15/06/07 (B399) Le Canard Enchaîné : UN GROSSIER D’INSTRUCTION.

Ce n’était
plus vraiment un secret : « Le Canard » avait déjà
écrit à plusieurs reprises que tout avait été
tenté au sommet de l’Etat, au Quai d’Orsay et au ministère
de la Justice, pour empêcher l’enquête sur l’assassinat
du juge Bernard Borrel d’empoisonner les relations franco-Djiboutiennes.
Mais tout de même, voir d’étaler dans les gazettes les
documents, procès-verbaux et télégrammes diplomatiques
qui démontrent la connivence entre les deux gouvernements pour développer
le même double jeu, cela fait un choc. D’un côté,
on célèbre « l’entraide judiciaire ». De l’autre,
on bloque toute tentative d’approcher la vérité.

Cette avalanche de preuves fait suite aux perquisitions effectuées
au ministère de la Justice et au Quai d’Orsay par les juges Pons
et Ganascia, chargées d’une enquête annexe pour «
pression sur justice ». Elles y ont récolté quelques pépites.
Parmi lesquelles un télégramme diplomatique, expédié
à Paris par l’ambassadeur de France à Djibouti. Le diplomate
se félicite de voir « notre idée » bien accueillie
par le ministre Djiboutien des Affaires Etrangères.

L’idée en question consiste à saisir la Cour Internationale
de justice pur faire condamner la France et contourner ainsi son refus de
transmettre le dossier d’instruction à la Justice de Djibouti
! Et, selon Libération, (12/6), cette suggestion vient de Chirac en
personne, qui l’avait soufflée le 17 mai 2005 à l’oreille
du Président Omar Guelleh. Lui-même impliqué dans l’assassinat
du Juge Borrel…

Depuis le 19 octobre 1995, lorsque le corps du Juge Borrel a été
retrouvé à moitié brûlé dans un ravin, tout
aura été tenté pour occulter la vérité.
En vrac : une absence d’autopsie, suivie de conclusions péremptoires
sur le suicide. Une enquête confiée à une juge qui avoue
son inébranlable foi dans la thèse du suicide. Une « reconstitution
» qui tourne à la farce macabre. Une succession de quatre juges
d’instruction. Quelques tentatives de subornation de témoins.
Des services secrets français persuadés qu’il s’agit
d’un assassinat mais se taisent.

On en oublie.

Mais il ne faut surtout pas oublier l’essentiel. Le petit Etat de Djibouti
occupe une place stratégique en Afrique de l’Est, fort convoitée
par les USA. Il abrite une des plus importantes bases militaires françaises
avec environ 3 000 hommes. Des juges vivants qui enquêtent sur un juge
mort n’y ont pas leur place.


L.-M. H.