23/10/07 (B418-B) LE NOUVEL OBS : Affaire Borrel : la famille d’un témoin clef expulsée par Djibouti

Sept membres de la proche famille de Mohammed Saleh Aloumekani, qui a mis directement en cause le président Ismaël Omar Guelleh dans la mort du juge français, ont été expulsés mardi vers le Yémen. Par ailleurs, un document saisi en avril dernier au ministère des Affaires étrangères attesterait de l’existence de pressions sur la justice française.

Sept membres de la proche famille de Mohammed Saleh Aloumekani, un témoin clef dans l’enquête sur la mort du juge français Bernard Borrel à Djibouti en 1995, ont été expulsés mardi 23 octobre de Djibouti vers le Yémen, a-t-on appris auprès de l’avocat de Mohammed Saleh Aloumekani.

Réfugié en Belgique, où il a acquis la nationalité belge, cet ex-officier de la garde présidentielle djiboutienne a mis directement en cause le président Ismaël Omar Guelleh. Il avait affirmé en décembre 1996 avoir entendu, le jour de la mort du juge, cinq hommes déclarer à l’actuel président djiboutien, alors directeur de cabinet de son prédécesseur, que le « juge fouineur est mort » et qu' »il n’y a pas de trace ».

La mère de Mohammed Saleh Aloumekani, quatre frères, une sœur et la femme du frère aîné ont fait l’objet d’une procédure de bannissement de la part des autorités djiboutiennes qui leur ont confisqué leur passeport et les ont expulsés mardi matin vers le Yemen, a-t-on appris auprès de l’avocat de Mohammed Saleh Aloumekani, Me Luc Cambier, du barreau de Bruxelles.

« Très graves »

« Ces mesures de bannissement sont liées au témoignage de mon client et aux pressions qui subsistent pour qu’il le retire », a estimé Me Cambier.

De son côté, Me Olivier Morice, l’avocat de la veuve de Bernard Borrel, a jugé ces expulsions « très graves. On franchit un pas supplémentaire dans l’intimidation ».
Me Cambier a expliqué qu’il était en train de chercher une solution pour permettre aux proches de Mohammed Saleh Aloumekani de trouver refuge en Belgique ou en France.

Les pressions exercées sur Mohammed Saleh Aloumekani ainsi que sur un autre témoin ont entraîné le renvoi devant le tribunal correctionnel de Versailles de deux hauts responsables djiboutiens, proches du président Guelleh, pour « subornation de témoins ». L’audience devrait se tenir le 13 mars 2008.

Le Quai en accusation

Par ailleurs, selon Le Figaro daté du mardi 23 octobre, un document saisi en avril dernier lors d’une perquisition au ministère des Affaires étrangères attesterait de l’existence de pressions sur la justice française dans l’affaire Borrel.

Le quotidien précise que cette note, actuellement « entre les mains des juges Pous et Ganascia en charge du volet « pressions sur la justice » de l’affaire (…) a été « rédigée le 21 avril 2004 par Pierre Vimont, à l’époque directeur du cabinet du ministre des Affaires étrangères ».

Selon le journal, la note était destinée au ministre de l’époque, Michel Barnier, avant une rencontre avec Jacques Chirac. Dans ce document, Pierre Vimont y écrivait au paragraphe « Djibouti » : « Faute d’avoir obtenu un accord de la part du parquet pour que ce dernier fasse une déclaration exonérant les autorités de Djibouti de toute implication dans l’assassinat du juge Borrel, le Quai d’Orsay s’est associé à la Défense pour rédiger un communiqué très ferme ».

Embarras entre Paris et Djibouti

Le Figaro rappelle que le 20 avril 2004, un communiqué mettait hors de cause le pouvoir djiboutien.

La note citée par le quotidien se poursuit par ce commentaire : « vous pourriez indiquer au Président que la situation a donc été rétablie conformément à son souhait ».

Pour le journal, « d’autres notes, déjà rendues publiques, montraient l’embarras suscité par ce dossier entre Paris et Djibouti ».

Le juge Bernard Borrel avait été retrouvé mort, le corps à demi-calciné, en 1995. Djibouti a conclu à un suicide mais l’enquête française privilégie la thèse d’un assassinat.