10/11/07 (B421) AFRIKATIME Accords de partenariat économique (Ape): Les risques de «non signature» se précisent (Nord-Sud 09/11/2007)

Le cas de figure se précise. Les Africains ne seront pas prêts à l’échéance du 31 décembre pour les Accords de partenariat économique. Plusieurs scénarios de rescousse se peaufinent.

Plusieurs voix en Afrique et ailleurs dans le monde s’opposent à la date butoir du 31 décembre, pour l’entrée en vigueur des Accords de partenariat économique (Ape). Pour les sociétés civiles africaines, ces accords risquent de «dé-structurer » les fragiles économies du continent et «exposer» les entreprises à une concurrence à armes inégales.

Il faut, disent-ils craindre «un envahissement des marchés Acp (Afrique-Caraïbes-Pacifique) par les multinationales européennes qui n’attendaient que ça». Les ministres ouest africains du Commerce, de l’Industrie, des Finances et ou de la Coopération en charge de ces négociations et représentant les pays regroupés au sein de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ont déjà publiquement annoncé qu’il est «impossible» pour leur bloc sous-régional qui regroupe 15 pays de signer les Ape à la date butoir fixée par l’Europe.

Vers le «non» africain

En effet, le 5 octobre, le Comité ministériel de suivi des négociations de l’Accord de partenariat économique (Ape) Afrique de l’Ouest en acronyme Cms, s’est réuni en session extraordinaire à l’hôtel Ivoire d’Abidjan sous la présidence de S.E. M. Mamadou Sanou, ministre du Commerce, de la Promotion de l’Entreprise et de l’Artisanat du Burkina Faso, président dudit comité.

Les ministres à travers le communiqué final de leur rencontre ont unanimement convenu qu’il ne serait pas objectivement possible de conclure un accord avant le 31 décembre». Les mêmes ministres avaient souhaité que «les négociateurs africains en chef» explorent «avec l’Union européenne toutes les options pouvant empêcher toute perturbation du commerce entre l’Afrique de l’Ouest et l’Europe».

Recevant récemment à Bruxelles (Belgique) 10 journalistes africains venus dans le cadre du forum de partenariat Afrique-Allemagne-Europe, plusieurs hauts responsables de l’Union européenne (UE) ont reconnu qu’il était effectivement peu probable que le continent noir signe unanimement les Ape à l’échéance du 31 décembre. Ce qui, affirment-ils, «n’est pas bon !». «Nous avons essayé de regrouper les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (Acp) en plusieurs blocs en vue de négociations préliminaires qui permettront à terme d’aboutir à des accords globaux», ont précisé ces experts de l’UE qui pensent qu’il serait «négatif» de ne pas «vite aboutir» aux Ape afin de «régulariser» le contenu des échanges UE/ACP.

L’Europe défend ses privilèges

«Il ne s’agit pas d’imposer le libre échange à l’Afrique», ont renchéri fin octobre, Peter Mandelson et Louis Michel, commissaires européens chargés respectivement du Commerce et du Développement. Se prononçant sur la décision du Comité ministériel de suivi des Ape, les commissaires européens se sont lancés dans des explications pour montrer le bien-fondé des accords.

A travers une contribution médiatique, les deux commissaires affirment qu’ «aucune question relative à la politique commerciale et au développement de l’Europe n’est aussi pressante, ni aussi sensible politiquement que celle de savoir comment mettre à profit le commerce pour aider les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, à bâtir des économies plus fortes et à cesser d’être tributaires des préférences commerciales et des échanges de produits de base».

De leur côté, les négociateurs africains, dénoncent la «précipitation» des européens. «Qu’on ne nous force pas non plus à signer un accord dont la simple étude d’impact n’est pas encore maîtrisée», a confié «off record» à Berlin à Nord-Sud Quotidien un officiel dans la délégation des chefs d’Etat africains venus prendre part au forum de partenariat Afrique – Allemagne.

Dans ses parutions du 31 octobre, le quotidien camerounais «Mutations» citant «un communiqué de la Plateforme des acteurs non étatiques d’Afrique Centrale (Paneac)» a affirmé que les négociations décisives qui se sont ouvertes à Bruxelles depuis le 15 octobre sur les Ape n’avancent pas du tout. «Les discussions entre l’Ue et les pays Afrique-Caraïbes-Pacifique (Acp) achoppent toujours sur la nécessité d’intégrer la dimension développement des pays Acp dans les Ape», écrit le confrère qui poursuit : «Cette prise en compte du paramètre développement devrait, selon les pays Acp, passer par la création et le financement (par l’Ue) d’un fonds destiné à permettre la mise à niveau des économies encore fragiles des pays Acp, d’une part, et à permettre de combler le manque à gagner que va provoquer la chute des barrières douanières dès l’entrée en vigueur des Ape (…)”.

Pour “Mutations”, cette exigence que les pays Acp présentent comme un préalable à la signature des Ape, “ne rencontre pas toujours l’assentiment des négociateurs de l’Union européenne». Qu’adviendra t-il alors au matin du 1er janvier 2008 sans Ape. Plusieurs scénarios sont possibles. L’un d’eux est contenu dans le rapport du Centre européen de gestion des politiques de développement (Ecdpm –sigle anglais) élaboré par Sanoussi Bilal et Francesco Rampa. Il s’agit du concept «d’Ape allégé».

Les scénarios de rechange

Cette approche minimaliste consisterait «à se concentrer dans un premier temps sur une ouverture des marchés Acp jusqu’au seuil minimum à atteindre pour être compatible avec les règles de l’Omc (Organisation mondiale du commerce)». Dans un deuxième temps, selon le rythme et l’amplitude voulus par les Acp eux-mêmes, les négociations avec l’UE pourraient se centrer sur une approche à long terme destinée à résoudre les problèmes de capacité du côté de l’offre Acp et à instaurer de véritables marchés régionaux opérationnels.

Un second scénario prévu par l’Ecdpm parle d’ «Ape assortis explicitement d’un Tsd» (Traitement spécial et différencié). Cet accord permettrait de répondre aux préoccupations de développement en introduisant une flexibilité selon les différents niveaux de développement des pays Acp et leurs préoccupations. En Afrique, certaines organisations de la société civile estiment qu’il faut simplement donner plus de temps pour étudier les accords tels que proposés par l’Europe actuellement.

Avant la signature de cet accord, les relations commerciales se dérouleront conformément aux accords de Cotonou «quelques peu retouchés» et maintenus. Cette option, comporte un risque, répondent les responsables de l’UE que nous avons interrogés. «C’est de voir les pays pénalisés par la version Cotonou aller jusqu’à saisir l’Omc pour ramener l’Ue/Acp aux normes proposées par l’organisation mondiale en terme d’échanges», explique-t-on.

Un autre scénario consisterait après une scission du bloc Acp et des sous-blocs du continent noir à pousser chaque pays à aller négocier de façon unilatérale ses relations commerciales et économiques avec le bloc européen. Certains pays comme la RDC qui considèrent cette dernière option comme une «véritable aubaine» devraient vite la saisir. En Afrique-Caraïbes et Pacifique comme au sein de l’Union Européenne, les études de scénario se poursuivent. A défaut des Ape, reste au moins à espérer qu’un consensus pourrait être trouvé autour de l’un des plans de rescousse.