22/06/07 (B400) LIBERATION : Borrel : Sarkozy fait plier le Quai d’Orsay

L’intervention de l’Elysée
avait déjà conduit le parquet de Paris à reconnaître
l’assassinat.

Par Brigitte
VITAL-DURAND

L’entretien accordé à Elisabeth Borrel, mardi, par le président
de la République, dans son bureau à l’Elysée, déclenche
une cascade d’effets secondaires. La veuve de Bernard Borrel s’évertuait
depuis douze ans à faire reconnaître l’assassinat de son mari,
magistrat français mort en coopération à Djibouti en
1995. Les services de l’Etat, relayés par de nombreux organes de presse,
lui opposaient le suicide, thèse à laquelle s’accroche désespérément
le gouvernement de Djibouti.

L’appui apporté par Nicolas Sarkozy ­
qui a ostensiblement raccompagné Elisabeth Borrel jusqu’à la
porte de l’Elysée ­ a eu deux effets immédiats.

Après la confirmation, mardi soir, de l’origine criminelle de la mort
du juge Borrel par le parquet de Paris, c’est, hier, la déclaration
inédite du Quai d’Orsay. Le porte-parole du ministère des Affaires
étrangères, Jean-Baptiste Mattéi, a fait valoir que «Djibouti
est un partenaire important de la France, avec lequel nous entretenons des
relations étroites dans tous les domaines […] Nous souhaitons poursuivre
ces relations dans un climat de confiance, de coopération et d’amitié».
Mais il a ajouté: «Nous souhaitons que toute la lumière
soit faite sur cette affaire.»

L’ancien porte-parole, Hervé Ladsous, lui, avait promis de faire passer
une copie du dossier judiciaire aux autorités de Djibouti précisément
visées par l’enquête. Ce qui a valu à ce diplomate une
plainte en octobre 2006 pour «pression sur la justice», l’ouverture
d’une information judiciaire et un refus de la part de la juge Sophie Clément.

Désormais, on se rallie derrière la nouvelle bannière
de l’Elysée. Dans son communiqué que la juge Clément
réclamait en vain depuis quelque temps, le procureur détaille
comment «les expertises concluent à l’existence de lésions
osseuses sur le crâne et sur l’avant-bras gauche, faites à l’aide
d’un objet contondant, et à la découverte de deux produits inflammables
de nature distincte versés sur le corps. […] Bernard Borrel était
couché sur le sol lorsque les liquides ont été répandus
sur sa personne ». Ces preuves du crime ne figurent dans le dossier
Borrel que… depuis cinq ans.