19/07/06 (B404) LE MONDE : Français et Américains côte à côte à l’Ecole du désert (Info lectrice)

C’est le dernier bivouac. Les soldats sont partis il y a dix jours de Djibouti. Depuis, ils marchent, de nuit, dans l’une des régions les plus chaudes et les plus inhospitalières du monde. Le Centre d’aguerrissement et d’instruction au désert de Djibouti (Caidd) est une école nomade, sans domicile fixe et sans abri, unique en son genre, qui exige de chaque homme un dépassement physique.

"Ce n’est pas un stage commando, rectifie le colonel Eric Bucquet, chef de corps du 5e régiment interarmes d’outre-mer (Riaom), mais nous voulons que les gens apprennent à survivre dans le désert." Depuis sa création en 1997, l’Ecole du désert a décerné 6 790 brevets à des soldats de nombreuses unités françaises et étrangères.

C’est la quatrième fois qu’une section américaine participe au stage. Sur 30 Américains, on compte 15 marines et 15 soldats de l’armée de terre, également éreintés. Il existe en Californie une "Ecole de la jungle". Mais de l’avis du sergent-chef Rudy Diaz, des marines, "ce n’est pas comparable en termes de techniques de survie."

Les Américains, tous volontaires, ne regrettent pas l’expérience. Celle-ci se décompose en deux modules, "acclimatement" et "aguerrissement", de cinq jours chacun, ponctués par un "module combat" de huit jours. Les 140 soldats marchent une vingtaine de kilomètres chaque nuit dans un terrain rocailleux, en se guidant aux étoiles et au GPS, arme à la main. Ils sont suivis par une caravane de 44 chameaux, qui portent l’eau et les sacs, et quelque 90 cabris.

C’est l’essentiel de leur nourriture, avec riz, pâtes, piment et concentré de tomates. Chaque jour, plusieurs cabris sont sacrifiés selon "la méthode Afar", et cuits sur la cendre. Pour des Américains, cela a un côté un peu rustique : "Nous n’avons pas l’habitude de nous déplacer avec aussi peu de moyens."

Le plus difficile ?

"La barrière de la langue avec les Français, la manière de préparer la nourriture et l’eau rationnée", commente Rudy Diaz. Mais tout est relatif : "C’est dur, mais moins qu’en Irak, parce qu’il n’y a pas le stress de la guerre", ajoute le sergent-chef des marines. Dix des 150 stagiaires ont dû cependant déclarer forfait : deux à la suite d’accidents, un pour gastrite aiguë, un pour une double piqûre de scorpion, les autres à la suite de coups de chaleur.

L’Ecole du désert offre aux troupes françaises et américaines de Djibouti l’occasion de se côtoyer et de s’apprécier. A la lumière de l’expérience, les 11 instructeurs du Caidd se sont aperçus qu’Américains et Français ont des attitudes sensiblement différentes au combat : "Les premiers ont une manière plus brutale d’atteindre le but, les seconds tiennent davantage compte de l’environnement dans lequel ils évoluent, explique le capitaine Pierre Biclet. Les Américains sont amenés à faire usage de leur arme dès qu’ils se sentent menacés, alors que, pour nous, il faut que la menace soit directe et avérée."