16/01/08 (B430) LIBERO (Italie) Le Père Sandro, bouc émissaire des chantages France-Afrique (article écrit par Maria Acqua Simi et publié le 11 janvier 2008 , traduction de l’italien par Fabio de Petri)

________________________________________ Note de l’ARDHD
La presse italienne s’active pour dénoncer l’incarcération du Père Sandro de Pétris et elle porte désormais un regard accusateur sur le régime de Guelleh, sur ses dérives et sur toutes les violations des Droits de l’Homme et les abus de tous ordres qui sont commis chaque jour.

L’affaire de l’assassinat du Juge Borrel, dont on ne parlait que très peu en Italie, est désormais médiatisé chez nos voisins.
_________________________________________ Article de Libero

La cellule est petite, quatre pas sur sept. Aucun meuble sauf un petit matelas et les latrines. Dehors, l’aire étouffant annonce l’arrivé des grandes chaleurs et les moustiques qui ne donnent aucun répit. Depuis 77 jours père Sandro De Pretis, missionnaire à Djibouti, dans le Corne d’Afrique, est incarcéré sans aucune accusation précise.

“Mis en examen pour corruption de mineur” dit la magistrature djiboutienne. Mais il n’y a pas la moindre preuve. Il lui ont saisi son passeport de citoyen italien ; il l’ont mis en « détention préventive » à la suite d’une attaque virulente publiée par le seul quotidien national autorisé par le gouvernement local, « La Nation », contre la « France pédophile » et l’Eglise accusée d’organiser « un réseau pédophile ».

A ce jour ni les protestations du nonce apostolique Ramiro Moliner Ingles ni les demandes réitérées du consul d’Italie Gianni Rizzo n’ont abouti.

La diplomatie italienne a fait son travail, elle a fait bloquer aussi un financement important pour la construction d’un hôpital dans le pays.

En vain. « Ici, la magistrature ne veut pas élucider. Je vous remercie si vous arrivez à faire intervenir le Président du Conseil Romano Prodi » écrivait au mois de novembre le prêtre de sa prison.

Ainsi, quand le 8 décembre 2007 a eu lieu la rencontre entre les chefs d’état africains et européens à Lisbonne, où étaient présents Prodi et Guelleh (actuel président de Djibouti), on a pensé pouvoir parvenir rapidement à une solution. La Farnesina (Ministère des Affaires Etrangères italien) était au courant du problème. Mais personne n’en a parlé. Parce que “le père Sandro est simplement un bouc émissaire, victime d’intérêts bien plus grands » explique un ami du prêtre de Trento, Fabio de Petri.

Un prêtre qui dérange, pour être clair. L’hebdomadaire « Vita Trentina », dirigé par le père Ivan Maffeis, raconte dans un reportage courageux que derrière l’injuste détention du missionnaire se cache un épisode pas encore éclairci, qui s’est passé à Djibouti à la fin des années ’90 : l’affaire Borrel.

Au cours de l’année 1995 à Djibouti on trouve, dans un ravin, le corps calciné du juge Bernard Borrel.

Les autorités locales classent le dossier comme « suicide », mais la femme du juge n’est pas d’accord et demande à être reçue par Chirac. Elle ne reçoit aucune réponse. « Borrel était “coupable” d’avoir découvert des affaires de corruption et des affaires illicites – blanchiment d’argent, trafic d’armes entre autres – entre les autorités de Djibouti et certains coopérants français » explique Maffeis. C’est ainsi que l’on arrive à construire le mobile du « soi-disant geste désespéré ».

Le juge, catholique, n’aurait pas supporté le remords d’avoir cédé à la pédophilie. Note : à l’époque, le chef de la police secrète djiboutienne était Guelleh, aujourd’hui Président. Le dossier a été classé sans suite, même si beaucoup de personnes, italiennes et françaises, connaissaient la vérité. Maintenant, la veuve Borrel a obtenu de Sarkozy la poursuite de l’instruction pour assassinat et non plus pour suicide. Comme il y aura bientôt des élections à Djibouti, le président-dictateur veut éviter à tout prix, des interférences créées par ce dossier.

Comme avertissement, il a fait incarcérer le père Sandro, le seul prêtre italien témoin de sa despotique ascension au pouvoir. « Guelleh veut changer la Constitution, se représenter aux prochaines élections sans adversaires ; autrement il aurait du affronter les deux tours prévus par la Constitution » explique encore à « Libero » Fabio de Petri.

Pendant ce temps notre missionnaire attend que quelque chose se passe. Il se sent abandonné par les institutions, mais la foi est ferme. « J’ai au moins le confort des sacrements », dit-il à ceux qui viennent le voir. Dehors, ses pauvres de la paroisse d’Ali Sabieh l’attendent.