05/08/07 (B407) AFRIQUE ECHOS / Somalie : Quel avenir ?

Scotty Makiesse ( AEM )

Que reste-t-il encore à la Somalie et aux Somaliens après le passage des tribunaux islamiques et les massacres de ces derniers mois ?

Rien ou presque rien. Les institutions, ou ce qui en reste, essayent de résister à la poussée de la violence pendant que, par milliers, les Somaliens quittent leur pays. Il est loin l’époque où le monde, compatissant et solidaire, s’était mobilisé pour sauver du naufrage ce petit pays de la corne de l’Afrique.

Aujourd’hui, la guerre s’est de nouveau installée durablement sur cette portion du continent. Les atrocités, commises par les uns et par les autres, n’épargnent personne et n’ont d’égal nulle part ailleurs. Le pays est plongé dans une crise profonde et indescriptible.

Il y a quelques mois, convaincus de la légitimité de leur pair l’Islam, dans un pays très musulman, l’Union des tribunaux islamiques s’est emparée du pouvoir à Mogadiscio pour mettre fin à la crise. Les populations ont vite déchanté, les solutions proposées par les tribunaux islamiques ne correspondant pas à leurs attentes. Selon certains observateurs, ce constat d’échec a ouvert la voie à une violente contestation et, par la même occasion, occulté tout espoir d’un meilleur avenir. Un voile, un énième, est venu obscurcir l’horizon somalien.

L’appartenance supposée de ces tribunaux islamiques à la mouvance Al-Qaïda ne plaide finalement pas en faveur de la Somalie. Désignés comme terroristes par les Américains, les islamistes des tribunaux islamiques sont devenus la principale cible de la politique sécuritaire des Usa dans la région. Les épisodes de Nairobi et de Dar es-salaam en 1998 y sont pour beaucoup, estiment les observateurs. L’administration Bush est très susceptible en matière de sécurité. La présence des pays amis comme l’Arabie saoudite, le Qatar, le Koweït ou les Emirats arabes unis, producteurs de pétrole, à proximité d’une Somalie aux mains des islamistes inquiète Bush et ses amis.

Même la présence d’une base militaire française, pourtant alliée, à Djibouti ne rassure pas les Américains.

Un renforcement du dispositif militaire américain dans la corne de l’Afrique est d’ailleurs à l’ordre du jour. Un nouveau commandement militaire pour l’Afrique baptisé « AFRICOM » sera, par ailleurs, mis en place pour la première fois sur le continent noir.

Les Usa sont décidés à empêcher à tout prix l’installation des terroristes islamiques sur le sol africain. Or la Somalie, par sa position géographique et sa culture musulmane, est une proie idéale pour Al-Qaîda. Les combats, entre différents clans, qui ont lieu dans ce pays ces derniers jours favorisent l’arrivée massive des terroristes jihadistes de divers horizons. Cette situation met en danger toute la région.

L’intervention de l’Onu et de l’Ua, visant à mettre fin aux combats, ne rencontre pas suffisamment d’adhésion de la part de différents clans.

Malgré l’hostilité des belligérants, ces deux organisations internationales font plusieurs tentatives de médiation entre les frères ennemis. La conférence de réconciliation nationale ouverte le dimanche 15 juillet à Mogadiscio, puis reportée à jeudi 1er août, en est une. Mille deux cent délégués sont réunis dans la capitale somalienne pour aider le pays à sortir de 16 années de guerre civile.

Les délégués devraient se pencher sur une nouvelle constitution et sur l’organisation des élections générales en 2009. Vu l’importance des enjeux, les parties en présence estiment qu’il faut au moins trente jours pour aboutir à un accord. L’union des tribunaux islamiques, l’équivalent des talibans afghans, refuse de prendre part aux travaux de la conférence.

Sa participation n’est possible que si les troupes éthiopiennes quittent la Somalie, ne cesse-t-elle d’exiger. Pour rappel, l’armée éthiopienne est partie prenante dans le conflit aux cotés de ce qui reste des troupes gouvernementales somaliennes. Ce boycott laisse planer un doute sur la réussite de cette conférence.

D’ailleurs, au lendemain de l’ouverture de cette rencontre, des obus de mortiers sont tombés, selon l’Afp, non loin du lieu où se tient la réunion faisant cinq morts civils. Pendant ce temps, à l’intérieur du pays, la guerre fait des ravages et les réfugiés affluent vers les pays voisins. Pour parer au plus urgent, l’Onu a rouvert le camp de réfugiés de Teferi-Ber en Ethiopie où sont emmenés plusieurs milliers de Somaliens venant d’un camp de fortune à la frontière somalienne. « Loué soit Allah car j’ai pu échapper au chaos et à la violence avec mes 10 enfants » a confié Ader Yusuf, réfugié somalien à son arrivée au camp de Teferi-Ber, à nos confrères de News – Press.

Et l’UA dans tout ça ?

Depuis le 19 janvier 2007, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Ua a promis d’envoyer 8000 soldats en Somalie pour sécuriser le pays et protéger les institutions. À ce jour, seuls 1500 militaires ougandais sont arrivés sur le terrain. Le Burundi, qui s’était engagé à fournir 1800 soldats, a, par deux fois, différé leur arrivée, faute de moyens logistiques. Le Kenya et les Usa, pourvoyeurs d’équipements à ce pauvre petit pays de l’Afrique centrale, n’ont pas tenu leurs promesses.

Seule la France, selon l’Afp, a apporté une aide de 500.000 euros à l’opération. À Accra, lors du sommet de l’Ua, Ali Muhamed Geli, Premier ministre somalien, a reproché à la communauté internationale d’être responsable du retard du déploiement des troupes dans son pays. Il a aussi rappelé le non-respect de l’embargo décrété par l’Onu sur les armes en direction de son pays.

Sans la nommer, l’Erythrée, soeur ennemie de l’Ethiopie, est montrée du doigt. D’énormes quantités d’armes et de munitions viendraient de ce pays pour alimenter le Shahab, la milice des tribunaux islamiques.

Au Conseil de sécurité de l’Onu, des voix s’élèvent pour condamner ces flux d’armes et de munitions qui arrivent en Somalie malgré les nombreuses résolutions votées par les pays membres. La dernière, en date, la 1744 (2007) du 20/2/07 n’est pas plus efficace que les précédentes. La Somalie est-elle condamnée à la déliquescence ? Les résultats de la conférence de réconciliation nationale apporteront peut-être la réponse.

Scotty Makiese (AEM).