23/01/08 (B431) LE MONDE / CIJ: Djibouti demande que Paris soit condamné à donner son dossier Borrel (Info lectrice)

Djibouti a demandé mardi, lors de la conclusion de sa plaidoirie devant la Cour internationale de justice (CIJ) d’ordonner à la France de lui transmettre le dossier Borrel, du nom du juge français retrouvé mort à Djibouti en 1995.

L’agent de Djibouti devant la CIJ, l’ambassadeur Siad Mohamed Doualeh, a demandé aux juges la condamnation de la France pour « violation de ses obligations internationales » et de contraindre Paris de lui « transmettre le dossier Borrel (…) immédiatement après le jugement ».

Le corps à moitié calciné du juge d’instruction Bernard Borrel avait été découvert en 1995 dans un ravin à Djibouti, où il enquêtait.

Selon l’enquête djiboutienne, le juge se serait suicidé. Selon la France, il s’agit d’un assassinat.

Cette mort a provoqué un imbroglio politico-diplomatico-judiciaire entre Djibouti et Paris, le premier accusant le second de manquer à ses devoirs d’entraide judiciaire en refusant de lui communiquer des éléments de son enquête et portant l’affaire devant la CIJ en janvier 2006.

M. Doualeh a également demandé à la Cour « d’annuler la convocation à témoigner » adressée par la France au président djiboutien » Ismaïl Omar Guelleh, et « d’annuler les convocations comme témoins assistés et les mandats d’arrêt » contre deux hauts responsables de la république africaine, émis par Paris.

« Seul ce jugement permettrait aux relations entre les deux pays de s’apaiser », a-t-il répété.

Djibouti fonde sa requête sur deux traités de coopération et d’entraide judiciaire, signés par les deux pays en 1977 et 1986.

Lors des plaidoiries, l’agent adjoint de Djibouti Phon van der Biesen, a reproché à la France « d’interpreter la loi dans un sens qui la rend inapplicable ».

Le professeur Luigi Condorelli, avocat de Djibouti, a longuement évoqué les manquements de la France à ses obligations d’entraide judiciaire, qualifiant certains points d' »époustouflants ».

Il a notamment cité une lettre de 2005 d’un directeur de cabinet du ministère français de la Justice, donnant des garanties de coopération judiciaires aux autorités djiboutiennes.

Selon lui, Paris est revenu sur cet écrit en affirmant que « cette lettre, grammaticalement (…) n’engage pas la République française », l’auteur de la lettre y écrivant à la première personne du singulier.

« La France viole ses obligations de prévention d’atteintes sur des personnes qui disposent de l’immunité », a-t-il encore dit, dénonçant un courrier envoyé au président djiboutien stipulant que « si vous ne comparaissez pas, vous y serez contraint par la force publique ».

Enfin, Djibouti a estimé que le refus des pouvoirs judiciaires français d’accorder sa coopération judiciaire engage la responsabilité de l’Etat français, contrairement à ce que Paris tente d’affirmer, selon l’avocat.

Lundi, M. Doualeh avait déjà estimé que « derrière le refus (de coopérer de la France) se cache un conflit entre l’exécutif et le pouvoir judiciaire en France ».

Jeudi et vendredi, la France répliquera. Djibouti et la France auront une dernière fois la parole, respectivement lundi 28 et le mardi 29.

La CIJ est la plus haute instance judiciaire des Nations unies et siège à La Haye. Elle juge les différends entre les Etats.