des affaires étrangères
avec l’ambassadeur de Djibouti à Paris : « L’ambassadeur
(…) a indiqué qu’en effet son pays avait reçu des
assurances formelles du ministère de la justice pour l’obtention
du dossier intégral de la procédure et qu’il ne pouvait
être question de laisser ce refus d’entraide sans réaction
de la part de son gouvernement. »
Le Quai d’Orsay fait part
des inconvénients de cette saisine.

Un ex-conseiller de l’Elysée dément que l’idée de
la saisine de la CIJ vienne de la France et assure qu’il s’agit d’une
idée de Djibouti. « L’idée de la saisine a été
arrêtée par les juristes djiboutiens », explique l’avocat
de Djibouti, Francis Szpiner.

Le 9 janvier 2006, Djibouti saisit la Cour internationale de justice pour
violation des dispositions de la convention bilatérale d’entraide
judiciaire entre la France et Djibouti. L’accord
de la France était nécessaire pour la suite de la procédure.

Sur une note du 31 janvier 2006 des services juridiques, Pierre Vimont,
le directeur du cabinet du ministre des affaires étrangères,
écrit, à la main : « Nous devons aller de l’avant
en partant du principe que nous acceptons la compétence de la Cour. »
La France a accepté en août 2006.

Par ailleurs, le procureur général de Paris et ancien directeur
de cabinet du garde des sceaux, Laurent Le Mesle – dont plusieurs
notes montrent qu’il a demandé la transmission du dossier judiciaire
à Djibouti –, a démenti « de la façon la
plus solennelle », dans un communiqué, avoir « exercé
de pression sur la justice ».