29/02/08 (B436) Presse canadienne : Sarkozy veut remettre à plat tous les accords de défense avec des pays africains

LE CAP – Nicolas Sarkozy a jeté un pavé dans la mare jeudi en annonçant la "renégociation" de tous les accords de défense qui lient actuellement la France à des Etats africains, et leur "publication" au nom de la "transparence".

Lors de la décolonisation, la France a signé des accords de coopération militaire et de défense avec une quinzaine d’Etats africains. Les "accords de défense" impliquent une garantie française en cas d’agression, mais d’autres accords portent simplement sur une assistance militaire technique.

Les textes signés avec la Côte d’Ivoire, le Gabon ou le Tchad sont notamment relatifs au maintien de l’ordre, certaines de leurs clauses étant restées secrètes.

La France compte actuellement environ 9.000 hommes sur le continent africain et des bases permanentes à Djibouti, au Sénégal et au Gabon, plus deux bases au Tchad et en Côte d’Ivoire.

Le président français entend ainsi concrétiser sa volonté, affirmée pendant la campagne présidentielle, de mettre fin à la "Françafrique", mélange de réseaux souterrains, d’accords de défense secrets hérités de la colonisation, et d’interventions, y compris armées, dans les affaires intérieures de ces pays.

Symbole de ces dérives: le Tchad, où Paris, qui y compte un millier d’hommes, est intervenue à plusieurs reprises dans le passé pour soutenir le régime contesté du président Idriss Déby. Lors de la dernière offensive rebelle en février dernier, "la France s’est interdit de s’immiscer dans les combats", a assuré jeudi Nicolas Sarkozy devant le Parlement sud-africain au Cap. "C’est un changement sans précédent. Ce changement, il faut le poursuivre."

Au premier jour de sa visite d’Etat en Afrique du Sud, Nicolas Sarkozy a donc annoncé "la renégociation de tous nos accords de défense en Afrique", où l’Union africaine entend jouer un rôle de plus en plus important. "C’est un tournant majeur", a-t-il souligné lors d’une conférence de presse conjointe avec Thabo Mbeki, précisant que "tous les chefs d’Etat concernés ont été informés".

"La France n’a pas vocation à maintenir indéfiniment des forces armées en Afrique", a-t-il prévenu. "L’Afrique doit prendre en charge ses problèmes de sécurité".

"La présence militaire française en Afrique repose toujours sur des accords conclus au lendemain de la décolonisation, il y a 50 ans!", a-t-il souligné. Ils sont "obsolètes". Ainsi, "il n’est plus concevable pas exemple que l’armée française soit entraînée dans des conflits internes", a-t-il averti. L’entourage du président a affirmé que "huit pays" étaient concernés par la renégociation des accords de défense: le Sénégal, le Gabon, le Cameroun, le Togo, Djibouti, la République centrafricaine, la Côte d’Ivoire et les Comores.

Les nouveaux accords devront "reposer sur les intérêts stratégiques de la France et de ses partenaires africains" et s’adapter "aux réalités du temps présent". La France est aussi "ouverte au dialogue avec tous ceux qui souhaiteront nouer avec elle un nouveau partenariat en matière de sécurité".

Au nom de la "transparence", les nouveaux accords seront "intégralement publiés" et le Parlement français sera "associé étroitement aux grandes orientations" de la politique africaine française.

Nicolas Sarkozy n’a pas précisé jeudi s’il envisageait de fermer des bases militaires et lesquelles. "Pour l’instant, on reste sur Djibouti", la plus importante des bases françaises sur le continent, a toutefois assuré un responsable du ministère de la Défense sous le couvert de l’anonymat. Pour le reste, "il y a plusieurs hypothèses".

Le président sud-africain Thabo Mbeki a salué cette annonce, y voyant "la suite du processus de décolonisation en Afrique".

Ces dernières années, face au coût des opérations et aux critiques de plus en plus vives sur son rôle en Afrique, la France avait déjà cherché à davantage "européaniser" ses interventions ou à les placer sous mandat de l’ONU, comme cela avait été le cas en Côte d’Ivoire notamment.

Nicolas Sarkozy veut aussi réformer les traditionnels sommets annuels France-Afrique: il a souhaité jeudi qu’ils "changent dans leur méthode et dans leur nature". Une proposition qu’il devrait défendre au sommet du Caire en 2009.

Il a par ailleurs promis une "initiative de soutien économique" à l’Afrique de 2,5 milliards d’euros sur cinq ans. Portée par l’Agence française de développement (AFD), elle permettra de "financer directement ou indirectement près de 2.000 entreprises pour la création de 300.000 emplois".