21/10/07 (B418) AFP DJIBOUTI – Djibouti: des milliers de personnes manifestent contre la justice française (Info lectrice)

Des milliers de personnes ont défilé samedi à Djibouti pour protester contre l’enquête de la justice française sur la mort d’un juge français dans ce pays, lors de la plus importante manifestation du genre depuis l’éclatement de cette affaire empoisonnant les relations franco-djiboutiennes.

15.000 à 20.000 personnes y ont pris part, a dit à l’AFP Said (BIEN Said) Daoud, président du comité d’organisation. La police a estimé le nombre de manifestants à 35.000. (*)

Djibouti compte environ 705.000 habitants, dont près de la moitié dans la capitale, selon des chiffres de 2003.

Les relations entre la France et Djibouti – ex-colonie française qui abrite la principale base militaire française en Afrique – sont empoisonnées par l’affaire de la mort du juge français Bernard Borrel le 19 octobre 1995 à Djibouti. Il travaillait, dans le cadre de la coopération, auprès du ministre de la Justice de Djibouti.

Il s’agit de la plus importante manifestation contre la justice française organisée à Djibouti depuis le déclenchement de ce dossier, devenu une affaire d’Etat après la mise en cause par des témoins de l’actuel président djiboutien Ismaël Omar Guelleh et de dignitaires du régime.

Le président français Nicolas Sarkozy s’est engagé à aider la veuve Borrel dans ses démarches pour connaître la vérité.

La marche, qui s’est déroulée de 07h00 à 10h00 à l’appel d’un collectif regroupant une trentaine d’associations culturelles, a défilé devant l’ambassade de France à Djibouti, mais n’est pas passé devant la base militaire française, selon un journaliste de l’AFP.

Ce collectif a appelé à deux marches similaires dimanche: à Ali-Sabieh, ville principale du Sud, à 100 km au sud-ouest de la capitale, et dans la localité d’Arta (environ 30 km au sud de Djibouti).

Plusieurs ministres (Communication, Commerce, Jeunesse, Promotion de la femme), des parlementaires, des chefs religieux et des représentants de la société civile ont participé à cette marche pendant laquelle des slogans hostiles à la France et à sa justice ont été scandés.

« Touche pas à mon président ! », « Honte à toi Sarkozy! », « Justice raciste », ont notamment lancé les manifestants.

Des mots d’ordre ont également critiqué la veuve du juge Borrel.

Une Française résidant à Djibouti depuis six mois a confié à l’AFP avoir pour la première fois été « agressée verbalement et bousculée » alors qu’elle assistait au défilé.

« Je me suis fait insulter et appeler Mme Borrel (…), j’ai vraiment ressenti de la haine (…). On a l’impression, nous Français, d’être des boucs émissaires dans cette affaire », a-t-elle dit.

Djibouti a conclu à un suicide dans l’affaire Borrel, mais l’enquête française privilégie la thèse d’un assassinat.

Fin août, le procureur général de Djibouti Djama Souleiman et le chef des services secrets Hassan Saïd, proches du président Guelleh, ont été renvoyés pour la première fois devant la justice française dans ce dossier.

Des mandats d’arrêt internationaux, valant mises en examen, avaient été délivrés le 27 septembre 2006 par la justice française contre ces deux responsables, soupçonnés d’avoir exercé des pressions sur deux témoins djiboutiens.

M. Souleiman a affirmé mercredi que « cette affaire (Borrel) était le plus grand scandale judiciaire de la République française ».

Les autorités djiboutiennes ont récemment évoqué un possible lien entre la mort du juge et une affaire de « pédophilie » impliquant des Français.

Plusieurs ressortissants français ayant résidé à Djibouti dans les années 90, dont des ex-diplomates, sont visés par une enquête judiciaire après une plainte de deux Djiboutiens en avril pour agressions sexuelles présumées sur mineurs.

L’avocat de la veuve du juge Borrel, Me Olivier Morice, a qualifié samedi cette affaire de « contre-feu ».

« Cela démontre la très grande crispation des plus hautes autorités djiboutiennes dans le cadre de leur mise en cause dans l’assassinat du juge Borrel », a-t-il dit à l’AFP.

(*) A noter qu’il s’agit d’un cas très rare où les estimations officielles attribuées à la Police locale font état d’un nombre de manifestants supérieur à celui annoncé par les organisateurs. Il doit y avoir un truc … à la Guelleh ! (NDLR)