08/01/08 (B429) RSF : ETHIOPIE / Le ministère de l’Information refuse de délivrer des licences à des journalistes

Dans une lettre adressée au Premier ministre éthiopien, Meles Zenawi, datée du 7 janvier 2008, Reporters sans frontières lui a demandé de reconsidérer le refus, par son gouvernement, de délivrer des licences à Serkalem Fasil, ancienne rédactrice en chef des hebdomadaires privés Menelik, Asqual et Satenaw, son mari Eskinder Nega, ancien propriétaire du groupe de presse Serkalem Publishing Enterprise, et Sisay Agena, ancien directeur de publication de l’hebdomadaire privé Ethiop. Les trois journalistes avaient demandé, en septembre 2007, des licences pour créer deux nouveaux journaux.

"La libération de journalistes et d’opposants politiques, dans le courant de l’année 2007, a été une étape très appréciable vers la réconciliation nationale, a écrit l’organisation dans sa lettre. La perspective d’un nouveau scrutin en 2008 nous amène à penser que, de même que le pluralisme politique permet la démocratie, le pluralisme médiatique offre à chacun une tribune pour s’exprimer de manière légale en sauvegardant ainsi l’ordre public".

En septembre 2007, les trois journalistes avaient déposé une requête au ministère de l’Information pour obtenir des licences de presse, en vue de lancer deux nouveaux hebdomadaires, Lualawi et Habesha. "Toutes les conditions légales étant remplies, la délivrance des licences n’aurait pas dû prendre plus de quelques heures. Cependant, lors du dépôt de leur demande, un employé du ministère leur a expliqué que leur cas nécessitait un examen approfondi et qu’une réponse leur parviendrait le 25 octobre. Cela n’a pas été le cas et un nouveau rendez-vous a été pris pour le 1er novembre, avec la promesse que M. Zemedkun Tekle, le responsable du département des licences, les recevrait en personne. Le 1er novembre, les journalistes ont été informés que le rendez-vous était annulé et que la décision finale de l’administration leur serait communiquée par téléphone. Le 1er janvier 2008, ils ont finalement appris que le ministère de l’Information refusait de leur délivrer des licences, sans autre explication", a indiqué Reporters sans frontières.

"Les élections à venir inquiètent le gouvernement. En 2005, la décision de jeter en prison les leaders d’opposition et les journalistes a soulevé une vague d’impopularité, et il craint un retour de bâton. Ainsi, en refusant de nous délivrer les licences, il tente d’intimider l’opposition et les électeurs. Le but est que le scrutin se déroule en l’absence d’une presse forte et indépendante qui régule la parole et surveille la bonne observation des processus démocratiques", a expliqué Eskinder Nega.

Arrêtés les 27 et 29 novembre 2005 dans la foulée des émeutes meurtrières qui avaient suivi les résultats des élections législatives du 15 mai 2005, en compagnie des leaders et cadres de la Coalition pour l’unité et la démocratie (CUD, principale formation de l’opposition), de militants des droits de l’homme et de responsables d’associations, accusés par le Premier ministre Meles Zenawi d’avoir « lancé une insurrection », Serkalem Fasil, son mari Eskinder Nega et Sisay Anega, avaient été inculpés de "génocide", "haute trahison" et tentative de "renversement de l’ordre constitutionnel".

Le 9 avril 2007, après un an de procès, la Haute Cour fédérale d’Addis-Abéba avait acquitté les trois journalistes de tous les chefs d’accusation retenus contre eux. En 2006, Serkalem Fasil et Eskinder Nega avaient eu un enfant en prison.