13/12/07 (B425) Le Soleil de Dakar / Pour en savoir plus : FORCES ARMEES DES ETATS-UNIS POUR LAFRIQUE (Info lectrice)
Depuis cinq ans, les Etats-unis sont en train de mettre en place un dispositif militaire en Afrique. Après leur base navale et aérienne de Diégo Garcia dans lOcéan indien, ils ont loué à la France le Camp Lemonnier à Djibouti doù ont décollé, en janvier dernier, leurs C-130 pour bombarder des populations civiles somaliennes, au nom de la « lutte contre le terrorisme ». Lintervention des soldats éthiopiens en Somalie a été coordonnée, encadrée, préparée et soutenue en matière de logistique et de renseignements par larmée américaine, installée à Djibouti et à Dire Dawa, en Éthiopie.
En Afrique de lOuest, les Américains avancent à grands pas dans létablissement de têtes de pont militaires, terrestres, aériennes et navales, ici aussi sous le couvert de « lutte contre le terrorisme ». En février 2007, la Maison-Blanche a annoncé la création du commandement unifié des forces armées américaines pour lAfrique (Africom). Son patron est désigné. Il sagit du général William Ward, un Africain-Américain. Pour le moment basée à Stuttgart, auprès du Commandement pour lEurope ou Useucom (United states european command), cette nouvelle Autorité militaire américaine en Afrique devrait acquérir son autonomie, après lobtention dun « siège » sur notre continent.
Plusieurs pays ont fait plus ou moins officiellement acte de candidature : Liberia, Kenya et Sao Tome. Il faudra les départager. Mais, dans le même temps, beaucoup dautres nations africaines et non des moindres, ont exprimé de vives réserves : lensemble des Etats du Maghreb, lAfrique du Sud et la Libye. Ces pays redoutent dêtre embarqués dans une « guerre contre le terrorisme » dont ils nauraient pas le contrôle et considèrent quoutre leur chasse à al-Qaïda, les Américains cherchent surtout à protéger leur pétrole du Golfe de Guinée. Aussi, évoquent-ils le contrôle militaire des Etats-unis sur les richesses de lAfrique.
En dautres termes, cette pénétration militaire américaine en Afrique, qui nous est présentée comme une protection « humanitaire » dans la guerre mondiale livrée contre le « terrorisme », est en vérité une volonté de faire main basse sur le pétrole africain principalement et den contrôler ses réseaux de transports mondiaux. Et les chiffres nous révèlent que les Etats-unis importent aujourdhui, plus de pétrole en provenance du continent africain que de lArabie saoudite. Cest sûr que ces niveaux dimportation augmenteront encore, au regard des importantes réserves pétrolières de lAfrique.
Quelques mois se sont écoulés depuis que lannonce de la création dAfricom a été faite. Et de hauts fonctionnaires des Etats-unis ont déjà parcouru le continent africain pour vendre Africom et tester les réactions officielles et publiques. Les premières réponses ont été, sans surprise, négatives et méfiantes en raison de lhistoire de linterventionnisme militaire américain dans le monde, y compris en Afrique, laquelle, en outre, a connu lamère expérience du colonialisme. Le département de Défense (Dod) – ou Pentagone – précise quune des premières missions dAfricom sera de professionnaliser les militaires de nos pays pour assurer la stabilité, la sécurité et la mise en place de gouvernements responsables dans certains Etats et régions dAfrique.
La stabilité, cela signifie rétablir et maintenir lordre et pour ce qui est de la responsabilité, cest protéger les intérêts des Etats-unis. Rien que pour cette année, on avait avancé que 1.400 officiers africains finiraient leurs programmes de formation et dentraînement militaire internationaux dans les écoles militaires des Etats-unis.
Lamère potion médicinale sera ingurgitée sans trop de douleur si on combine ces missions de militarisation assumées par Africom avec un volet civil, lui aussi, en expansion et qui devra mettre en avant des concepts tels que « la promotion de la démocratie », « la capacité de construire », « la souveraineté » et « lautonomie africaine ».
Nous espérons quune plus grande attention à la présence chaque jour plus intense des Etats-unis en Afrique et une meilleure connaissance du contexte de cette situation peuvent, au moins, être utiles pour le présent et pourront, demain, aider à atténuer quelques-uns des effets néfastes que lon sait inévitables. Pour le moment, le grand public africain ne connaît pas grand chose dAfricom et ne dispose que de quelques informations distillées sur ce Commandement par la propagande officielle.
Nous voulons que lon élargisse la discussion publique sur cette question, ce qui serait un premier pas en direction de réponses significatives. Africains et concernés au premier chef par ce dossier, nous voulons en savoir plus sur Africom.
Controverse
Le commandement dAfricom -une unité conçue pour diriger toutes les opérations militaires américaines en Afrique – a été officiellement mis en place. Même si, pour lheure, la structure reste basée en Allemagne, lidée de limplantation dune force américaine de cette ampleur sur le sol africain a suscité des réactions hostiles dans plusieurs pays du continent.
Des informations-clé sur le mode de fonctionnement de cette structure restent floues. Par exemple, le lieu où sera installé le siège dAfricom sur le continent africain na pas encore été choisi. Et le fait que tant de zones dombre subsistent autour du projet américain alimente de nombreuses spéculations, voire une certaine méfiance quant à sa raison dêtre.
De son côté, ladministration Bush insiste sur le bien-fondé de linitiative. Selon les Américains, Africom contribuera non seulement à renforcer la sécurité en Afrique, mais aussi à promouvoir le développement, la santé, la démocratie, léducation et la croissance économique du continent. Mais tout le monde ne partage pas cette opinion.
Des pays auraient refusé de répondre favorablement à la demande américaine de baser le centre de commandement sur leur sol et semploieraient activement à décourager leurs voisins directs de soutenir lidée.
Dautres pays africains ne sont pas opposés à linitiative Africom. Certains attendent davoir plus dinformations sur le projet avant de sexprimer sur sa viabilité. Pour sa part, le Liberia sest déjà porté volontaire pour abriter le siège dAfricom qualifié, ici, de « modèle pour lavenir ». Donc, il y a controverse autour de ce centre militaire américain pour lAfrique.
Tout comme il y a controverse autour de la visite du guide libyen en France. Mouammar El Kadhafi -boycotté par des ministres et des députés de lHexagone- et son hôte, le chef de lEtat français, Nicolas Sarkozy se sont vivement opposés sur le sujet ultra-sensible des droits de lHomme.
Le « messager du désert » a eu fière allure dans la Cité des lumières, cest-à-dire Paris où il a été le porte-voix des émigrés, ces hommes et femmes souvent maltraités par la police.
Par Cheikh Aliou AMATH