23/10/07 (B418-B) LE NOUVEL OBS / L’AFFAIRE BORREL « Sous Chirac, il fallait absolument que ce soit un suicide » (Info lectrice)

Le Figaro révèle qu’un document saisi en avril au ministère des Affaires étrangères prouve que l’Etat français a tenté de couvrir l’implication de Djibouti dans l’assassinat présumé de votre mari. Etiez-vous au courant de l’existence de ce dossier ?

– Bien sûr. Depuis la mort de mon mari, j’ai toujours eu le sentiment que des pressions étaient exercées pour cacher la vérité. L’affaire n’a jamais été traitée comme un dossier criminel. L’instruction aurait dû être automatique. Or, j’ai dû demander des actes pour qu’une enquête soit menée sur la mort de mon mari. J’ai lu et entendu des choses qui dépassent le raisonnable. Il y a eu des pressions du gouvernement de l’époque sur le procureur pour que la mort de mon mari soit déclarée comme un suicide. Les preuves de l’assassinat de mon mari ont été versées au dossier en novembre 2002, j’aimerais savoir pourquoi on a attendu juillet 2007 pour le reconnaître.

Quel aurait été l’intérêt pour l’Etat français de cacher la vérité ?

– Sous Chirac, Pierre Vimont [à l’époque directeur du cabinet du ministre des Affaires étrangères, ndlr], le ministère de la Justice, la cellule africaine et les conseillers spéciaux formaient un cercle autour du président. Quand Djibouti était fâché, toutes ces personnes se contactaient pour trouver les moyens de contourner le dossier. Pour l’Etat français, sous la présidence de Jacques Chirac, il fallait absolument que ce soit un suicide pour préserver de bonnes relations avec Djibouti.

Au cours de l’enquête, on m’a expliqué qu’il était pédophile et que c’est pour cette raison qu’il s’était supprimé. On m’a ensuite dit qu’on l’avait éliminé à cause de cela. Je voudrais comprendre pourquoi autant de pressions ont été exercées pour cacher l’assassinat d’un petit fonctionnaire qui aurait commis des actes pédophiles. J’ai découvert dans la presse l’audition et le recours à des prélèvements ADN sur un Tunisien suspecté d’être impliqué dans la mort de mon mari. Rien de tout cela n’était dans le dossier.

Après la révélation publique de ce document, qu’attendez-vous des autorités françaises ? Avez-vous encore confiance dans la justice française ?

– Entre le début de l’enquête et aujourd’hui, il y a eu du changement. Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, la mort de mon mari a été reconnue dans le cadre d’un attentat.
Je veux maintenant que l’on avance dans le dossier d’instruction. Je veux qu’on m’explique pourquoi l’assassinat de mon mari a été caché, pourquoi on a sali sa mémoire et traîner sa famille dans la boue. Pourquoi autant de complaisance envers Djibouti, cet état totalitaire qui s’attaque à ses nationaux. Le témoin dans l’affaire de la mort de mon mari a subi des pressions. Ses frères et ses sœurs ont été séparés de leur famille, certains ayant été expulsés, d’autres retenus en otages. Je veux me battre pour qu’en France on n’ait pas ce genre de pratiques.

Interview d’Elisabeth Borrel par Sovanny Chhun
(le mardi 23 octobre 2007)